4 juillet 2022
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/00330

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 2022/331

N° RG 22/00330 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O33H

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT DEUX et le 04 juillet à 15h30

Nous A. MAFFRE, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 21 DECEMBRE 2021 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 30 Juin 2022 à 17H58 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :

[J] [N]

né le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 5](TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

Vu l’appel formé le 01/07/2022 à 17H38 par télécopie, par Me Léa COHEN, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l’audience publique du 04/07/2022 à 09h30, assisté de K. MOKHTARI avons entendu:

[J] [N]

assisté de Me Léa COHEN, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier

avec le concours de [O] [D] Interprète en langue arabe,

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de M.[C] représentant la PREFECTURE DE L’ARIEGE ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

M. [J] [N], âgé de 25 ans et de nationalité tunisienne, a fait l’objet d’un contrôle le 27 juin 2022 sur réquisitions du procureur de la République à 17h00 à [Localité 3], barrière de péage de l’autoroute A66. Démuni de documents d’identité et de circulation, il a été placé en retenue à 17h10.

Le 28 juin 2022, la préfète de l’Ariège a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant 18 mois, ainsi qu’une mesure de placement en rétention administrative, tous deux notifiés le même jour à 15h00 à l’issue de la retenue.

M. [N] a été conduit au centre de rétention administrative de [Localité 2] (31) en exécution de cette décision.

Indiquant n’avoir pu l’éloigner dans le délai de rétention initial de quarante huit heures, la préfète de l’Ariège a sollicité du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse, la prolongation du maintien de M. [J] [N] en rétention pour une durée de vingt huit jours suivant requête du 29 juin 2022 parvenue au greffe du tribunal le même jour à 12h59.

Ce magistrat a rejeté les exceptions de procédure et ordonné la prolongation de la mesure de rétention par ordonnance du 30 juin 2022 à 17h58.

M. [J] [N] a interjeté appel de cette décision, par courriel de son conseil adressé au greffe de la cour le 1er juillet 2022 à 17h38.

A l’appui de sa demande d’infirmation de l’ordonnance entreprise et de mise en liberté, subsidiairement de placement en assignation à résidence, le conseil de M. [N] a principalement soutenu que :

– sur le contrôle d’identité, le doublon de réquisitions crée un flou juridique en laissant le choix aux policiers en fonction des personnes et les secondes réquisitions qui visent uniquement des infractions concernant les personnes étrangères en situation irrégulière conduisent de fait à des contrôles au faciès, discriminatoires, et sont donc contraires à la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel du 24 janvier 2017 prohibant le choix de lieux et périodes sans lien avec les infractions recherchées et le cumul de réquisitions aboutissant à un contrôle généralisé : ce contrôle discriminatoire lui fait nécessairement grief,

– sur la consultation des fichiers, il n’est pas possible de vérifier l’habilitation de M. [X] pour les fichiers consultés,

– subsidiairement, il a remis une copie d’un passeport en cours de validité et a des garanties de représentation, de sorte que le placement en rétention administrative est disproportionné et porte une atteinte grave à sa liberté individuelle.

À l’audience, Maître Cohen a repris oralement les termes de son recours.

M. [N] qui a demandé à comparaître, a souligné qu’il n’a rien fait de mal et se tient tranquille : il souhaite retrouver sa liberté et être avec sa famille, mais respectera la décision.

La préfète de l’Ariège, régulièrement représentée à l’audience, a sollicité la confirmation de la décision entreprise, s’en remettant à la motivation de celle-ci et ajoutant qu’un laissez-passer consulaire a été demandé dès le 28 juin 2022.

Le ministère public, avisé de la date d’audience, est absent et n’a pas formulé d’observations.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le contrôle

L’article 78-2 du code de procédure pénale dispose notamment que sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d’infractions qu’il précise, l’identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d’identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

L’article 78-2-2 du même code ajoute que, dans les lieux et pour la période de temps que ce magistrat détermine et qui ne peut excéder vingt-quatre heures, renouvelables sur décision expresse et motivée selon la même procédure, peuvent être ainsi recherchées et poursuivies les infractions suivantes :

1° Actes de terrorisme mentionnés aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal ;

2° Infractions en matière de prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs mentionnées aux 1° et 2° du I de l’article L. 1333-9, à l’article L. 1333-11, au II des articles L. 1333-13-3 et L. 1333-13-4 et aux articles L. 1333-13-5, L. 2339-14, L. 2339-15, L. 2341-1, L. 2341-2, L. 2341-4, L. 2342-59 et L. 2342-60 du code de la défense ;

3° Infractions en matière d’armes mentionnées à l’article 222-54 du code pénal et à l’article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure ;

4° Infractions en matière d’explosifs mentionnés à l’article 322-11-1 du code pénal et à l’article L. 2353-4 du code de la défense ;

5° Infractions de vol mentionnées aux articles 311-3 à 311-11 du code pénal ;

6° Infractions de recel mentionnées aux articles 321-1 et 321-2 du même code ;

7° Faits de trafic de stupéfiants mentionnés aux articles 222-34 à 222-38 dudit code.

Au cas d’espèce, le procureur de la République a pris deux réquisitions : il n’est pas contesté que chacune d’elles répond aux exigences de limitation dans le temps et l’espace, mais il est soutenu en premier lieu que faisant doublon, elles créent un flou juridique.

Cependant, elles ne portent pas sur la recherche des mêmes infractions et n’ouvrent pas le même cadre juridique d’intervention, de sorte qu’elles ne font donc pas double emploi, et il ne saurait leur être fait grief d’être ciblées et distinctes en fonction des infractions recherchées et du cadre légal correspondant, et de se conformer ainsi à l’interdiction de contrôles généralisés.

Il est affirmé en second lieu que les réquisitions visant uniquement des infractions concernant les personnes étrangères en situation irrégulière conduisent de fait à des contrôles au faciès et sont discriminatoires et contraires à la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel du 24 janvier 2017.

Cette décision sur QPC énonce en réalité que, selon les dispositions des articles 78-2 et 78-2-2 du code de procédure pénale, les réquisitions du procureur de la République ne peuvent viser que des lieux et des périodes de temps déterminés et que ces dispositions ne sauraient :

. sans méconnaître la liberté d’aller et de venir, autoriser le procureur de la République à retenir des lieux et périodes sans lien avec la recherche des infractions visées dans ses réquisitions,

. et autoriser, en particulier par un cumul de réquisitions portant sur des lieux ou des périodes différents, la pratique de contrôles d’identité généralisés dans le temps ou dans l’espace,

et ne dit rien de contrôles discriminatoires.

En la matière, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a souligné l’absence d’éléments au soutien de l’affirmation du caractère non aléatoire du contrôle opéré, au péage d’une autoroute : une décision contraire ne saurait reposer sur les seules affirmations du conseil de M. [N].

Parant, l’exception de nullité soulevée est rejetée.

Sur la consultation des fichiers

Il est ici soutenu qu’il n’est pas possible de vérifier l’habilitation de M. [X] en matière de consultation des fichiers, faute de précision sur les fichiers dont s’agit.

Pour autant, M. [X] dit, dans le procès-verbal de saisine, être habilité à consulter les fichiers à sa disposition et il précise immédiatement à la suite qu’il accède ainsi au fichier des personnes recherchées et au fichier des national des étrangers.

Et dans un procès-verbal ultérieur, M. [X] ajoute qu’un autre collègue, M. [W], habilité à cette fin, a consulté d’autres fichiers : le FAED, Visabio et le SBNA.

Ainsi donc, M. [X] a parfaitement délimité et précisé les habilitations dont il bénéficie et les consultations qu’il a opérées, dans le respect des prescriptions légales, de sorte que la nullité soulevée ne peut être accueillie.

Sur la prolongation de la rétention

Le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l’autorité administrative en application de l’article L742-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

L’article L743-13 du même code permet au juge des libertés et de la détention d’ordonner l’assignation à résidence de l’étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

L’assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu’après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d’un récépissé valant justification de l’identité et sur lequel est portée la mention de la décision d’éloignement en instance d’exécution.

Et en l’espèce, M. [N] ne dispose que d’un passeport périmé, ce qui ne permet pas de mettre en place une assignation à résidence judiciaire.

Et l’attestation d’hébergement établie par une résidente de [Localité 2] ne permet pas de considérer qu’il dispose ainsi d’attaches solides constituant de véritables garanties de représentation, dans la mesure où il n’a nullement signalé de famille ou de compagne en France et déclare vivre en colocation près de la [Adresse 4].

Dans ces conditions, la prolongation de la rétention s’avère le seul moyen de prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et de garantir efficacement l’exécution effective de cette décision en l’absence de toute autre mesure moins coercitive possible : il y donc lieu de faire droit à la demande préfectorale.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Confirme l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Toulouse le 30 juin 2022,

Dit que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture de l’Ariège, service des étrangers, à M. [J] [N], ainsi qu’à son conseil et communiquée au ministère public.

LE GREFFIERLE MAGISTRAT DELEGUE

K. MOKHTARI A. MAFFRE

 

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