25 juillet 2022
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
22/00287

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 22/00287 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PQEJ

O R D O N N A N C E N° 2022 – 290

du 25 Juillet 2022

SUR PROLONGATION DE RETENTION D’UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE

dans l’affaire entre,

D’UNE PART :

Monsieur [D] [V]

né le 24 Septembre 1998 à [Localité 5] (Maroc)

de nationalité Française

Centre de rétention de [Adresse 7]

[Localité 6]

retenu au centre de rétention de [Localité 6] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire,

Comparant, assisté de Maître Marjolaine RENVERSEZ, avocate commise d’office.

Appelant,

D’AUTRE PART :

1°) Monsieur LE PREFET DE L’HERAULT

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Monsieur [B] [L], dûment habilité,

2°) MINISTERE PUBLIC :

Non représenté

Nous, Myriam BOUZAT conseillère à la cour d’appel de Montpellier, déléguée par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assistée de Sophie SPINELLA, greffière,

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l’arrêté du 19 juillet 2022, de Monsieur LE PREFET DE L’HERAULT portant obligation de quitter le territoire national sans délai avec IRTF de deux ans , pris à l’encontre de Monsieur [D] [V].

Vu la décision de placement en rétention administrative du 19 juillet 2022 à 16 heures 35 de Monsieur [D] [V], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Vu l’ordonnance du 23 Juillet 2022 à 13h16 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours.

Vu la déclaration d’appel faite le 24 Juillet 2022, par Maître Marjolaine RENVERSEZ, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [D] [V], transmise au greffe de la cour d’appel de Montpellier le même jour, à 9h21.

Vu les télécopies et courriels adressés le 25 Juillet 2022 à Monsieur LE PREFET DE L’HERAULT, à l’intéressé, à son conseil, et au Ministère Public les informant que l’audience sera tenue le 25 Juillet 2022 à 16 heures.

L’avocate s’est déjà entretenue avec l’étranger appelant en connaissance du dossier, l’audience a commencé à 15 heures 57 en accord des parties.

PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [D] [V] confirme son identité telle que mentionnée dans l’ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l’audience : ‘ Je suis né le 24 septembre 1998 à [Localité 5]. Je ne suis pas marié. Je n’ai pas d’enfants. Je n’ai pas de famille au Maroc. Je parle trois langues, j’ai mon bac, j’ai pas de métier. J’ai de l’asthme. J’ai eu un premier visa en 2013, puis en 2017. Je suis entré puis ressorti. Je suis entré le 10 juin 2017 par bus en Espagne puis en France. J’avais deux visas pour la France. Le visa est valable 1 mois, je suis resté après, pour ma tante. J’ai demandé la régularisation de ma situation mais je n’ai pas continué les démarches. Je suis en situation irrégulière. J’ai fait une demande d’asile ici à [Localité 3] en 2019 mais on m’a demandé trop de papiers et personne ne voulait me les envoyer. Je suis d’accord pour retourner au Maroc. Je suis parti au commissariat pour qu’ils me sécurisent car des personnes veulent m’agresser et je me suis retrouvé au centre sans rien qu’on m’explique.’

L’avocat Me Marjolaine RENVERSEZ développe les moyens de l’appel formé contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l’étranger.

Monsieur le représentant de Monsieur LE PREFET DE L’HERAULT demande la confirmation de l’ordonnance déférée. Il indique à l’audience : ‘ Le magistrat a constaté qu’il avait été saisi dans les délais légaux. Pour l’absence de pièces utiles, l’OQTF de 2021 n’est pas une pièce utile. Au regard de la garde à vue, Monsieur a été placé en garde à vue sur la base d’une fiche de recherche et en rétention sur la base de l’OQTF de 2022. Pour la fiche CRA, il n’est consigné que ce qui concerne le centre de rétention. Il n’y a aucun manquement. Pour le certificat médical, on a une mention dans le PV de fin de garde à vue qui dit que Monsieur a vu un médecin. Pour la consultation du fichier FPR, les règles sont contenues dans l’article 230-19 du code de procédure pénale qui ne prévoit pas de cadre légal à la consultation de ce fichier. Pour la régularité de la garde à vue, celle ci est motivée au sens de l’article L 824-9 du CESEDA, le maintien malgré une mesure d’éloignement est une infraction punie de 3 ans d’emprisonnement. Monsieur a eu la notification du motif de son placement en garde à vue. Pour les droits pendant la garde à vue, Monsieur a demandé à voir un médecin qu’il a vu. Le certificat médical n’est pas produit dans la procédure mais il n’est fait état d’aucun grief de la part de M. [V] qui l’empêcherait d’être maintenu en rétention. Pour le délai de transfert anormalement long, il faut relativer cette durée par deux points : l’horaire en fin de journée à [Localité 6] et les vacances. La cour de cassation a rappelé que les droits ne devaient intervenir qu’à l’arrivée au centre de rétention. Pour les diligences de la préfecture, Monsieur a fait l’objet d’une OQTF en 2021, la préfecture n’est pas une agence de voyage, il appartenait à Monsieur de quitter le territoire et la préfecture exerce toutes les diligences nécessaires pour qu’il soit éloigné. Il s’est soustrait en 2021 et n’a pas de garanties de représentation.’

Monsieur [D] [V] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l’audience : ‘ je ne sais pas que je suis recherché. J’ai rien fait. Quand je suis rentré au commissariat, j’ai sonné trois fois avant qu’on m’ouvre. On m’a dit de rentrer en garde à vue. J’ai demandé directement le docteur quand je suis entré dans le commissaire mais j’ai attendu le lendemain. Ils m’ont même pas demandé quel était mon problème, on a pris ma photo et garde à vue. Le passeport est à [Localité 4].

Monsieur le représentant du préfet indique que Monsieur [V] doit faire la demande pour récupérer son passeport contre récépissé.

La conseillère indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.

SUR QUOI

Sur la recevabilité de l’appel :

Le 24 Juillet 2022, à 9h21, Maître Marjolaine RENVERSEZ, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [D] [V] a formalisé appel motivé de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier du 23 Juillet 2022 notifiée à 13h16, soit dans les 24 heures de la notification de l’ordonnance querellée, qu’ainsi l’appel est recevable en application des articles R 743-10 et R 743-11 du CESEDA.

Sur l’appel :

L’avocate de l’appelant soutient l’irrecevabilité de la requête préfectorale pour saisine du juge des libertés et de la détention de Montpellier hors délai légal et défaut de pièces utiles ( OQTF du10.01.2021 et copie du registre de rétention actualisée, absence du certificat médical du médecin durant la garde à vue ).

Pour rejeter cette exception d’irrecevabilité prise en ses trois branches, le premier juge a relevé à juste titre que la requête préfectorale a été enregistrée par son greffe à 14 heures 11, le 21 juillet 2022 alors que la fin du placement en rétention administrative s’achevait le 21 juillet 2022 à 16 heures 35, que l’OQTF du 10 janvier 2021 est visée dans le Fichier des Personnes Recherchées concernant l’intéressé dont la consultation est actée à la procédure d’interpellation du 19 juillet 2022, que le médecin à consulté l’intéressé à sa demande en garde à vue le 19 juillet 2022 de 7 heures 10 à 7 heures 45 et qu’ainsi aucun certificat médical n’a a être produit.

Il convient d’adopter la motivation pertinente du premier juge et de rejeter cette exception d’irrecevabilité.

L’avocat conteste la régularité de la consultation du fichier FPRet la régularité du placement en garde à vue de son client , en dehors de toute infraction reprochée à son client .

Selon l’article 230-19 du code de procédure pénale : ‘ Sont inscrits dans le fichier des personnes recherchées au titre des décisions judiciaires :

1° Les mandats, ordres et notes de recherches émanant du procureur de la République, des juridictions d’instruction, de jugement ou d’application des peines, du juge des libertés et de la détention et du juge des enfants tendant à la recherche ou à l’arrestation d’une personne ;’

Etant en infraction au titre de l’article L 824-9 du CESEDA qui dispose: ‘Est puni de trois ans d’emprisonnement le fait, pour un étranger, de se soustraire ou de tenter de se soustraire à l’exécution d’une interdiction administrative du territoire français, d’une obligation de quitter le territoire français ou d’une décision d’expulsion.

Cette peine est également applicable en cas de refus, par un étranger, de se soumettre aux modalités de transport qui lui sont désignées pour l’exécution d’office de la mesure dont il fait l’objet.

Cette peine est également applicable en cas de refus, par un étranger, de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l’exécution d’office de la mesure dont il fait l’objet.

L’étranger condamné en application du présent article encourt la peine complémentaire de dix ans d’interdiction du territoire français.’, l’intéressé en infraction au regard de cet article faisait l’objet d’une fiche FPR et les services de police ont toute latitude pour vérifier l’identité d’une personne qui se présente spontanément dans leurs locaux et son placement en garde à vue pour motif de maintien irrégulier sur le territoire français d’un étranger malgré l’obligation de quitter le territoire est régulier.

L’article L 824-5 du CESEDA dont fait état l’avocate de l’appelant concerne la méconnaissance des prescriptions liées à l’assignation à résidence (Articles L824-4 à L824-7) et est passible d’un peine d’emprisonnement d’un an rendant tout aussi régulier le placement en garde à vue.

L’avocate de l’appelant soutient l’exception de nullité tirée de l’irrégularité de la garde à vue du 19 juillet 2022 au motif que l’intéressé n’aurait pu bénéficier d’un examen médical et n’aurait pu s’entretenir avec sa famille restée au Maroc.

Or il ressort de la procédure que la notification de la fin de garde à vue du 19 juillet 2022 à 16 heures 28 , mentionne d’une part, la réalité de la consultation médicale à la demande de l’intéressé et d’autre part le refus de l’intéressé de s’entretenir avec un membre de sa famille, tuteur ou curateur, personne qui vit habituellement avec lui, son employeur et des autorités consulaires marocaines.

Les exceptions de nullité seront donc rejetées.

L’avocate de l’appelant soutient l’atteinte aux droits de l’intéressé en raison du temps de transport entre la notification de son placement en rétention administrative et la notification de ses droits dès son arrivée au CRA de [Localité 6].

Le Ceseda dispose que l’exercice des droits par l’étranger retenu n’est effectif qu’à son arrivée au CRA, qu’en l’espèce, il est arrivé au CRA le 19 juillet 2022 à 18 heures et ses droits lui ont été à nouveau notifiés à 18 heures 10, aucune atteinte à ses droits n’est démontrée.

Ce moyen de nullité sera rejeté.

L’avocate de l’appelant soutient le défaut de diligences de l’autorité administrative, en possession du passeport maroain de l’intéressé, qui ne l’a pas éloigné depuis le 10 janvier 2021.

L’autorité adminsitrative a retenu le passeport de l’intéressé à l’occasion de l’OQTF du 10 janvier 2021 contre remise d’un récepissé mentionnant son identité et valant pièce d’identité, et pour son départ volontaire, puisque l’OQTF de 2021 avait été prise sans délai, il lui aurait été remis son passeport marocain.

Ce moyen de nullité sera rejeté.

L’avocate de l’appelant soutient l’assignation à résidence de l’intéressé au visa de l’article L 743-13 du ceseda, qui dispose: «’Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l’assignation à résidence de l’étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

L’assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu’après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d’un récépissé valant justification de l’identité et sur lequel est portée la mention de la décision d’éloignement en instance d’exécution.

Lorsque l’étranger s’est préalablement soustrait à l’exécution d’une décision mentionnée à l’article L. 700-1, à l’exception de son 4°, l’assignation à résidence fait l’objet d’une motivation spéciale.’» alors que celui-ci ne justifie pas d’un hébergement stable et effectif en France et ne dipose pas de garanties de représentation au visa des dipsositions de l’article L 612-3 du ceseda: ‘Le risque mentionné au 3° de l’article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;

8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale’

L’assignation à résidence ne peut en conséquence en l’état être ordonnée.

Il y a lieu en conséquence de confirmer l’ordonnance déférée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Vu l’article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,

Déclarons l’appel recevable,

Rejetons les exceptions de nullité, moyens de nullité et la demande d’assignation à résidence,

Confirmons la décision déférée,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l’article R743-19 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile,

Fait à Montpellier, au palais de justice, notifiée le 25 Juillet 2022 à 17 heures 45.

Le greffier, Le magistrat délégué,

 

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