La société GUY DELCOURT PRODUCTION titulaire des droits sur la série « AQUABLUE »  été déboutée de son action en contrefaçon contre le réalisateur du film AVATAR. La société reprochait notamment la reprise d’éléments originaux tirés des deux premiers tomes de la série AQUABLUE intitulés respectivement Nao et Planète Bleue, à savoir la trame scénaristique, les thématiques abordées, les lieux dans lesquels se déroulent les actions, les caractéristiques des personnages principaux.

Absence de contrefaçon

Les dispositions de l’article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle protègent par les droits d’auteur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, pourvu qu’elles soient des créations originales.  En outre, il appartient à celui qui se prévaut de la protection au titre du droit d’auteur de caractériser l’originalité de l’oeuvre, laquelle se définit par le fait que cette dernière résulte d’un effort créatif et porte ainsi l’empreinte de la personnalité de l’auteur.

Aux termes de l’article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle “Toute représentation, ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droits ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.

La société GUY DELCOURT PRODUCTION faisait valoir que ses albums NAO et PLANETE BLEUE ont été publiés en version traduite aux Etats-Unis en 1989 par la société DARK HORSE COMICS de sorte que selon elle, il n’était pas déraisonnable de penser que James CAMERON ait pu avoir connaissance de ces ouvrages, d’autant plus que d’après eux des prospections auraient été effectuées entre 1989 et 1992 auprès des studios hollywoodien pour proposer l’adaptation cinématographique de AQUABLUE.

Les deux premier albums de la série AQUABLUE, NAO et PLANETE BLEUE, narrent dans une époque indéterminée, l’histoire d’un orphelin NAO élevé par un robot nourrice à la suite du décès de ses parents dans un accident du vaisseau spatial dans lequel la famille voyageait, qui après plusieurs années d’errance dans l’espace, trouve une planète habitable, AQUABLUE, sur laquelle il amerrit en catastrophe, puis étant toujours enfant, est adopté et élevé par le peuple autochtone, le peuple d’ OUVEA, composé d’humanoïdes à la peau bleue qui considèrent qu’il a été désigné dans un statut spécial par un animal marin, nommé URUK URU, sorte de baleine géante, qui constitue à la fois l’âme et le gardien de la planète.

Adoubé après un enseignement et un passage initiatique, et après avoir choisi pour femme la fille du chef, il doit immédiatement protéger sa planète adoptive contre les velléités colonisatrices d’une compagnie privée terrienne appuyée par une armée de miliciens et pour ce faire s’opposer à sa propre tante, patronne de cette milice, aidé en cela par un scientifique terrien soucieux de protéger cette planète de l’exploitation envisagée qui la détruirait. Une première bataille menée par le peuple D’ OUVEA et NAO est perdue contre la milice laquelle est néanmoins stoppée par l’intervention de la divinité URUK URU agissant en communion avec NAO en transe.

Obligé de fuir sur Terre, ce dernier tente avec l’aide du scientifique d’obtenir juridiquement la souveraineté sur la planète AQUABLUE dont il apprend que son père était propriétaire, et dont sa tante a hérité à sa place, tandis que le peuple d’OUVEA doit se réfugier sur une banquise inhospitalière de la planète. NAO poursuit et gagne son combat juridique sur Terre et revient sur la planète AQUABLUE, son vaisseau attaqué par la milice de sa tante, s’échoue sur la banquise où il retrouve le peuple d’OUVEA.

Le film AVATAR quant à lui retrace dans le cadre de la conquête coloniale la planète PANDORA par une compagnie privée terrienne et son armée qui veulent en exploiter les richesses, les aventures d’un personnage paraplégique nommé Jack SULLY qui participe à un programme nommé AVATAR consistant à être connecté de manière neuronale avec un double cloné à partie de ses gênes qui a l’apparence des habitant de la planète PANDORA , humanoïdes géants à l’allure féline et à la peau bleue, ceci en vue de mieux les comprendre et communiquer avec eux. Au sein de ce programme scientifique, Jack SULLY joue d’abord double jeu puisqu’il est par ailleurs un espion à la solde du chef de la milice qui lui promet en échange de le rendre à nouveau valide, avant de prendre entièrement fait et cause pour le peuple NAVI qui l’adopte totalement et fait de lui son chef, et de combattre la milice. Après une première bataille perdue et la destruction d’un arbre magique, source de la force spirituelle des NAVI et de la planète, Jack SULLY mène le peuple NAVI à la victoire en fédérant les différentes tribus de la planète et grâce à sa maîtrise d’un animal mythique surpuissant, sorte d’aigle géant qu’il chevauche.

Force est de constater qu’au-delà des différences majeures de la technique employée, images en grande partie numériques en trois D dans le film et dessins de bande dessinée de facture classique dans AQUABLUE, il n’existe en effet pas de ressemblance évidente en ce qui concerne ces apparences, hormis le choix de la couleur bleue pour la peau du peuple autochtone.

Le fait que le récit se déroule sur une planète inconnue, imaginaire, perdue dans l’espace constitue un thème constant et récurrent de la science fiction Il appartient ainsi au fonds commun des univers de la science fiction. Au demeurant, la vénération de la nature et la situation d’harmonie avec celle-ci qui constituent un thème dominant du film AVATAR, ne sont en revanche pas aussi nettement exploitées dans les ouvrages NAO et PLANETE BLEUE.

L’existence et l’intervention d’un animal mythique gigantesque qui présente un lien organique avec le territoire ne sont pas non plus des éléments scénaristiques protégeables, puisqu’ils appartiennent au fonds commun du genre de la science fiction et du fantastique, qu’on retrouve par exemple dans des oeuvres tels que film KING KONG de 1933 à travers un singe géant, roi de son île ou dans le roman DUNE précité par la présence d’un vers de sable géant autour duquel se constitue toute une mythologie, ou encore dans le filin ABYSS du même James CAMERON de 1983 dans lequel des êtres des grandes profondeurs viennent au secours des hommes perdus dans les abysses.

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