26 juillet 2022
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
22/00289

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 22/00289 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PQE7

O R D O N N A N C E N° 2022 – 291

du 26 Juillet 2022

SUR PROLONGATION DE RETENTION D’UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE

dans l’affaire entre,

D’UNE PART :

Monsieur [T] [P]

né le 15 Mai 1991 à [Localité 1] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

retenu au centre de rétention de [Localité 4] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire,

Comparant, assisté par Maitre Isabelle ORTIGOSA-LIAZ, avocate commise d’office

Appelant,

D’AUTRE PART :

1°) Monsieur LE PREFET DES ALPES MARITIMES

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Monsieur [B] [N], dûment habilité,

2°) MINISTERE PUBLIC :

Non représenté

Nous, Myriam BOUZAT conseillère à la cour d’appel de Montpellier, déléguée par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assistée de Sophie SPINELLA, greffière,

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l’arrêté du 23 juillet 2022 de Monsieur LE PREFET DES ALPES MARITIMES portant exécution de l’interdiction judiciaire définitive du territoire français de la cour d’appel d’Aix en Provence du 25 juin 2014 concernant Monsieur [T] [P].

Vu la décision de Monsieur LE PREFET DES ALPES MARITIMES de placement en rétention administrative du 23 juillet 2022 de Monsieur [T] [P], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, notifiée à 12 heures 17.

Vu l’ordonnance du 25 Juillet 2022 à 11 heures 31 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours.

Vu la déclaration d’appel faite le 25 Juillet 2022, par la SELARL IVORRA & ORTIGOSA-LIAZ, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [T] [P], transmise au greffe de la cour d’appel de Montpellier le même jour, à 14h18.

Vu les télécopies et courriels adressés le 25 Juillet 2022 à Monsieur LE PREFET DES ALPES MARITIMES, à l’intéressé, à son conseil, et au Ministère Public les informant que l’audience sera tenue le 26 Juillet 2022 à 14 heures 30.

L’avocat et l’appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de la cour d’appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l’entretien, en la seule présence de l’interprète , et ce, sur le temps de l’audience fixée, avec l’accord du délégué du premier président de la cour d’appel de Montpellier.

L’audience publique initialement fixée à 14 heures 30 a commencé à 14 heures 37.

PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [T] [P] confirme son identité telle que mentionnée dans l’ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l’audience : ‘ Je suis né le 15 mai 1991 en Tunisie à [Localité 1]. Je ne suis pas marié. Je n’ai pas d’enfants. J’ai de la famille en Tunisie, ma mère, mon père, mes quatre frères et soeurs. J’ai un diplôme d’éléctricien. Je n’ai pas de problème de santé. Je suis sorti de la Tunisie le 6 mars 2011. Je suis rentré en Europe par l’Italie. J’avais pas de passeport, je suis entré clandestinement. Je n’ai pas fait de demande d’asile en Italie. D’Italie, je suis rentré en France en 2011. J’ai essayé de régulariser, j’ai pas les papiers. J’ai pas le passeport. Soit je suis en garde à vue, soit en rétention, donc à chaque fois, je ne peux pas régulariser. Je suis d’accord pour repartir en Tunisie. Mon problème c’est que je n’ai pas de passeport. J’ai bien compris qu’il fallait partir. Avant j’étais jeune, je me suis pas occupé du passeport. ‘

L’avocat Maitre ORTIGOSA-LIAZ développe les moyens de l’appel formé contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l’étranger.

Monsieur le représentant de Monsieur LE PREFET DES ALPES MARITIMES demande la confirmation de l’ordonnance déférée. Il indique à l’audience : ‘ Monsieur n’a fait l’objet en garde à vue d’aucune signalisation. Il n’y a aucune prise d’empreinte car il est très bien connu des services de police et de gendarmerie. Ses empreintes étaient déja dans le fichier. Pour l’ordonnance de la cour d’appel d’Aix en Provence, ce n’est pas une pièce utile. Monsieur a eu en plus certainement une copie de la décision. Une durée de garde à vue est illégale si elle dépasse les 24h en l’absence de prolongation. Des actes ont été faits tout au long de la procédure à la demande du parquet. Alors qu’il a été remis en liberté, Monsieur avait 7 jours pour quitter le territoire ce qu’il n’a pas fait. Avant 2014, il avait déja une OQTF, la préfecture pouvait très bien le placer à nouveau en rétention.’

Monsieur [T] [P] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l’audience : ‘ il faut que j’ai un passeport et je pars d’ici. Je reste pas en France. Je rentre en Tunisie. ‘

La conseillère indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.

SUR QUOI

Sur la recevabilité de l’appel :

Le 25 Juillet 2022, à 14h18, la SELARL IVORRA & ORTIGOSA-LIAZ, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [T] [P] a formalisé appel motivé de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier du 25 Juillet 2022 notifiée à 11h31, soit dans les 24 heures de la notification de l’ordonnance querellée, qu’ainsi l’appel est recevable en application des articles R 743-10 et R 743-11 du CESEDA.

Sur l’appel :

Il ressort de la procédure que le 22 juillet 2022 à [Localité 2], Monsieur [T] [P] était interpellé par la police municipale, alors qu’il déambulait sans tee-shirt, qu’il s’enfuyait à la vue de la police, et était trouvé porteur d’un couteau à steak dans sa besace, était placé en garde à vue pour port sans motif légitime d’arme blanche ou incapacitante de catégorie D et maintien irrégulier sur le territoire national après placement en rétention ou assignation à résidence d’un étranger ayant fait l’objet d’une interdiction du territoire , sa fiche FPR révélait sa situation irrégulière sur le sol français et son Interdiction judiciaire définitive du territoire français. Le 23 juillet 2022, l’autorité adminsitrative constatant l’expiration d’un délai de 7 jours depuis la fin de la précédente rétention adminsitrative, prenait deux nouveaux arrêtés portant exécution de l’IDTF et placement en rétention administrative et le jour même saisissait le consul de Tunisie aux fins d’audition de l’intéressé en lui communiquant , le procès verbal d’audition, les photos d’identité et les empreintes décadactylaires de l’étranger, sans que le procès-verbal de relevé des empreintes décadactylaires ou même la photocpie de celles-ci soit annexé à la procédure.

L’avocate de l’appelant soutient l’irrecevabilité de la requête pour défaut de pièce utile en l’absence de procès-verbal mentionnant le relevé des empreintes digitiales de son client , lesquelles ont été adressées aux autorités consulaires tunisiennes en vue de la délivrance d’un laisser passer consulaire, empêchant ainsi le juge des libertés et de la détention d’en apprécier le respect du cadre légal.

Pour faire fi de cette argumentation, le juge des libertés et de la détention de Montpellier a jugé que le relevé des empreintes décadactylaires de l’intéressé provenait de procédures antérieures, dont la dernière achevée le 15 juillet 2022, selon les déclarations de l’autorité administrative et que l’annexion d’une précédente procédure à l’actuelle est sans objet, le procès-verbal de saisine mentionnant l’IDTF au fichier FPR de l’intéressé.

Il est de jurisprudence constante qu’est une pièce utile, outre la copie du registre de rétention actualisée, les décisions d’éloignement et de placement en rétention adminsitrative ainsi que la notification des droits afférents et le procès-verbal de notification de fin de garde à vue qui en l’espèce est du 23 juillet 2022 à 12 heures 15 .

Le CESEDA dispose par ses articles L 142-1 à L 142-5 des conditions de relevés des empreintes digitales des étrangers et notamment l’article L 142-1-3° Afin de mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, peuvent être relevées, mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, les empreintes digitales ainsi qu’une photographie des ressortissants étrangers : 3° d’étrangers qui sont en situation irrégulière en France, qui font l’objet d’une décision d’éloignement du territoire français ou qui, ayant été contrôlés à l’occasion du franchissement de la frontière en provenance d’un pays tiers aux Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, ne remplissent pas les conditions d’entrée prévues à l’article 6 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ou à l’article L. 311-1 ;

Etant acté à la procédure qu’une précédente rétention administrative de l’intéressé s’est achevée le 15 juillet 2022 et que le relevé des empreintes décadactylaires et photographie de l’intéressé n’ont pas été relevées durant l’actuelle procédure de garde à vue mais proviennent d’une précédente procédure qui n’est pas annexée à la présente.

Etant rappelé que Monsieur [T] [P] est connu sous plusieurs alias, qu’il a déjà fait l’objet de signalisations et que seules les empreintes décadactylaires et photographie peuvent attester de son identité.

Ainsi que le juge des libertés et de la détention de Montpellier l’a jugé, fort pertinemment, d’une part, la photographie et des empreintes décadactylaires de l’étranger ne sont pas des pièces utiles au sens de l’article R 743-2 du CESEDA et d’autre part, l’absence à la procédure de la photographie et des empreintes décadactylaires de l’étranger communiquées au consul de Tunisie, déjà en possession de l’autorité administrative n’est pas une irrégularité qui porterait atteinte aux droits de Monsieur [T] [P] .

L’exception d’irrecevabilité de la requête administrative sera donc rejetée.

L’avocate de l’appelant soutient l’exception de nullité de la procédure de garde à vue qu’elle aurait duré sans motifs en l’absence de prise de photographie d’identité et de relevé d’empreintes digitales et que la consultation du FPR aurait été faite par un policier dont l’habilitation n’est pas rapportée.

La garde à vue pour une infraction passible de plus d’un an d’emprisonnement , a duré du 22 juillet 2022 de 12 heures 55 au 23 juillet 2022 à 12 heures 15 soit moins des vingt-quatre heures légales, que durant cette garde à vue, l’OPJ a rendu compte au parquet compétent qui lui donné des instructions suivre, envisageant sa prolongation si l’autorité administrative ne prenait pas de décision de placement en rétention administrative et la consultation du FPR par les policiers se fait en application des dispositions de l’article 230-19 du code de procédure pénale : ‘ Sont inscrits dans le fichier des personnes recherchées au titre des décisions judiciaires :

1° Les mandats, ordres et notes de recherches émanant du procureur de la République, des juridictions d’instruction, de jugement ou d’application des peines, du juge des libertés et de la détention et du juge des enfants tendant à la recherche ou à l’arrestation d’une personne ;’

Etant en infraction au titre de l’article L 824-9 du CESEDA qui dispose: ‘Est puni de trois ans d’emprisonnement le fait, pour un étranger, de se soustraire ou de tenter de se soustraire à l’exécution d’une interdiction administrative du territoire français, d’une obligation de quitter le territoire français ou d’une décision d’expulsion.

Cette peine est également applicable en cas de refus, par un étranger, de se soumettre aux modalités de transport qui lui sont désignées pour l’exécution d’office de la mesure dont il fait l’objet.

Cette peine est également applicable en cas de refus, par un étranger, de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l’exécution d’office de la mesure dont il fait l’objet.

L’étranger condamné en application du présent article encourt la peine complémentaire de dix ans d’interdiction du territoire français.’, l’intéressé en infraction au regard de cet article faisait l’objet d’une fiche FPR et les services de police ont toute latitude pour vérifier l’identité d’une personne dès son placement en garde à vue pour motif de maintien irrégulier sur le territoire national après placement en rétention ou assignation à résidence d’un étranger ayant fait l’objet d’une interdiction du territoire.

L’exception de nullité sera également rejetée.

SUR LE FOND

L’avocate de l’appelant produit l’ordonnance de la déléguée du premier président de la cour d’appel d’Aix en Provence du 15 juillet 2022 qui a mis fin à la rétention adminsitrative de l’intéressé débutée le 14 mai 2022 en jugeant que l’autorité administrative n’établissait que la délivrance du laisser passer consulaire tunisien allait intervenir à bref délai s’agissant d’une troisième prolongation de quinze jours, puisque les autorités tunisiennes saisies le 18 mai 2022 avaient répondu le 10 juin 2022 devoir entreprendre des recherches en l’état des nombreux alias utilisés par l’étranger, et malgré une relance faite le 11 juillet 2022 n’avaient pas donné suite.

S’agissant d’une première prolongation de la rétention administrative débutée le 23 juillet 2022, c’est à juste titre que le juge des libertés et de la détention de Montpellier a prolongé la rétention adminsitrative de l’intéressé au visa de l’article L742-3 du ceseda : ‘Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-huit jours à compter de l’expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l’article L. 741-1.’, puisqu’il s’est assuré de la régularité de sa saisine, et de la procédure et des diligences faites dès le 23 juillet 2022 par l’autorité administrative pour l’éloignement de l’étranger.

Etant ici rappelé que le juge des libertés et de la détention n’est comptable que du contrôle de la régularité de la procédure au stade de la première prolongation et non pas de la réalité du retour par application de l’article L 741-3 du CESEDA.

Il y a lieu en conséquence de confirmer l’ordonnance déférée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Vu l’article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,

Déclarons l’appel recevable,

Rejetons les exceptions de nullité et moyens de nullité,

Confirmons la décision déférée,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l’article R743-19 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile,

Fait à Montpellier, au palais de justice, notifiée le 26 Juillet 2022 à 15 heures 15.

Le greffier, Le magistrat délégué,

 

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