Notion de réalité scénarisée

Après la téléréalité, les séries de téléréalisme / docufiction (dépouillées de l’attribut de voyeurisme), connaissent un vif succès mais sont-elles des œuvres de fiction éligibles au compte de soutien automatique du CNC ?

La réalité scénarisée (scripted reality) est un genre de programme télévisuel tiré de faits divers ou de situations de la vie courante, empruntant aux procédés du reportage et recourant à des scènes reconstituées afin de produire un effet d’authenticité.

Pas d’exclusion automatique du compte de soutien

L’article 311-5 du règlement général des aides financières du CNC rend éligible aux aides automatiques ou sélectives, les oeuvres audiovisuelles appartenant au genre « documentaire de création ». Ces dernières bénéficient ainsi des aides financières automatiques, sous forme d’allocations d’investissement.

Saisi par le Syndicat des Agences de Presses Audiovisuelles, le Conseil d’Etat a sanctionné le  règlement général des aides financières adopté par le CNC (celui du 27 novembre 2014) qui avait exclu du compte de soutien les oeuvres qui ont recours aux codes d’écriture ou de réalisation propres au magazine ou au reportage :

« En excluant du champ des bonifications … les oeuvres qui ont recours aux codes d’écriture ou de réalisation propres au magazine ou au reportage, le CNC a introduit une distinction qui ne se fonde pas sur des critères objectifs et rationnels permettant de caractériser une différence de situation entre des oeuvres qui relèvent de la même catégorie des  documentaires de création. Cette distinction ne répond pas non plus à un motif d’intérêt général en rapport avec l’objet des aides financières destinées à soutenir la création audiovisuelle. »

Qualification de fiction et aides de réinvestissement

Les documentaires de “réalité scénarisée” peuvent aussi appartenir au genre de la fiction.  Le décret du 2 février 1995 met en place des aides de réinvestissement aux œuvres audiovisuelles de fiction à l’exclusion des sketches.

Le refus d’une aide d’une CNC aux œuvres de réalité scénarisée comme œuvres de fiction, doit être motivé. En effet, selon la loi du 11 juillet 1979 « les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui retirent ou abrogent une décision créatrice de droits, refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir ».

Dans une récente affaire, les juges administratifs ont eu l’opportunité de confirmer que certaines séries de réalité scénarisée ne sont pas des fictions.  Etait ainsi justifié le refus d’une aide par le CNC au programme « Mon histoire vraie » en raison d’une insuffisante part de création originale et d’un « brouillage » entre dimensions fictionnelle et réelle.

Condition de la créativité

En matière de qualification en fiction, le CNC dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour apprécier si les programmes au titre desquels le versement d’une aide est sollicité présentent un  intérêt particulier d’ordre culturel, social, scientifique, technique ou économique. Le CNC est en droit de retenir que la créativité d’un programme est trop faible pour que l’oeuvre en cause puisse être qualifiée de « fiction » au sens de l’article 1er du décret du 2 février 1995.

En l’occurrence, le programme « Mon histoire vraie » se présentait comme une série quotidienne de trente épisodes de treize minutes, basés sur des faits réels et mettant en scène des personnages dont la vie va être bouleversée par un évènement inattendu ; chaque épisode était structuré autour du point de vue du personnage principal ; il était notamment, recouru au procédé de la ” voix off ” ainsi qu’à la technique dite du ” face caméra “, permettant au héros de raconter son histoire à la première personne du singulier. Si pour adapter et interpréter chaque histoire, la société de production a eu recours à des scénaristes, réalisateurs et comédiens professionnels et si le projet ainsi décrit emprunte des éléments au genre de la fiction, en mettant en scène des histoires et des personnages, les épisodes se présentaient, toutefois, comme la simple description de faits divers relatés par leur protagoniste, sans qu’il soit aisé de déterminer si le personnage est, ou non, interprété par un acteur. Le projet en cause empruntait, de manière substantielle, des éléments au genre du reportage, pour son mode de narration, et à celui du magazine, pour sa dimension testimoniale, alors même que ces deux derniers genres ne figurent pas sur la liste des genres de programmes éligibles aux aides de réinvestissement.

Position du CSA sur la question

Le CSA, saisi par des producteurs, a eu l’opportunité de qualifier des émissions de réalité scénarisée en fictions après un examen minutieux, tenant compte notamment du recours à la scénarisation, à la réalisation et à l’interprétation. Le CSA s’est assuré, pour chacune des émissions, de la présence des éléments suivants : scénario écrit par un ou plusieurs auteurs, histoire interprétée par des comédiens -rémunérés comme tels et dans le respect des conventions collectives –et réalisée par des réalisateurs payés en tant qu’auteurs et techniciens, dans le respect également des conventions collectives. Pour ce faire, il a demandé aux diffuseurs copie des scénarii et des différents contrats utiles (contrat de commande, contrats d’auteur, de réalisateur, de comédiens …).

Avec ces lignes directrices, le CSA a pour objectif d’éviter la production de programmes « low cost » et de faible qualité  accompagnés de pratiques de rémunération à la limite de la légalité.

En conséquence, le CSA opère une appréciation in concreto pour inclure les émissions de réalité aux quotas de production et de diffusions des chaînes. Pour rappel, les chaînes hertziennes doivent investir un minimum de 12,5 % de leur chiffre d’affaires en faveur des œuvres patrimoniales (20 % pour France Télévisions) et 10,5 %, lorsque leur contribution globale atteint 15 % du chiffre d’affaires.

A noter que France Télévisions aurait  pris l’engagement auprès de certaines sociétés de gestion collective de ne pas comptabiliser les programmes de réalité scénarisée dans ses obligations d’investissement de création patrimoniale. Des accords ont également été conclus entre professionnels pour garantir l’amélioration de la qualité des programmes, notamment la charte relative au développement de la fiction conclue entre France Télévisions, le Groupe 25 images, la SACD, le SPI et l’USPA, ainsi que l’accord sur les pratiques contractuelles entre auteurs scénaristes et producteurs de fiction.

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