28 juin 2022
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/00304

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 2022/307

N° RG 22/00304 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O3LG

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT DEUX et le 28 juin à 12h10

Nous , C.ROUGER, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 21 DECEMBRE 2021 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 26 Juin 2022 à 17H10 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :

[P] [H]

né le 29 Mars 2002 à MOSTAGANEM (ALGERIE) (99)

de nationalité Algérienne

Vu l’appel formé le 27/06/2022 à 08 h 43 par télécopie, par Me Diane BENOIT, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l’audience publique du 27/06/2022 à 15h30, assisté de K. MOKHTARI avons entendu:

[P] [H]

assisté de Me Diane BENOIT, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier

avec le concours de [L] [Y] [O], interprète,

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de M.[C] représentant la PREFECTURE DE LA HAUTE GARONNE ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

Le 23 juin 2022, alors qu’il se trouvait sur le parvis de la gare Matabiau à [Localité 1], M.[P] [H], né le 29/03/2002 à Mostaganem en Algérie s’est présenté à la patrouille de policiers assurant la sécurisation de la gare, se disant sans papiers et sans ressources, exprimant le souhait de retourner rapidement dans son pays natal. Il s’avérait qu’il faisait l’objet d’une fiche de recherche pour obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour d’un an, notifiée le 19/05/2021 par la Préfecture de la Haute-Garonne, ainsi que d’une fiche de recherche au fichier national des empreintes génétiques. Il acceptait d’être conduit au commissariat central Il faisait l’objet d’une retenue administrative pour vérification de son droit au séjour sur le territoire français Il n’était détenteur d’aucun papier d’identité et titre de séjour. Entendu le 24 juin 2022 assisté d’un interprète en langue arabe il expliquait être revenu en France après un premier séjour, à la fin de l’été 2020 par bateau via l’Espagne, puis par bus, sans papiers, sans avoir fait de demande d’asile ou de séjour, ne pas travailler, ne pas avoir de ressources , ne pas pouvoir acheter un billet de retour, vivre dans un squat près de la gare et souhaiter retourner en Algérie en ayant assez d’être dans cette situation s’étant déjà fait arrêter plusieurs fois pour vols.

Le 24 juin 2022 à 11h30 lui était notifiée deux décisions du Préfet de la Haute-Garonne l’une portant obligation de quitter le territoire français, l’autre le plaçant dans un local ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Par requête du 25 juin 2022 le Préfet de la Haute-Garonne saisissait le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse aux fins de prolongation de la mesure de rétention pour une durée de 28 jours.

M.[H] saisissait par ailleurs le juge des libertés et de la détention, contestant la régularité de la décision de placement en rétention administrative.

Par décision du 26 juin 2022 à 17h10 le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse, après jonction des requêtes, écartant les moyens de nullité ainsi que les moyens tendant à soutenir l’irrégularité de la décision de placement en rétention (incompétence des signataires de la requête de l’acte de placement en rétention, erreur manifeste d’appréciation) , déclarait régulier l’arrêté de placement en rétention administrative, rejetait la demande d’assignation à résidence et prolongeait la rétention administrative de l’intéressé pour une durée de 28 jours.

Par déclaration du 27/06/2022 à 8h43, M.[P] [H], assisté de Me Diane Benoît, avocate, interjetait appel de cette décision sollicitant sa mise en liberté, soutenant que l’intéressé avait reçu notification de ses droits le 23 juin 2022 à 21h50 et qu’aucun acte n’avait été réalisé avant le 25 juin à 9h05, de sorte qu’il avait été privé de liberté sans examen de son droit au séjour, que Mme [X], signataire de l’arrêté de placement en rétention, avait une délégation limitée sans délégation spéciale lui permettant de le placer en rétention , que le 24 juin 2022 il avait reçu simultanément la notification de sa fin de retenue, d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire français et d’un arrêté de placement en rétention administrative et que dans un si bref laps de temps l’interprète en langue arabe n’avait pu lui donner connaissance de toutes les informations, complexes, contenues dans toutes les pages notifiées, de sorte qu’il n’avait pu être pleinement informé de ses droits, qu’au surplus rien ne permettait d’affirmer que la notification de l’ordre de quitter le territoire français avait été préalable à celle de la décision de placement en rétention, en déduisant l’irrégularité de cette dernière décision. Il soutient en outre l’erreur manifeste d’appréciation de l’administration quant au placement en rétention alors qu’il avait demandé un retour volontaire et que cette mesure n’était pas nécessaire, estimant pouvoir prétendre au programme de retour volontaire sans privation de liberté.

L’avocat de M. [H] a développé oralement les prétentions et moyens de son client à l’audience du 27 mai 2022 à15h30.

Le représentant de la Préfecture a sollicité la confirmation de l’ordonnance entreprise relevant que la durée de 15h45 de la retenue n’était pas excessive, que l’interpellation ayant eu lieu à 19h45 pour vérifier la situation administrative et les services administratifs ne fonctionnant plus à cette heure, la procédure a été reprise dès le lendemain à l’ouverture par la police de l’air et des frontières. Il a relevé qu’aucun texte n’énonçait de règles pour organiser des notifications échelonnées des décisions administratives, que ces décisions avaient été notifiées par le biais d’un interprète de sorte que l’intéressé avait eu connaissance des voies de recours possibles et qu’une copie lui avait été remise. Il a rappelé que l’intéressé n’avait pas déféré à un premier ordre de quitter le territoire français, qu’une assignation à résidence avait été non respectée en 2022, que le risque de fuite était patent, et que la mesure de rétention ne constituait pas un obstacle à la procédure d’aide au retour qui pouvait être entreprise au centre de rétention.

M.[H] a déclaré qu’il était usé, qu’il n’avait pas de travail, qu’il ne voulait plus commettre d’infractions, qu’il ne disposait ni de passeport ni d’adresse et qu’il souhaitait retourner en Algérie où il avait un petit frère et une s’ur.

SUR CE,

L’appel, diligenté dans les délais légaux est recevable.

*Sur la procédure de retenue

M.[H] a été placé en retenue le 23 juin 2022 à 19h45 alors qu’il s’était présenté spontanément à une patrouille pour demander à retourner rapidement dans son pays, se trouvant sans papiers et sans ressources. Il a été transporté avec son accord au commissariat central de police de [Localité 1] où il a été présenté à un officier de police judiciaire à 20h05, lequel, constatant qu’il ne s’exprimait qu’en langue arable, a indiqué par procès-verbal que la notification de ses droits ne serait réalisée qu’ultérieurement avec l’assistance d’un interprète, interprète requis à 20h24. Cette notification est intervenue à 21h50 pour se terminer à 22 h. Des recherches sur différents fichiers ont été entreprises (fichier des personnes recherchées, fichier national des étrangers et traitement des antécédents judiciaires) à 20h46. Son audition n’a pu être réalisée que le 24 juin 2022 à 10 h après réquisition d’une autre interprète en langue arable réalisée dès 9h 05 min. Au total la mesure de vérification n’aura duré que 15h45, dans les limites légales. Aucune irrégularité n’affecte cette procédure ni quant au délai d’exécution ni quant aux modalités de sa réalisation.

*Sur la délégation de Mme [X]

Selon arrêté portant délégation de signature publié le 6 avril 2022 au recueil des actes administratifs spécial n°31-2022-137, Mme [I] [X], directrice des migrations et de l’intégration, s’est vu déléguer par le Préfet de la Haute-Garonne la signature des décisions, arrêtés, conventions, mémoires, requêtes, documents administratifs, avis, télégrammes officiels et correspondances courantes établis dans le champ de compétence de sa direction en ce qui concerne les matières relevant du ministère de l’intérieur et des départements ministériels qui ne disposent pas de service dans le département de la Haute-Garonne et particulièrement en matière de refus d’admission au séjour des étrangers et mesures d’éloignement , les décisions d’éloignement ainsi que les décisions les assortissant et de transfert à l’encontre des ressortissants étrangers, et la mise à exécution de ces décisions (article 1er b) 3). Mme [X] avait donc délégation de signature pour signer en sa qualité de directrice des migrations et de l’intégration tant la décision d’éloignement que la mesure de rétention prise pour l’exécution de cette mesure d’éloignement.

*Sur la notification des décisions portant ordre de quitter le territoire national et placement en rétention administrative

M.[H] s’est vu notifier le 24 juin 2022 par officier de police judiciaire, avec l’assistance d’un interprète assermenté, tant l’arrêté préfectoral du 24 juin 2022 portant obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pendant deux ans, portant mention des voies et délais de recours, que la décision préfectorale de placement dans un local ne relevant pas de l’administration pénitentiaire prise le 24 juin 2022, avec ses annexes sur l’aide au retour, les voies et délais de recours. L’ensemble de ces documents portent la mention d’une notification le 24 juin 2022 à 11h30, tout comme le procès-verbal de placement au centre de rétention avec le rappel de ses droits , et la communication des numéros de téléphones de l’ordre des avocats, de la Cimade, l’adresse et coordonnées téléphoniques de diverses associations habilitées à être présentes dans les locaux de rétention, et les coordonnées du contrôleur général des lieux de privation de liberté, document lui-même signé après prise de connaissance par l’intéressé, l’interprète et l’agent notificateur. Le fait que l’ensemble de ces documents portent mention d’une seule heure de notification qui correspond à l’achèvement de la procédure de notification n’est pas de nature à affecter la régularité de l’une ou l’autre de ces notifications ni à établir une violation des droits de l’intéressé, auquel au surplus une copie de chacun des documents a été remise, chacune des notifications portant mention expresse d’une signature après lecture faite par le truchement de l’interprète en langue arabe requis à cet effet. Aucune irrégularité n’est caractérisée de nature à avoir porter atteinte à la compréhension de l’intéressé des mesures prises à son encontre, des voies de recours ouvertes et des associations ou organisations pouvant l’aider dans ses démarches.

*Sur l’erreur manifeste d’appréciation

M.[H] s’étant déclaré lui-même en déshérence pour ne disposer ni de papiers, ni de lieu d’hébergement, ni de ressources, la mesure de rétention administrative dont il a fait l’objet, destinée à organiser le retour vers son pays d’origine qu’il a lui-même sollicité auprès des services de police et qu’il sollicite toujours, n’est affectée d’aucune erreur manifeste d’appréciation. Elle ne prive M.[H], dont la situation sur le territoire français ne permet pas l’institution d’une assignation à résidence, mesure dont il a au demeurant bénéficié le 1er février 2022 sans en respecter les conditions de pointage, de constituer par ailleurs un dossier d’aide au retour volontaire, et constitue au regard de sa situation la seule mesure de nature à assurer l’exécution effective de la mesure d’éloignement.

En conséquence, la décision du premier juge doit être confirmée.

PAR CES MOTIFS :

DECLARONS l’appel recevable

CONFIRMONS l’ordonnance du 26 juin 2022 par laquelle le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse a déclaré régulier l’arrêté de placement en rétention administrative, rejeté la demande d’assignation à résidence et ordonné la prolongation de la rétention de M.[P] [H] pour une durée de vingt huit jours.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DE LA HAUTE GARONNE, service des étrangers, à [P] [H], ainsi qu’à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIERLE MAGISTRAT DELEGUE

K. MOKHTARI .C.ROUGER.

 

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