15 mai 2018
Cour de cassation
Pourvoi n°
17-82.866

N° Y 17-82.866 F-P+B

N° 1025

ND
15 MAI 2018

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par M. Jean-Pierre X…, contre l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, 19e chambre, en date du 3 avril 2017, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l’a condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 4 avril 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Y…, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Y…, les observations de la société civile professionnelle ORTSCHEIDT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général Z… ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’à la suite de plusieurs témoignages recueillis auprès d’employés d’une résidence pour personnes âgées, une information judiciaire a été ouverte pour viols sur personne vulnérable, en l’espèce Mme Antoinette A…, née […] et atteinte d’une maladie proche de celle d’Alzheimer, contre son gendre M. Jean-Pierre X… ; que ce dernier, qui avait pu être entendu au cours de l’enquête préliminaire, n’a pas répondu à une convocation du juge d’instruction ni à celle d’un expert et a fait l’objet d’un mandat de recherches puis d’un mandat d’arrêt, lequel a donné lieu à l’établissement de procès-verbaux de recherches infructueuses ; que le juge d’instruction, après requalification, a renvoyé M. X… devant le tribunal correctionnel pour agressions sexuelles sur personne vulnérable commises courant 2011 et le 22 août 2011 ; que le prévenu a été cité devant le tribunal à l’adresse déclarée par lui au cours de l’enquête, par acte d’huissier déposé en l’étude et remis ensuite à l’épouse de M. X…, à laquelle ce dernier avait donné un pouvoir ; qu’à l’audience, le prévenu était représenté par un avocat qui disposait d’un mandat à cette fin ; que le tribunal a rejeté l’exception de nullité de l’ordonnance de renvoi soulevée pour le prévenu, a déclaré ce dernier coupable et l’a condamné à trois ans d’emprisonnement avec mandat d’arrêt ; que le prévenu et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 131, 175, 179, 385, alinéa 3, 591 et 593 du code de procédure pénale :

“en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a rejeté l’exception de nullité de la procédure antérieure formulée par M. X… ;

“aux motifs que contrairement aux affirmations de l’avocat du prévenu, l’état de fuite de M. X… est caractérisé à toutes les étapes de la procédure et justifiait que le juge d’instruction délivre à son encontre un mandat d’arrêt ; que le 12 novembre 2012, le juge d’instruction a convoqué M. X… qui n’a pas déféré ; qu’un mandat de recherches a été délivré le 7 février 2013 et le prévenu a été inscrit au fichier des personnes recherchées ; que les investigations diligentées par les militaires de gendarmerie de […], saisis d’une commission rogatoire délivrée le 20 avril 2012, en vue de localiser le prévenu se sont avérées infructueuses ; que plusieurs courriers ont été laissés au domicile du prévenu situé […] s’agissant d’une maison dont le portail était cadenassé le jardin non entretenu ; que les services de la mairie ont confirmé aux enquêteurs que l’intéressé n’avait plus été vu depuis plusieurs mois ; que de nombreuses réquisitions ont été adressées en vain ; que l’expert urologue, désigné par ordonnance du 2 mars 2012, a adressé au magistrat instructeur un procès verbal de carence, le 22 mai 2013 ; que l’audition de l’épouse de M. X… n’a pas amené davantage d’éléments, cette dernière ayant déclaré que son époux était reparti dans le Nord de la France mais qu’elle ne pouvait fournir aucun élément sur son adresse ; que de l’audition de la tutrice d’Antoinette B…, il résulte qu’elle n’a jamais vu M. X… et son épouse et que les autres enfants de la vieille dame n’avaient plus de ses nouvelles depuis un an et demi ; qu’un mandat d’arrêt a en conséquence été délivré par le juge d’instruction le 8 Juillet 2014 et a fait l’objet d’un procès verbal de recherches infructueuses, établi par la brigade territoriale de […], le 7 août 2014 ; qu’un autre procès-verbal de recherches infructueuses a été adressé par les fonctionnaires de police de la sûreté départementale de Nice le 23 octobre 2014 ; que l’état de fuite du prévenu étant parfaitement démontré, le juge d’instruction qui ne pouvait mettre le prévenu en examen, était fondé à délivrer mandat d’arrêt ;

“et aux motifs non contraires que l’avocat de M. X… a soulevé la nullité de l’ordonnance de renvoi au motif que M. X… n’a pas été mis en examen ; qu’il convient de rejeter l’exception de nullité puisque le prévenu en fuite vainement recherché au cours de l’information n’a pas la qualité de partie au sens de l’article 175 du code de procédure pénale ; que dès lors, il ne saurait se prévaloir de l’article 385, alinéa 3, du code de procédure pénale ;

“1°) alors que toute personne a droit à un procès équitable ; que l’état de fuite que n’est caractérisé que s’il est établi que la personne concernée par une procédure pénale savait que des poursuites, dont elle connaissait la nature et la cause, étaient engagées à son encontre ; qu’en écartant le moyen tiré de la nullité de la procédure antérieure, faute pour M. X… d’avoir été mis en examen et d’avoir reçu la notification des actes afférents à la procédure pénale engagée à son encontre, sans préciser les éléments d’où il résultait que M. X… savait qu’il était mis en cause par un réquisitoire introductif ou par le juge d’instruction dans le cadre d’une information judiciaire dont il connaissait la nature et la raison, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;

“2°) alors que le juge doit préciser les éléments qu’il retient comme constitutifs d’une fuite ; qu’en retenant que l’état de fuite de M. X… était caractérisé “à toutes les étapes de la procédure”, dès lors qu’il n’avait pas déféré aux convocations du juge et de l’expert désigné, que le domicile du couple était en l’état d’abandon, que les diverses auditions n’avaient pas permis de le localiser, que les recherches menées pour le retrouver avaient été infructueuses et qu’il ne s’était pas présenté devant les premiers juges, sans préciser parmi ces éléments ceux qu’elle retenait comme constitutifs d’une fuite, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;

“3°) alors que l’état de fuite suppose que le mis en cause s’est volontairement soustrait à la justice, y compris lors de la phase de jugement ; que la personne poursuivie représentée par un conseil ou qui a personnellement comparu devant la juridiction de jugement ne peut plus être considérée en état de fuite ; qu’en considérant que l’état de fuite de M. X… était caractérisé à toutes les étapes de la procédure, quand celui-ci s’était fait représenter par son conseil devant le tribunal correctionnel et avait personnellement comparu devant la cour d’appel, ce dont il résultait qu’il ne tentait plus de se soustraire à la justice, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ;

“4°) alors que le juge doit répondre au moyen opérant des conclusions du prévenu ; que pour contester l’état de fuite qui était retenu à son encontre, M. X… soutenait que le numéro de la ligne téléphonique figurant au dossier de la procédure n’était pas le sien, mais celui attribué à l’un des gendarmes chargés de l’enquête et que, contrairement aux déclarations retranscrites au procès-verbal du 18 janvier 2016, il n’avait jamais occupé d’emploi communal qu’il aurait subitement quitté en 2011, ce qui résultait des fiches de paie produites pour l’année considérée, établies l’association Arts et Traditions du site du Château ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans répondre au moyen opérant des conclusions de M. X…, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen” ;

 

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