2 mai 2022
Cour d’appel de Douai
RG n°
22/00740

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 22/00740 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UH74

N° de Minute : 752

Ordonnance du lundi 02 mai 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [K] [R] SE DISANT [T]

né le 10 Avril 1979 à [Localité 2] (ALGERIE) (31260)

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]

dûment avisé, comparant en personne

assisté de Me Alban DEBERDT, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d’office et de de M. [V] [U] interprète assermenté en langue ARABE, tout au long de la procédure devant la cour,

INTIMÉ

PREFET DE L’AISNE

dûment avisé, absent non représenté

M. le procureur général : non comparant

MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Guillaume SALOMON, président de chambre à la cour d’appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assisté(e) de Aurélie DI DIO, Greffière

DÉBATS : à l’audience publique du lundi 02 mai 2022 à 14 h 00

ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le lundi 02 mai 2022 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’ordonnance rendue le 30 avril 2022 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [K] [R] SE DISANT [T] ;

Vu l’appel interjeté par Maître VERGNOLE Marion venant au soutien des intérêts de M. [K] [R] SE DISANT [T] par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 30 avril 2022 ;

Vu l’audition des parties ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Vu l’arrêté de placement en rétention administrative de, ressortissant algérien, pris le 27 avril 2022, aux fins d’exécuter une mesure d’éloignement du territoire national prise à son encontre ;

Vu l’ordonnance rendue le 30 avril 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille, ordonnant le maintien en rétention de [K] [R] SE DISANT [T] pour une durée de 28 jours ;

Vu la déclaration d’appel par [K] [R] SE DISANT [T] , formée le 30 avril 2022 à 20 h 58 ;

Vu le mémoire communiqué à la première présidence, par lequel [K] [R] SE DISANT [T] sollicite l’infirmation de l’ordonnance du JLD et sa mise en liberté, en invoquant :

– une erreur d’appréciation par le préfet sur ses garanties de représentation, dès lors qu’il ne représente pas une menace pour l’ordre public, l’infraction d’incendie ayant été classée sans suite et qu’il dispose d’une adresse stable sur le territoire national ;

– un détournement de la procédure de garde à vue, dès lors qu’en application de l’article 62-2 du code de procédure pénale, seule une personne à l’encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est susceptible d’être placé sous ce régime ; aucune infraction n’ayant été relevée, le placement en garde à vue avait pour unique objet de permettre le contrôle de sa situation administrative en dehors des règles prévues à cet effet ; la notification antérieure d’une mesure d’éloignement ne caractérise pas l’existence d’une infraction pénale ;

– une nullité de la garde à vue, dès lors que :

* le procès verbal de notification de ses droits n’est pas signé, sans qu’apparaisse la mention d’un refus de signer ;

* aucun interprète n’est intervenu au cours de la garde à vue, alors qu’au titre de la notification d’une précédente mesure d’éloignement, un interprète avait été mandaté par le préfet ;

– une nullité de la rétention administrative :

*en l’absence de mention du numéro de téléphone du consulat sur le procès verbal de notification des droits lors de son placement en rétention administrative, de sorte qu’il a été privé de la faculté d’exercer son droit de communiquer avec le consul, conformément aux dispositions de l’article 744-4 du CESEDA;

* en l’absence d’un interprète lors de la notification des droits ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les moyens soutenus par [K] [R] SE DISANT [T] ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts qu’il convient d’adopter, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner et d’ajouter les points suivants :

Sur les moyens tirés du contrôle de l’interpellation de l’étranger et/ou sur les moyens tirés du déroulement de la retenue administrative ou de la garde à vue

Le moyen tiré du détournement de la garde à vue :

Le détournement de garde à vue n’est constitué que lorsque cette mesure est adoptée en considération du fait que, dés son commencement, l’infraction pénale qui la motive formellement n’est pas l’objet réel de la mesure qui ne sert qu’à permettre la délivrance d’un titre administratif d’éloignement ou de placement en rétention administrative.

Le fait qu’une mesure de garde à vue pénale permette, lors de sa levée, la délivrance d’un titre administratif d’éloignement, n’induit pas en soit le caractère frauduleux de la mesure pénale.

En l’espèce, il résulte du procès-verbal d’interpellation de [K] [R] SE DISANT [T] que les services de police ont été dans un premier temps avisé d’un risque d’incendie dans le secteur où se trouvait ce dernier. Au regard du comportement et de la proximité de [K] [R] SE DISANT [T] près d’un container poubelle, les services de police ont procédé à un contrôle d’identité, qui a permis de découvrir l’existence d’une inscription de [K] [R] SE DISANT [T] au fichier des personnes recherchées au titre d’une obligation de quitter le territoire sans délai.

Dans un second temps, et agissant en flagrance, les services de police de [Localité 3] ont alors interpellé [K] [R] SE DISANT [T] au regard d’une telle infraction à la législation sur les étrangers, alors que l’officier de police judiciaire a enfin placé en garde à vue l’intéressé sous la qualification de non exécution d’une obligation de quitter le territoire national.

Il en résulte que la garde à vue est valablement motivée par l’existence d’un délit pour lequel l’emprisonnement est encouru. La circonstance qu’aucune infraction n’ait été constatée au titre d’un incendie volontaire est par conséquent indifférente, alors que la garde à vue ne repose pas sur l’existence d’indices que [K] [R] SE DISANT [T] ait pu commettre ou tenter de commettre une telle infraction.

Le moyen n’est pas fondé.

Sur le moyen tiré de l’interprétariat :

*au cours de la procédure de retenue:

L’article L 141-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que lorsqu’un étranger fait l’objet d’une décision de refus d’entrée en France, de placement en rétention ou en zone d’attente, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l’Etat responsable de l’examen de sa demande d’asile et qu’il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu’il comprend. Il indique également s’il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de refus d’entrée, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu au premier alinéa de l’article L.813-13. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l’étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu’à la fin de la procédure. Si l’étranger refuse d’indiquer une langue qu’il comprend, la langue utilisée est le français.

Le procès verbal de notification de ses droits en rétention administrative mentionne ‘lecture faite par nous, l’intéressé déclarant comprendre le français mais ne pas savoir le lire’.

*au cours de la garde à vue :

Il résulte des dispositions des articles 63-1 et suivants du code de procédure pénale que la personne placée en garde à vue est immédiatement informée dans une langue qu’elle comprend de son placement en garde à vue et de ses droits.

En l’espèce, le procès-verbal de notification des droits en garde à vue mentionne que [K] [R] SE DISANT [T] comprend le français, alors qu’il lui est indiqué qu’il dispose du droit d’être assisté par un interprète.

Ces différentes mentions excluent la nécessité de l’assistance d’un interprète au profit de [K] [R] SE DISANT [T].

Le moyen tiré de l’absence de désignation d’un tel interprète n’est pas fondé.

Sur le défaut de signature du procès verbal de notification des droits en garde à vue :

S’il est exact que ce procès verbal n’est pas signé et ne comporte aucune mention d’un refus de signer opposé par [K] [R] SE DISANT [T] , ce dernier ne peut toutefois invoquer aucun grief résultant d’une telle circonstance alors qu’il a pu exercer ces droits.

Le moyen n’est pas fondé.

Sur le défaut de communication du numéro de téléphone du consulat :

Ayant été avisé de son droit de communiquer avec le consulat, [K] [R] SE DISANT [T] n’invoque aucune disposition faisant obligation à l’administration de mettre à sa disposition les coordonnées téléphoniques du consulat, alors qu’il a accès au téléphone et aux associations humanitaires dans le cadre de sa rétention administrative.

Le moyen n’est pas fondé.

Sur les moyens tirés du contrôle de la légalité externe et de la légalité interne de l’arrêté initial du placement en rétention

Au titre de son contrôle, le juge judiciaire doit s’assurer que l’arrêté administratif de placement en rétention est adopté par une personne habilitée à cet effet, est fondé sur une base légale (titre d’éloignement valable) et se trouve suffisamment motivé en fait et en droit par rapport aux critères posés par l’article L 741-1 du CESEDA.

Sur l’erreur d’appréciation de l’arrêté de placement en rétention

La question de l’existence d’un danger pour l’ordre public est étrangère à l’appréciation de l’arreté de placement en rétention.

L’erreur manifeste d’appréciation doit s’apprécier par rapport aux éléments de fait dont disposait l’autorité préfectorale au moment où l’arrêté de placement en rétention a été adopté et non au regard des éléments ultérieurement porté à la connaissance de la cour.

A cet égard, [K] [R] SE DISANT [T] a exclusivement indiqué aux services de police lors de son audition du 27 avril 2022 avoir deux frères sur le territoire national, dont il n’a pas précisé l’identité ou les coordonnées exactes. Il a précisé ne disposer que de quelques dizaines d’euros.

Il ne prouve aucune erreur d’appréciation par le préfet concernant ses garanties de représentation, qui sont nulles, n’ayant aucun domicile ou attache établis avec le territoire national.

L’absence d’assignation à résidence est ainsi parfaitement justifiée.

Le moyen n’est pas fondé.

En considération de l’ensemble de ces éléments, l’ordonnance critiquée est confirmée.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARE l’appel recevable ;

CONFIRME l’ordonnance entreprise.

DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l’appelant, à son conseil et à l’autorité administrative.

Aurélie DI DIO, Greffière

Guillaume SALOMON, président de chambre

N° RG 22/00740 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UH74

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE DU 02 Mai 2022 ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Pour information :

L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le lundi 02 mai 2022 :

– M. [K] [R] SE DISANT [T]

– l’interprète

– l’avocat de M. [K] [R] SE DISANT [T]

– l’avocat de PREFET DE L’AISNE

– décision notifiée à M. [K] [R] SE DISANT [T] le lundi 02 mai 2022

– décision transmise par courriel pour notification à PREFET DE L’AISNE et à Maître Alban DEBERDT le lundi 02 mai 2022

– décision communiquée au tribunal administratif de Lille

– décision communiquée à M. le procureur général :

– copie à l’escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE

Le greffier, le lundi 02 mai 2022

N° RG 22/00740 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UH74

 

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