Le licenciement justifié par des relevés de géolocalisation du véhicule du salarié, géolocalisation déclarée à la Cnil au motif d’assurer la sécurité des biens et des personnes, n’est pas fondé si le système installé sur le véhicule de fonction n’a pas pour finalité un contrôle de l’activité professionnelle et de la durée du travail du salarié.

En l’espèce, la cour relève l’existence d’un charte d’utilisation des dispositifs de la géolocalisation au sein de l’UES Véolia, déclarée à la CNIL et l’information des institutions du personnel sur l’installation et l’utilisation de ce dispositif, étant précisé dans la charte que ‘la géolocalisation s’applique au véhicule et non au conducteur, les données collectées à partir des dispositifs de géolocalisation ne pourront servir de motif pour prononcer une quelconque sanction disciplinaire à l’encontre du salarié utilisateur du véhicule.’ la charte prévoyant aussi ‘un système de désactivation des données en dehors des heures de travail, pendant la pause déjeuner ou le trajet domicile/travail. (…) et si le salarié avait été informé de l’utilisation de ce dispositif à cette fin’.

Ainsi, la juridiction n’a pu retenir les éléments fondés sur la consultation de la géolocalisation, procédé dont la société a reconnu dans la charte précitée, l’impossibilité de son utilisation pour sanctionner le salarié.


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8



ARRET DU 26 OCTOBRE 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00970 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDBFC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/08394





APPELANTE



S.C.A. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE DISTRIBUTION D’EAU ET DE L’OZONNE exerçant sous l’enseigne VEOLIA

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me François GERBER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0297





INTIMÉE



Monsieur [M] [B]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représenté par Me Laurence SAADA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0585





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente

Madame Nicolette GUILLAUME, présidente

Madame Véronique BOST, vice-présidente placée



Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU





ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige




EXPOSÉ DU LITIGE



Monsieur [M] [B] a été embauché, par contrat de travail à durée indéterminée, par la société Française de distribution d’eau et de l’ozone, exerçant sous l’enseigne Veolia, à compter du 1er octobre 2008 en qualité d’agent du ‘service abonné’, groupe 2, 1er échelon, coefficient 170 de la convention collective des entreprises des services d’eau et d’assainissement, pour un salaire mensuel brut de 1 425,25 euros sur 13 mois et une prime de vacances.



Le 08 mars 2019, M. [B] est convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire fixé initialement au 26 mars 2019 puis reporté par courrier du 18 mars, au 26 avril 2019.



Par courriers identiques des 2 et 20 mai 2019, M. [B] a été sanctionné de deux jours de mise à pied fixés aux 4 et 5 juin 2019.



Le 5 juin 2019, M. [B] est convoqué à un entretien préalable fixé initialement au 21 juin 2019 et reporté au 4 juillet 2019 sur sa demande.



Le 16 juillet 2019, un conseil de discipline, réuni conformément à la procédure interne de la société, a eu lieu et le 23 juillet 2019, M. [B] a été licencié pour faute grave.



Contestant le bien fondé de son licenciement et sollicitant l’annulation de la sanction disciplinaire de mise à pied des 4 et 5 juin 2019, M. [B] a saisi 1e conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 10 décembre 2020 notifié aux parties le 23 décembre 2020, a :

– Condamné la société Compagnie des eaux et de l’ozone à payer à M. [B] les sommes suivantes :

– 16 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 5 398 euros à titre d’indemnite compensatrice de préavis,

– 539,80 euros au titre des congés payés afférents,

– Condamné la société Compagnie des eaux et de l’ozone, à payer à M. [B], la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Déboute M. [B], du surplus de ses demandes,

– Débouté la société Compagnie des eaux et de l’ozone, de sa demande d’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la société Compagnie des eaux et de l’ozone, aux dépens.



Par déclaration du 13 janvier 2021, la société Compagnie des eaux et de l’ozone a interjeté appel.

Moyens




Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 16 février 2023, la société Compagnie des eaux et de l’Ozone, demande à la cour de :

– Réformer la décision entreprise en ce qu’elle l’a :

– condamnée à payer à M. [B] les sommes suivantes :

– 16 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 5 398 euros à titre d’indemnité compensatrice dc préavis,

– 539,80 euros à titre des congés payés afférents,

– l 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– déboutée de sa demande d’article 700 du code de procédure civile,

– condamnée aux dépens,

Statuant à nouveau :

– Débouter M. [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

– Dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et limiter l’indemnité de licenciement à la somme de 7 497,22 euros sur la base d’une moyenne des salaires de 2 699 euros bruts, dont il conviendra de déduire l’indemnité versée sur le bulletin de paie d’août 2019 à hauteur de 8 528,46 euros,

A titre infiniment subsidiaire :

– dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et limiter l’indemnité de licenciement à la somme de 7 497,22 euros sur la base d’une moyenne des salaires de 2 699 euros bruts, dont il convient de déduire l’indemnité versée sur 1e bulletin de paie d’août 2019 à hauteur de 8528,46 euros,

En tout état de cause,

– condamner M. [B] à verser à la société Cie des eaux et de l’ozone la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en compensation des frais irrépétibles qu’elle a dû engager pour faire valoir sa défense dans cette affaire et le condamner en tous les dépens dc l’instance.



Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 12 mai 2023, M. [B] demande à la cour de :

– Rejeter l’appel formé par la société appelante principale Veolia et le déclarer mal fondé,

– Débouter la société Veolia de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– Rejeter ainsi la demande de réformation du jugement de la société appelante Veolia,

– Rejeter les demandes de la société Veolia formulées à titre subsidiaire,

– Confirmer le jugement dont appel dans son principe en ce qu’il a reconnu qu’il n’y avait pas de faute et en ce qu’il a reconnu que 1e licenciement était dépourvu de toute cause réelle ni sérieuse,

– Recevoir toutefois M. [B] en son appel incident et l’en déclarer bien fondé,

En conséquence,

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé le montant de la somme allouée au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse à la somme de 16 000 euros,

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [B] de sa demande de dommages interêts pour préjudice distinct à hauteur de 8 097 euros,

Statuant à nouveau,

– Condamner la société Cie des eaux et de l’ozone, exerçant sous l’enseigne Veolia, à verser à M. [B] la somme de 25 339,50 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

– Condamner la société compagnie des Eaux et de l’Ozone exerçant sous 1’enseigne Veolia à verser a M. [B] la somme de 182,03 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied ainsi que les congés payés afférents à hauteur de 18,20 euros,

– Condamner la société compagnie des Eaux et de l’Ozone exerçant sous l’enseigne Veolia à verser à M. [B] la somme de 8 097 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral distincts,

– Confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

A titre subsidiaire,

– confirmer en tous points le jugement dont appel,

En conséquence,

– Condamner la société compagnie des eaux et de l’Ozone exerçant sous l’enseigneVeolia à verser à M. [B] les sommes suivantes :

– 16 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

– 5 398 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 539,80 euros pour les congés payés afférents,

– 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société compagnie des eaux et de 1’Ozone exercant sous l’enseigneVeolia aux entiers dépens.



L’ordonnance de cloture est intervenue le 16 mai 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 29 juin 2023.

Motivation












MOTIFS



Sur la demande d’annulation de la mise à pied



La société soutient que l’intimé n’explique pas les motifs remettant en cause la sanction de mise à pied des 5 et 6 juin 2019 et conduisant à sa demande d’annulation. Elle fait valoir qu’elle était parfaitement justifiée.



M. [B] soutient que la série de sanctions, commençant par la mise à pied des 5 et 6 juin 2019, fait partie d’un climat de pression continue organisé à son encontre sans que soit justifié les griefs et qu’il doit être fait droit à sa demande d’annulation de la mise à pied et au paiement du rappel de salaires.



Sur ce,



Aux termes de l’article L 1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.



L’article L 1333-2 du code du travail dispose que le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.



La lettre de mise à pied disciplinaire du 2 mai 2019 (reprise dans les mêmes termes le 20 mai) est rédigée en ces termes :

‘- Au mois de janvier et février 2019, vous avez établi des FET erronées pour paiement d’heures supplémentaires indues,

– Au mois de janvier et février 2019, il y a eu non-respect des plannings et consignes (2 passages par semaine au bureau) ayant pour conséquence une non réalisation des missions confiées et une désorganisation du service,

– Au mois de mars 2019, il y a eu à 2 reprises le refus d’effectuer des missions en dépassement horaires et en heures supplémentaires,

– Au mois de mars et avril 2019, vous n’avez pas eu le comportement attendu professionnellement en n’honorant pas un déplacement et en critiquant l’entreprise sur son organisation.’



Il est constant que l’employeur à la charge de justifier des griefs concourant à l’adoption d’une sanction disciplinaire et que les faits reprochés doivent être précis et circonstanciés pour que le salarié puisse répondre aux griefs de l’employeur.



En l’espèce, la cour relève, d’une part, que l’ensemble des griefs reprochés à M. [B] sont imprécis quant aux circonstances de leur commission.



D’autre part, les rapports journaliers sont édités quotidiennement sur support informatique et les feuilles d’emploi du temps (FET), accompagnées par celles de demandes d’heures supplémentaires, doivent être validées par la signature du responsable.



Or, la société Véolia ne produit ni les FET des mois de janvier et février 2019 incriminées, ni ne justifie d’un non respect des plannings et consignes ayant conduit à une désorganisation du service, ni un refus de réaliser des missions comportant des heures supplémentaires ou un refus de déplacement.





De la même manière, la société Véolia ne justifie nullement son reproche tenant à la critique de l’organisation de la société.



Enfin, la cour relève que la feuille d’emploi du temps, envoyée au salarié en début de chaque mois par le responsable, est celle sur laquelle le salarié renseigne les heures effectuées mensuellement, dont d’éventuelles heures supplémentaires.



Ces heures sont validées par le responsable direct pour la période du mois passé, sans qu’une demande demande préalable d’heures supplémentaires soit organisée, seule une régularisation des heures effectuées étant organisée.



Ainsi, à défaut pour la société de justifier les griefs reprochés à M. [B] ayant conduit à la sanction, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris, et au constat de la nullité de la sanction de mise à pied des 4 et 5 juin 2016, d’ordonner le paiement de ces deux jours, soit la somme de 182,03 euros outre 18,20 euros au titre des congés payés afférents.





Sur le licenciement pour faute grave



La société soutient que la lettre de licenciement mentionne cinq séries de reproches réels et circonstanciés dont leur répétition sur une courte période entraîne un licenciement pour faute grave. Elle allègue :

– un non respect, à trois reprises, des horaires de démarrage pour le premier rendez-vous de la journée,

– un non-respect des consignes,

– une absence de demande pour la réalisation d’heures supplémentaires à cinq reprises,

– un non respect des rendez vous planifiés,

– des demandes de paiement d’heures supplémentaires liées à des dépassements d’horaires non justifiés.



Le salarié soutient qu’il n’y a aucune faute grave dans les griefs qui lui sont reprochés par la société, car ceux-ci ne lui sont pas imputables. Il fait valoir qu’il a exercé ses fonctions avec sérieux et assiduité pendant plus de dix ans sans aucun mécontentement de la clientèle à son égard et produit plusieurs attestations dans ce sens. Il précise qu’il faisait parfois plus de douze interventions par jour.



Par ailleurs, il fait valoir que les faits ont été portés à sa connaissance en mai et que la rupture de son contrat a eu lieu en juillet.



Il rappelle aussi que la société lui a réglé une indemnité de licenciement.



Sur ce,



En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.



L’employeur se plaçant sur le terrain d’un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise, étant en outre rappelé qu’aux termes de l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.



La lettre de licenciement qui fixe les termes du litige est rédigée comme il suit :

‘(…) La semaine du 20 au 24 mai 2019, vous avez remis votre feuille d’emploi du temps accompagnée de sa feuille d’éléments variables à vos managers. Lors du contrôle, il a été identifié un certain nombre d’erreurs et d’incohérences au regard des rapports d’intervention :

– Le non-respect des horaires de démarrage sur le premier rendez-vous de la journée (Ies 2, 14 et 17 mai),

– Le non-respect des consignes de ‘travail sur les interventions indiquées en ‘date butoir’ qui n’impliquent pas d’être traitées immédiatement et qui par voie de conséquence n’ouvrent pas droit à heures supplémentaires. Ainsi, il est constaté que vous avez effectué deux interventions sur St Escobille le 13 mai facturant à l’entreprise des heures supplémentaires qui n’avaient pas lieu d’être et ce, sans autorisation de votre hiérarchie.

– Le non-respect de la demande d’accord préalable pour la réalisation d’heures supplémentaires (le 2 mai au soir, le 13 mai midi, le 14 mai midi et soir, le 17 et 20 au soir),

– Le non-respect des rendez-vous planifiés entre 8 heures et 12 heures (le 20 mai, rendez-vous réalisé sur le temps de déjeuner alors que le rdv était planifié le matin et que le client a attendu en vain),

– La demande de paiement d’heures supplémentaires liées a des dépassements horaires non justifiés par les rapports d’intervention (Ies 2, 13, 17 et 20 mai),

– L’absence de justification d’activité le 20 mai pour la période entre 9h25 et 11h11.

Compte tenu de ces différents constats d’incohérence, il a été décidé de consulter les données issues de la géolocalisation sur les seules dates qui interpellaient la direction du fait de l’incohérence des déclarations retranscrites dans vos FET.

ll est constaté Ies écarts suivants :

– Le 2 mai, arrivée à 8h49 sur le site au lieu de 8h00, votre horaire de début de journée. Un rapport d’intervention précise une fin à 17h01 à [Localité 6] alors que nous constatons un retour à 16h15 à [Localité 2] (lieu du domicile). De plus, nous avons trois rapports d’intervention déclarés sur [Localité 6] alors que nous identifions que vous ne vous êtes pas rendu sur ce lieu.

– Le 14 mai, vous indiquez intervenir à 8h33 à [Localité 9] alors que nous constatons que votre première intervention est à 9h31 à [Localité 8]. Trois rapports d’interventions sont déclarés sur [Localité 9], cette ville n’est pas identifiée dans les déplacements.

– Le 17 mai, votre rapport d’intervention indique un début à 8h50 alors que vous arrivez à 9h58 à [Localité 10]. Vous déclarez un rapport d’intervention sur [Localité 7], lieu non identifié.

– Le 20 mai, un rapport d’intervention indique une fin à 16h50 à [Localité 5] alors que le véhicule est à [Localité 2] à 16h36. La dernière intervention est identifiée sur [Localité 9] à 16h06 mais il n’a pas été fait de rapport d’intervention sur ce lieu.

Le non-respect des horaires d’intervention auprès des consommateurs entraîne le mécontentement de nos clients et une atteinte à l’image de Veolia. Des engagements contractuels sont pris auprès de nos différents clients afin d’afficher en toute transparence nos interventions. ll est indispensable que les informations transmises soient fiables. Par ailleurs, le fait que vous ayez caché vos retards à la hiérarchie, prétendu avoir effectué des interventions n’ayant jamais eu lieu et appliqué la demande de paiement d’heures supplémentaires là où il n’y avait pas lieu d’en demander implique une rupture de confiance avec votre hiérarchie. En effet, ces faits se comprennent et s’analysent par une volonté caractérisée de mentir et de tricher. De tels comportements ne sont pas compatibles avec les valeurs prônées au sein de l’entreprise.

Ces faits sont d’autant plus inadmissibles que vous venez d’être sanctionné par deux jours de mise a pied pour des faits de même nature apres avoir été reçu en entretien préalable à sanction le 15 avril 2019.

Au regard des faits reprochés et des différents échanges, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave. (…)’.





Il est constant que le licenciement justifié par des relevés de géolocalisation de son véhicule, géolocalisation déclarée à la Cnil au motif d’assurer la sécurité des biens et des personnes, n’est pas fondé si le système installé sur le véhicule de fonction n’a pas pour finalité un contrôle de l’activité professionnelle et de la durée du travail du salarié.



En l’espèce, la cour relève l’existence d’un charte d’utilisation des dispositifs de la géolocalisation au sein de l’UES Véolia, déclarée à la CNIL et l’information des institutions du personnel sur l’installation et l’utilisation de ce dispositif, étant précisé dans la charte que ‘la géolocalisation s’applique au véhicule et non au conducteur, les données collectées à partir des dispositifs de géolocalisation ne pourront servir de motif pour prononcer une quelconque sanction disciplinaire à l’encontre du salarié utilisateur du véhicule.’ la charte prévoyant aussi ‘un système de désactivation des données en dehors des heures de travail, pendant la pause déjeuner ou le trajet domicile/travail. (…) et si le salarié avait été informé de l’utilisation de ce dispositif à cette fin’.



Ainsi, la cour ne peut retenir les éléments fondés sur la consultation de la géolocalisation, procédé dont la société reconnaît dans la charte précitée, l’impossibilité de son utilisation pour sanctionner M. [B].



Cependant, la cour relève que la société se fonde aussi, d’une part, sur les feuilles d’emploi du temps et de récapitulation des heures supplémentaires, feuilles remplies mensuellement par le salarié et transmis en fin de mois à son responsable et, d’autre part, sur les fiches techniques (FET) des 2, 13, 14, 17 et 20 mai 2019, étant rappelé que les feuilles d’emploi et d’heures supplémentaires sont déclaratives et validées mensuellement par le responsable de la société.



Enfin, la cour rappelle que les FET sont remplies quotidiennement par le salarié après chaque intervention, ou en fin de journée, sur un logiciel ‘ad hoc’dénommé ‘PICRU’ et validées par la hiérarchie car nécessaire au calcul des éléments du bulletin de salaire et à la facturation des clients.



Or, sur le grief de retards au 1er rdv des 2, 14 et 17 mai, la cour relève, d’une part, que le contrat de travail de M. [B] ne comporte aucun horaire précis et que, par ailleurs, son lieu de rattachement se situe à [Localité 7] (Essonne).



D’autre part, rien ne justifie les allégations de la société sur l’horaire obligatoire des premiers rendez-vous, étant rappelé que le temps de trajet de lieu de rattachement du salarié ([Localité 7]) jusqu’au lieu du premier rendez vous et celui du retour du dernier, sont à considérer comme du temps de travail effectif.



Par ailleurs, les différents états déclaratifs de M. [B] sont cohérents entre eux et la cour ne relève aucun élément justifiant une tentative de tromperie sur ces déclarations.

Ce grief ne sera donc pas retenu.



Sur les grief de non respect des consignes et de non respect des rendez vous planifiés, la société ne produit aucun élément justifiant ni des consignes enfreintes ni d’un planning pré établi de rendez-vous, étant rappelé que les interventions des techniciens ne peuvent être indiquées que sur une période d’intervention (entre telle heure et telle heure ou à compter de telle heure).



Ainsi les griefs de non respect des consignes et des rendez-vous planifiés sont écartés.



Sur les griefs d’absence de cinq demandes préalables pour la réalisation d’heures supplémentaires et de demandes de paiement d’heures supplémentaires liées à des dépassements d’horaires non justifiés en mai 2019, la cour relève que les demandes d’heures supplémentaires s’effectuent sur la feuille d’emploi du temps, accompagnée d’une feuille déclarative d’heures supplémentaires. Ces feuilles sont réalisées en fin de chaque mois par le salarié et validées à leur réception par le responsable hiérarchique.



Or, la société ne produit aucun document justifiant l’obligation d’une déclaration préalable relative aux heures supplémentaires.



En outre, le bulletin de salaire de mai 2019 ne comporte, au contraire des mois précédents (janvier à avril) et des mois suivants (juin, juillet et août 2019), aucune heure supplémentaire.



Enfin, la société ne décompte le temps de travail de M. [B] que pour la période du premier au dernier rendez-vous, s’affranchissant des temps de trajets du matin et du soir, temps de travail effectif entre le lieu de rattachement et ceux des premiers et derniers clients.



La cour, écartant ces griefs et la faute grave n’étant pas établie, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [B] est sans cause réelle et sérieuse.





Sur les conséquences financières



Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail



Le licenciement de M. [B] ayant été déclaré sans cause réelle ni sérieuse, celui-ci est en droit de solliciter une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.



Sur l’indemnité compensatrice de préavis, M. [B] sollicite une confirmation du jugement entrepris pour sa fixation à 5 398 euros outre 539,80 euros au titre des congés payés afférents et sur l’indemnité légale de licenciement il sollicite le maintien de l’indemnité fixée lors du solde de tout compte soit 8 528,46 euros.



La société Véolia sollicite que le salaire de référence soit fixé à la somme de 2 699 euros et que l’indemnité de licenciement soit limité à la somme de 7 497,22 euros avec déduction de la somme déjà versée de 8 528,46 euros.



En l’espèce la cour relève que le salaire moyen de M. [B] calculé sur les douze derniers mois complets, calcul le plus favorable car comportant le 13ème mois et la prime de vacances, les heures supplémentaires et les astreintes, s’élève à la somme de 3 494,94 euros, somme qui sera retenue pour l’ensemble des salaires, éléments de salaires et indemnités.



Aux termes de l’article 2.4.2.1 de la convention collective des entreprises des services de l’eau et de l’assainissement, relatif à la durée de préavis, celui-ci est fixé, sauf faute grave, faute lourde ou cas de force majeure, au-delà de 2 ans d’ancienneté, pour les groupes de classifications I, II, III, IV et V : 2 mois, pour les groupes VI, VII et VIII : 3 mois.



La classification de M. [B], lors de son licenciement, étant le groupe III, il lui sera fait droit d’une indemnité compensatrice de préavis, dans la limite de sa demande, de 5 398 euros outre 539,8 euros au titre des congés payés afférents.



Aux termes de l’article 2.4.4.1 de la convention collective des entreprises des services de l’eau et de l’assainissement, relatif à l’indemnité de licenciement, celle-ci est fixée pour les salariés licenciés comptant au moins 2 ans d’ancienneté ininterrompue dans la même entreprise :

– entre 2 et 5 ans inclus, à 2/10 de mois par année de présence depuis l’embauche ;

– entre 6 et 10 ans inclus, à 3/10 de mois par année de présence comprise dans cette tranche ;

– à partir de 11 ans, à 5/10 de mois par année de présence comprise dans cette tranche.



Et l’article R 1234-2 du code du travail fixe cette indemnisation à 2,5/10 mois de salaire pour l’ancienneté jusqu’à 10 ans et au tiers d’un mois de salaire pour l’ancienneté supérieure à 10 ans.



A la date de la rupture du contrat de travail, préavis compris, M. [B] comptait onze années d’ancienneté, l’indemnité de licenciement, doit être fixée à 8 528,46 euros, dans les limites de sa demande.



Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et aux termes de l’article L 1235-3 du code du travail, qui fixe l’indemnisation pour un salarié ayant plus de trois ans d’ancienneté entre trois et 10 mois et demi de salaire et au regard des circonstances de la rupture, la cour condamne la société Véolia à verser à M. [B], dans la limite de sa demande, la somme de 25 339,50 euros.



L’article L 1235-4 du code du travail dispose que, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.



Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.



Ainsi, il y a lieu de condamner la société au remboursement des allocations du Pôle Emploi éventuellement versées à M. [B] dans la limite de six mois d’indemnité.





Sur la demande de dommages et intérêt pour préjudice moral et distinct



M. [B] sollicite une somme de 8 097 euros en réparation de son préjudice moral, issu des conditions de son licenciement et des conséquences de celui-ci sur sa situation économique et psychologique. Il précise que dès la rupture de son contrat de travail, le comité d’établissement l’a avisé, le 27 juillet 2019, de l’annulation de son séjour de vacances ce qui a en privé sa famille, avec les conséquences psychologiques sur ses enfants et qu’il a dû engager des dépenses de 988 euros pour partir une semaine en famille. Il indique que cette annulation est la conséquence directe de son licenciement.



Il produit aussi son indemnisation par Pôle Emploi qui a pris effet, en raison des délais légaux ou conventionnels, plus de 3 mois après son inscription soit le 12 novembre 2019.

La société soutient qu’elle n’est en rien responsable des décisions du comité d’entreprise et que M. [B] ne justifie pas d’un préjudice distinct.



En l’espèce, la cour relève, d’une part, que le licenciement de M. [B] était justifié par la consultation illicite de la géolocalisation de son véhicule de fonction et, d’autre part, qu’il a conduit directement à des difficultés économiques, en lien avec un différé d’indemnisation chômage important.



Il a de même eu un retentissement psychologique familial lié à l’annulation du séjour organisé pour les vacances, peu important que la décision d’annulation des séjours vacances appartiennent au CE, ce d’autant que la société, dont le responsable est le président du comité, n’ignorait pas cette disposition présente dans le règlement intérieur du dit comité.

Ainsi, en infirmation du jugement entrepris, la cour condamne la société à payer à M. [B] au titre d’un préjudice distinct la somme de 3 000 euros.





Sur les autres demandes



La société qui succombe à l’instance sera condamnée aux dépens, comprenant les éventuels frais d’exécution, ainsi qu’à payer à M. [B] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.




Dispositif

PAR CES MOTIFS,



La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,



CONFIRME le jugement déféré SAUF en ce qu’il a :



– Rejeté les demandes relatives à la sanction disciplinaire de mise à pied,



– Fixé à 16 000 euros le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,



– Débouté M. [B] de sa demande de dommages-intérêts au titre d’un préjudice distinct,



INFIRME de ces seuls chefs et

Statuant à nouveau des chefs infirmés,



CONDAMNE la société française Compagnie des eaux et de l’ozone à verser à M. [M] [B] les sommes suivantes :

– 25 339,50 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

– 182,03 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied des 4 et 5 juin 2019,

– 18,20 euros à titre de congés payés afférents,

– 3 000 euros à titre de dommages intéréts pour préjudice moral distinct,

– 1 500 euros, en cause d’appel, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.



ORDONNE le remboursement par la société française Compagnie des eaux et de l’ozone des allocations du Pôle Emploi éventuellement versées à M. [M] [B] dans la limite de six mois d’indemnité.



CONDAMNE la société française Compagnie des eaux et de l’ozone aux dépens d’appel.





LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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