2 septembre 2022
Cour d’appel de Colmar
RG n°
22/03241

COUR D’APPEL DE COLMAR

Chambre 6 (Etrangers)

N° RG 22/03241 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H474

N° de minute : 225/2022

ORDONNANCE

Nous, Anne GALLIATH, Conseillère à la Cour d’Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Nadine FRICKERT, greffier ;

Dans l’affaire concernant :

M. [D] se disant [L] [N] [B] [C]

né le 16 Novembre 1992 à [Localité 3] (CAMEROUN), de nationalité camerounaise

alias [D] se disant [L] [N] [B] [J], né le 16 Novembre 1992 à [Localité 3] (CAMEROUN), de nationalité camerounaise

alias [D] se disant [L] [B] [C] né le 16 Novembre 1992 à [Localité 3] (CAMEROUN), de nationalité belge

alias [D] se disant [T] [K], né le 29 février 1996 à [Localité 2] (BELGIQUE)

alias [D] se disant [Z] [B] [C] né le 8 mars 1986 à [Localité 3] (CAMEROUN), de nationalité camerounaise

alias [D] se disant [Z] [B] [C] [F], né le 8 septembre 1986 à [Localité 3] (CAMEROUN), de nationalité camerounaise

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]

VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1, R.744-16, R.761-5 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (CESEDA) ;

VU l’arrêté pris le 20 mai 2022 par M. LE PREFET DU HAUT-RHIN faisant obligation à M. [D] se disant [L] [N] [B] [C] de quitter le territoire français ;

VU la décision de placement en rétention administrative prise le 29 août 2022 par M. LE PREFET DU HAUT-RHIN à l’encontre de M. [D] se disant [L] [N] [B] [C], notifiée à l’intéressé le même jour à 15 h 30 ;

VU la requête de M. LE PREFET DU HAUT-RHIN datée du 31 août 2022, reçue et enregistrée le même jour à 14 h 52 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours de M. [D] se disant [L] [N] [B] [C] ;

VU l’ordonnance rendue le 01 Septembre 2022 à 14 h 15 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, déclarant la requête de M. LE PREFET DU HAUT-RHIN recevable et la procédure régulière, et ordonnant la prolongation de la rétention de M. [D] se disant [L] [N] [B] [C] au centre de rétention de Geispolsheim, ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de 28 jours à compter du 31 août 2022 à 15 h 30 ;

VU l’appel de cette ordonnance interjeté par M. [D] se disant [L] [N] [B] [C] par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 01 Septembre 2022 à 16 h 32 ;

VU la proposition de M. LE PREFET DU HAUT-RHIN par voie électronique reçue le 1er septembre 2022 afin que l’audience se tienne par visioconférence ;

VU les avis d’audience délivrés le 1er septembre 2022 à l’intéressé, à Maître Ahlem RAMOUL-BENKHODJA, avocat de permanence, à M. LE PREFET DU HAUT-RHIN et à M. Le Procureur Général ;

Le représentant de M. LE PREFET DU HAUT-RHIN, intimé, dûment informé de l’heure de l’audience par courrier électronique du 1er septembre 2022, n’a pas comparu, mais a fait parvenir des conclusions en date du 2 septembre 2022, qui ont été communiquées au conseil de la personne retenue.

Après avoir entendu M. [D] se disant [L] [N] [B] [C] en ses déclarations par visioconférence, Maître Ahlem RAMOUL-BENKHODJA, avocat au barreau de COLMAR, commise d’office, en ses observations pour le retenu, et à nouveau l’appelant qui a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel interjeté par Monsieur [D] se disant [L] [N] [B] [C] le 1er septembre 2022 (à 16h32), par déclaration écrite et motivée, à l’encontre de l’ordonnance rendue le 1er septembre 2022 (14h15) par le juge des libertés et de la détention de Strasbourg, dans le délai prévu à l’article R. 743-10 du CESEDA est recevable.

Sur l’appel

Monsieur [D] se disant [L] [N] [B] [C] interjette appel de l’ordonnance du 1er septembre 2022 du juge des libertés et de la détention de Strasbourg ordonnant une première prolongation de sa rétention pour une durée de 28 jours à compter du 31 août 2022 à 15h30.

Monsieur [D] se disant [L] [N] [B] [C] a été placé en rétention administrative par arrêté du 29 août 2022 notifié à l’intéressé le jour même en exécution d’un arrêté du 20 mai 2022 du préfet de la Gironde portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire assorti d’une interdiction de retour pendant trois ans notifié le même jour.

L’intéressé a été remis par les autorités suisses aux services de la police aux frontières du Haut-Rhin le 29 août 2022 et a été placé en retenue administrative aux fins de vérification de son droit au séjour à compter du même jour à 10h30.

Sur la régularité de la procédure antérieure au placement en rétention

Le conseil de l’intéressé soutient que la procédure est irrégulière au motif qu’il ne ressort ni du procès-verbal d’interpellation, ni de l’extrait du fichier des personnes recherchées que le fonctionnaire de police ayant procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées était habilité pour ce faire.

Au regard de l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent au sens de l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la conservation des données dans un fichier automatisé d’un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l’habilitation des agents à le consulter est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles.

Il en va ainsi de la consultation du fichier des personnes recherchées.

L’article 5 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 dispose que ‘ peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et informations enregistrées dans le fichier des personnes recherchées, dans le cadre de leurs attributions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées les agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités soit par les chefs des services territoriaux de la police nationale, soit par les chefs actifs à la préfecture de police, ou le cas échéant, par le préfet de police, soit par les chefs des services centraux de police nationale ou le cas échéant, par le directeur général dont ils relèvent’.

En l’espèce, seule une copie d’écran du fichier des personnes recherchées concernant [D] se disant [L] [N] [B] [C] imprimée le 29 août 2022 par l’utilisateur n°1122801 a été jointe la procédure.

Si ce document comporte un numéro d’utilisateur, aucun procès-verbal relatif à la consultation du fichier des personnes recherchées n’a été établi.

Ainsi, aucune pièce de procédure ne permet de connaître l’identité du fonctionnaire de police ayant consulté le fichier des personnes recherchées et de vérifier s’il était individuellement désigné et spécialement habilité à le faire.

Dès lors, la procédure se trouve entachée d’une nullité d’ordre public, sans que la personne qui l’invoque n’ait à démontrer l’existence d’une atteinte portée à ses droits.

Cette nullité ne saurait être couverte par une présomption d’habilitation alors que les textes précités évoquent une désignation et une habilitation supposant que le dossier comporte des mentions suffisantes permettant au juge de pouvoir vérifier, a minima par le biais d’une mention spécifique, l’existence d’une désignation nominative et d’une habilitation par l’autorité compétente préalablement à l’acte de recherche sur ces fichiers. C’est d’ailleurs ce qu’avait rappelé la première chambre civile de la cour de cassation dans un arrêt du 17 octobre 2018 (n°17-16.852) concernant la consultation du fichier automatisé des empreintes digitales et la chambre criminelle de la cour de cassation dans un arrêt du 19 février 2019 (n°18-84671) concernant la consultation du fichier de lecture automatisé des plaques d’immatriculation.

Cette irrégularité commise dans le cadre de la procédure de retenue de l’étranger pour vérification du droit au séjour entache la régularité du placement en rétention qui s’en est suivi.

Dans ces conditions, il y a lieu de d’infirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a déclaré la procédure régulière sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens soulevés et de remettre l’intéressé en liberté.

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARONS l’appel de M. [D] se disant [L] [N] [B] [C] recevable en la forme ;

INFIRMONS l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg le 01 Septembre 2022 en ce qu’elle a déclaré la procédure régulière ;

statuant à nouveau,

DECLARONS la procédure irrégulière et ORDONNONS la remise en liberté de M. [D] se disant [L] [N] [B] [C] à l’issue des formalités administratives au centre de rétention de [Localité 1] permettant à l’intéressé de récupérer ses affaires personnelles ;

RAPPELONS à l’intéressé qu’il doit quitter le territoire français ;

RAPPELONS à la préfecture du Haut-Rhin les droits qui lui sont reconnus ;

Prononcé à Colmar, en audience publique, le 02 Septembre 2022 à 14 h 33, en présence de

– l’intéressé par visio-conférence

– Maître Ahlem RAMOUL-BENKHODJA, conseil de M. [D] se disant [L] [N] [B] [C]

Le greffier,Le président,

reçu notification et copie de la présente,

le 02 Septembre 2022 à 14 h 33

l’avocat de l’intéressé

Maître Ahlem RAMOUL-

BENKHODJA

Présente

l’intéressé

M. [D] se disant [L] [N] [B] [C]

né le 16 Novembre 1992 à [Localité 3] (CAMEROUN)

Comparant par visioconférence

l’interprète

/

l’avocat de la préfecture

Non comparant

EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

– pour information : l’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition,

– le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou en rétention et au ministère public,

– le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l’auteur du pourvoi demeure à l’étranger,

– le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation,

– l’auteur d’un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,

– ledit pourvoi n’est pas suspensif.

La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :

– au CRA de [Localité 1] pour notification à M. [D] se disant [L] [N] [B] [C]

– à Maître Ahlem RAMOUL-BENKHODJA

– à M. LE PREFET DU HAUT-RHIN

– à la SELARL CENTAURE AVOCATS

– à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.

Le Greffier

M. [D] se disant [L] [N] [B] [C] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance

le À heures

Signature de l’intéressé

 

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