24 mai 2022
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
22/00329

Ordonnance N°22/299

N° RG 22/00329 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IODU

J.L.D. NIMES

23 mai 2022

[V]

C/

LE PREFET DE L’HERAULT

COUR D’APPEL DE NÎMES

Cabinet du Premier Président

Ordonnance du 24 MAI 2022

Nous, Mme Chantal RODIER, Présidente de chambre à la Cour d’Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d’Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l’Asile (CESEDA), assisté de Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale,

Vu l’interdiction de territoire français prononcée le 25 octobre 2021par le TJ de [Localité 3] notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 21 mai 2022, notifiée le même jour à 10h50 concernant :

M. [S] [V]

né le 18 Septembre 1989 à BLIDA (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 22 mai 2022 à 15h21, enregistrée sous le N°RG 22/02284 présentée par M. le Préfet de l’Hérault ;

Vu l’ordonnance rendue le 23 Mai 2022 à 12h17 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :

* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, de M. [S] [V];

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l’expiration d’un délai de 28 jours à compter du 23 mai 2022 à 10h50,

Vu l’appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [S] [V] le 23 Mai 2022 à 15h28 ;

Vu l’absence du Ministère Public près la Cour d’appel de NIMES régulièrement avisé ;

Vu la présence de Monsieur [G] [M], représentant le Préfet de l’Hérault, agissant au nom de l’Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d’Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;

Vu l’assistance de Madame [O] [Z] interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Nîmes,

Vu la comparution de Monsieur [S] [V], régulièrement convoqué ;

Vu la présence de Me Jean faustin KAMDEM, avocat de Monsieur [S] [V] qui a été entendu en sa plaidoirie ;

MOTIFS

Monsieur [S] [V] a fait l’objet d’un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 12 juillet 2021 portant obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pendant deux ans, qui lui a été notifié le jour-même.

Monsieur [S] [V] a été écroué au centre pénitentiaire de [Localité 5] le 23 octobre 2021 et condamné le 25 octobre 2021 par le tribunal correctionnel de Montpellier à la peine de huit mois d’emprisonnement ainsi qu’à la peine complémentaire d’interdiction judiciaire du territoire français pendant 10 ans pour des faits de détention de stupéfiants et soustraction à l’exécution d’une obligation de quitter le territoire français.

Par courrier du 15 décembre 2021, il a fait l’objet d’une procédure contradictoire relative à la décision fixant le pays de destination, qui lui a été notifié le 1er mars 2022.

À sa levée d’écrou, les frontières de l’Algérie étant fermées, y compris aux ressortissants algériens, en raison de la pandémie, le préfet de l’Hérault l’a assigné à résidence par arrêté du 15 mars 2022 notifié le 17 mars 2022, avec présentations au commissariat de police de [Localité 3] trois fois par semaine les lundis, mercredis et vendredis.

Il a satisfait à cette obligation jusqu’au 29 avril 2022.

Le 17 mai 2022, la police aux frontières de [Localité 3] signalait sa carence à la préfecture de l’Hérault.

Le 20 mai 2022, Monsieur [S] [V] était interpellé dans le cadre d’une affaire de vol d’écouteurs Air Pod dans un véhicule et placé en garde à vue. La victime disait l’avoir vu s’enfuir avec deux autres personnes. Lors de son audition, il indiquait que la victime est venue le voir et qu’il lui avait dit que ce n’était pas lui le voleur, qu’il n’est pas parti en courant. Il précisait qu’il se trouvait dans un jardin public entrain de manger et qu’on lui a proposé ces écouteurs qu’il a acheté au prix de 20 € à un inconnu. Les écouteurs ont été retrouvés dans le véhicule de police le ramenant commissariat, ceux-ci étant « tombés de sa poche » selon lui.

Au cours de sa garde à vue, la consultation du fichier des personnes recherchées s’avérait positive.

Par arrêté du 21 mai 2022, le préfet de l’Hérault décidait de son placement au centre de rétention de [Localité 4], mesure qui lui a été notifiée le jour même à 10h50.

Le parquet décidait du classement de l’affaire en prenant acte de la décision du préfet de placement de l’intéressé en centre de rétention administrative en vue de son éloignement.

Par requête du 22 mai 2022, le Préfet de l’Hérault a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d’une demande en prolongation de la mesure.

Par ordonnance prononcée le 23 mai 2022 à 12h17, le Juge des libertés et de la détention de [Localité 4] a constaté qu’aucune exception de nullité n’était soulevée et a rejeté les moyens présentés par Monsieur [S] [V] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.

Monsieur [S] [V] a interjeté appel de cette ordonnance le 23 mai 2022 à 15h28.

Sur l’audience, Monsieur [S] [V] déclare :

qu’il a respecté l’assignation à résidence en pointant trois fois par semaine, sauf à la fin car il a été malade. Le jour de son interpellation, il s’est rendu au tribunal pour chercher un avocat d’office afin de faire lever son assignation à résidence, voulant pouvoir travailler.

qu’il vit depuis 8 mois avec sa compagne qui est enceinte ; qu’il a un projet de mariage avec elle ;

il demande d’être à nouveau en assignation à résidence.

il indique, sur interrogation, qu’il n’a pas de passeport et qu’il ne savait pas qu’il fallait faire une requête dans les 48 h au juge des libertés et de la détention pour pouvoir contester le placement en rétention et demander la prolongation de la résidence administrative. Il est arrivé vendredi au centre de rétention et le week-end il n’a pas eu accès au forum.

Son avocat soutient que même si l’intéressé n’a pas de passeport et n’a pas fait de requête au juge des libertés de la détention, il a montré des garanties de représentation en résidant toujours à la même adresse et en pointant Trois fois par semaine au commissariat de police de [Localité 3]. Et justifiez d’un certificat d’hébergement de sa compagne, de la carte nationale d’identité de celle-ci et des justificatifs de son domicile. En tant que gardien des libertés, vous pouvez user de votre pouvoir d’appréciation pour l’assigner à résidence, même sans passeport.

Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l’ordonnance dont appel et fait observer :

qu’il n’avait été placé en assignation à résidence administrative à sa sortie de détention qu’en raison de la fermeture temporaire des frontières de l’Algérie, dans l’attente de la possible mise à exécution de son interdiction du territoire français pour une durée de 10 ans.

C’est à l’occasion d’une garde à vue qu’a été pris l’arrêté de placement en centre de rétention, tandis que par ailleurs, il ne respectait plus l’obligation de pointage.

Il allègue mais ne démontre pas que sa compagne est enceinte. Il faut bien qu’il comprenne que s’il souhaite se marier, il pourra le faire en Algérie.

SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL :

L’appel interjeté le 23 mai 2022 à 15h28 par Monsieur [S] [V] à l’encontre d’une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence le jour même à 12h17, a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il est donc recevable.

SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D’APPEL:

L’article 563 du code de procédure civile dispose : « Pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »

L’article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».

Sauf s’ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l’article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d’appel.

A l’inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôle d’identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d’une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.

Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d’appréciation de l’administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d’appel que s’il a fait l’objet d’une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l’article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.

En l’espèce, l’intéressé soutient, dans sa déclaration d’appel, l’irrecevabilité de la requête en prolongation, la contestation de son placement en rétention en ce qu’il aurait dû continuer de bénéficier d’une assignation à résidence administrative et demande sa remise en liberté ou une assignation judiciaire à résidence.

SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE EN PROLONGATION :

– en ce que son signataire n’aurait pas compétence pour ce faire :

Monsieur [S] [V] soutient qu’il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation et la mention des empêchements éventuels des délégataires de signature. En l’espèce, le signataire de la requête ne serait pas compétent.

C’est à tort qu’il est argué de l’incompétence du signataire de la requête en prolongation signée pour le Préfet de l’Hérault, par Madame [U] [B], sous-préfète, directrice de cabinet du Préfet, alors qu’est précisément joint à cette requête un arrêté préfectoral en date du 30 septembre 2021 lui portant délégation de signature, pour les tours de permanence. Il est par ailleurs justifié que cette dernière était bien de permanence du 23 au 25 mai 2022.

L’apposition de sa signature sur ladite requête présuppose l’empêchement des autres personnes ayant délégation par préférence, le retenu ne démontrant pas le contraire alors qu’en application de l’article 9 du code de procédure civile c’est bien à lui qu’il incombe d’apporter la preuve du bienfondé de ses prétentions.

Le moyen d’irrecevabilité doit donc être rejeté.

CONTESTATION DU PLACEMENT EN RÉTENTION ADMINISTRATIVE:

sur l’erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il aurait dû selon lui bénéficier de la poursuite de son assignation administrative à résidence.

Le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d’appréciation de l’administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d’appel que s’il a fait l’objet d’une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l’article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.

Or en l’espèce, l’intéressé n’a formé aucune requête en ce sens au Juge des libertés et de la détention dans les 48 heures de son placement. Dès lors, le moyen tiré d’une contestation du placement en rétention est irrecevable en cour d’appel.

En toute hypothèse, ainsi que le fait observer la préfecture : il n’avait été placé en assignation à résidence administrative à sa sortie de détention qu’en raison de la fermeture temporaire des frontières de l’Algérie, dans l’attente de la possible mise à exécution de son interdiction du territoire français pour une durée de 10 ans. C’est à l’occasion d’une garde à vue qu’a été pris l’arrêté de placement en centre de rétention, tandis que par ailleurs, il ne respectait plus l’obligation de pointage. Il allègue mais ne démontre pas que sa compagne est enceinte. Il faut bien qu’il comprenne que s’il souhaite se marier, il pourra le faire en Algérie.

SUR LE FOND et SUR SA SITUATION PERSONNELLE :

Monsieur [S] [V], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport de telle sorte qu’une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l’article L743-13 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Il est l’objet d’un interdiction du territoire français pendant 10 ans en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.

Il s’en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu’il puisse être procédé effectivement à son éloignement.

Il convient par voie de conséquence de confirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,

Vu l’article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,

DÉCLARONS recevable l’appel interjeté par Monsieur [S] [V];

CONFIRMONS l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

RAPPELONS que, conformément à l’article R.743-20 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1], [Localité 2].

Fait à la Cour d’Appel de NÎMES,

le 24 Mai 2022 à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

‘ Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 4] à M. [S] [V], par l’intermédiaire d’un interprète en langue arabe

Le à H

Signature du retenu

Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :

– Monsieur [S] [V], par le Directeur du centre de rétention de [Localité 4],

– Me Jean faustin KAMDEM, avocat

(de permanence),

– M. Le Préfet de L’Hérault

,

– M. Le Directeur du CRA de [Localité 4],

– Le Ministère Public près la Cour d’Appel de NIMES

– Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention,

 

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Please fill the required fields*