Reportage sur les services d’urgence

A l’occasion d’une dispute conjugale à son domicile parisien, une personne, s’est, dans un moment d’énervement, blessée à la tête avec un verre ce qui a provoqué sa chute et une perte de connaissance. Son compagnon a appelé les pompiers lesquels sont intervenus accompagnés d’un cameraman travaillant à un documentaire sur les missions et l’activité des sapeurs pompiers de Paris. La vidéo de cette intervention au domicile du particulier été intégrée à ce reportage diffusé sur la chaîne de télévision France 2, ainsi qu’en streaming sur le site internet de la chaîne.

Personnes reconnaissables

La personne accidentée filmée a poursuivi  la chaîne en faisant valoir que si son visage et celui de son compagnon ont été floutés, ils étaient reconnaissables par leur silhouette et par leur  voix qui n’a pas été modifiée. La victime soulignait en outre que l’intérieur de son domicile était reconnaissable par son mobilier et qu’en outre, apparaît à l’écran son manteau, qui est une création originale reconnaissable. Elle a produit aux débats les attestations de trois personnes qui affirmaient avoir, par ce biais, été informées de l’accident dont elle a été victime.

Atteinte à la vie privée

Il apparaît de ce reportage que le visage de la victime a été flouté, qu’elle est représentée allongée au sol, souffrant et le spectateur l’entend exprimer sa douleur, sans que, bien que non modifiée, sa voix en raison de la douleur qui l’étreint ne soit pas clairement reconnaissable.  Cependant, et ainsi que le précisent les trois personnes qui attestent l’avoir reconnue, l’ensemble constitué de sa silhouette, de celle de son compagnon, qui évoque la présence de sa fille, et de l’intérieur de son appartement – son aspect général, son agencement, son mobilier , même si certains de ces éléments ont été floutés -, y compris son manteau qui apparaît à l’écran, permet de reconnaître la victime. La victime était donc identifiable et recevable à se plaindre des atteintes portées aux droits que lui consacre l’article 9 du Code civil.

Quant à la nature des atteintes portées au respect dû à la vie privée, la victime a été représentée dans une situation où sa santé était en cause, que l’hypothèse d’une tentative de suicide était exprimée dans la présentation de cette intervention des sapeurs-pompiers ainsi que la dispute avec son compagnon, circonstances qui appartiennent à la sphère la plus intime de la vie privée. Le domicile appartient également de façon particulièrement prégnante à la sphère protégée de la vie privée.

Ces atteintes caractérisent le trouble manifestement illicite et l’urgence au sens des articles 808 et 809 du Code de procédure civile.

Liberté d’informer c/ Vie privée

C’est en vain que la chaîne et le producteur de l’émission ont invoqué la primauté du droit de savoir du public sur les droits de la personnalité. En effet, si le reportage litigieux, portant sur le travail et les missions des sapeurs pompiers de Paris, constituait un sujet d’intérêt général que le public était en droit de connaître, il ne saurait être considéré que ce droit devait prévaloir sur celui de la victime de ne pas souhaiter que l’accident dont elle a été victime et les difficultés qu’elle pouvait rencontrer dans un cadre strictement privé, à son domicile, soient ainsi publiquement livrées.  L’interrogation préalable de la demanderesse pour solliciter son accord à la diffusion de ces images ne parait pas une exigence démesurée au regard de la mise en balance des droits de la personnalité et de ceux de la liberté d’expression.

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