24 septembre 2022
Cour d’appel de Douai
RG n°
22/01689

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 22/01689 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UP67

N° de Minute : 1694

Ordonnance du samedi 24 septembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [N] [H]

né le 28 Juillet 1997 à [Localité 2] – ALBANIE

de nationalité Albanaise

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]

dûment avisé, comparant en personne

assisté de Me Zouheir ZAIRI, avocat au barreau de LILLE, avocat (e) commis (e) d’office et de M. [B] [J] interprète assermenté en langue Albanaise, tout au long de la procédure devant la cour, serment préalablement prêté ce jour

INTIMÉS

M. LE PREFET DU NORD

dûment avisé, absent non représenté

M. le procureur général : non comparant

MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Agnès FALLENOT, Conseillère à la cour d’appel de Douai désignée par ordonnance pour remplacer le premier président empêché assistée de Gaetan DELETTREZ, greffier

DÉBATS : à l’audience publique du samedi 24 septembre 2022 à 13 h 30

ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le samedi 24 septembre 2022 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’ordonnance rendue le 22 septembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [H] ;

Vu l’appel interjeté par Maître [R] venant au soutien des intérêts de M. [H] par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 23 septembre 2022 ;

Vu l’audition des parties ;

EXPOSE DU LITIGE

[N] [H], ressortissant albanais, a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français en date du 22 septembre 2022 avec reconduite vers le pays dont il a la nationalité ou en application d’un accord de réadmission communautaire ou bilatéral à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage. Cette obligation de quitter le territoire français n’est pas assortie d’un délai de départ volontaire de 30 jours conformément à l’article L 612-1 du CESEDA.

Par décision administrative du même jour, il a été placé en rétention administrative.

La mesure de rétention administrative a été prolongée judiciairement par la décision dont appel, deux actes d’appel distincts ayant été adressés à la cour.

Au titre des moyens soutenus en appel, l’étranger se prévaut de :

-l’insuffisance de motivation en fait de l’arrêté portant placement en rétention administrative, en ce qu’il ne mentionne pas qu’il vit en Espagne, où il entretient une relation amoureuse avec Madame [K] [Z] [V], et a introduit une demande de titre de séjour le 2 février 2022 ;

-l’absence de nécessité de la mesure de rétention, en ce qu’il n’a pas l’intention de rester en France mais veut retourner en Espagne, pays où il a engagé des démarches pour régulariser sa situation administrative ;

-l’irrégularité de la prise d’empreintes, en ce qu’il avait fourni son passeport et répondu aux questions des policiers, et que la consultation du fichier n’était dès lors pas indispensable et lui fait nécessairement grief en ce qu’elle touche un élément de sa personne, le résultat de la consultation ne figurant pas en procédure, ce qui ne permet pas au juge de vérifier si la personne qui y a procédé était habilitée ;

-l’irrégularité de la consultation du fichier des personnes recherchées, en ce que l’administration ne justifie pas de l’habilitation de l’agent.

Il ajoute qu’il appartient à l’administration de justifier que cette délégation a été publiée au registre des actes et que le signataire de la décision bénéficiait d’une délégation régulière. A défaut, cette irrégularité en la forme doit encourir l’annulation de la décision.

Il conclut renoncer au moyen relatif à l’incompétence du signataire de l’arrêté de placement en rétention administrative.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d’éloignement de l’étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.

Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l’étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu’à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l’administration pour l’exécution de l’expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel de l’étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.

La décision du premier juge déférée ayant joint la requête en annulation de l’arrêté de placement et la demande du préfet en prolongation de la rétention, l’ensemble des moyens soutenus pourront être appréciés par la cour d’appel.

Sur les moyens tirés du contrôle de la légalité externe et de la légalité interne de l’arrêté initial du placement en rétention

Au titre de son contrôle, le juge judiciaire doit s’assurer que l’arrêté administratif de placement en rétention est adopté par une personne habilitée à cet effet, est fondé sur une base légale (titre d’éloignement valable) et se trouve suffisamment motivé en fait et en droit par rapport aux critères posés par l’article L 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Sur la motivation de l’arrêté de placement en rétention administrative

L’obligation de motivation des actes administratifs, sanctionnée au titre du contrôle de la légalité externe de l’acte, doit être existante, factuelle en rapport avec la situation de l’intéressé et non stéréotypée.

Cependant, cette motivation n’est pas tenue de reprendre l’ensemble des éléments de la personnalité ou de la situation de fait de l’intéressé dès lors qu’elle contient des motifs spécifiques à l’étrangers sur lesquels l’autorité préfectorale a appuyé sa décision.

En l’espèce, l’arrêté de placement en rétention administrative est motivé, indiquant qu’il est entré en Europe le 23 avril 2021 via l’Autriche sous couvert de son passeport biométrique l’exemptant d’être muni d’un visa court séjour et lui autorisant un séjour de 90 jours ; qu’il est entré en France trois jours auparavant en transitant par l’Espagne, alors que son droit au séjour était expiré ; que son but était de se rendre au Royaume-Uni pour trouver du travail; qu’il est célibataire sans charge de famille ; qu’il déclare avoir quitté l’Albanie pour des motifs économiques ; qu’il n’établit pas être dans l’impossibilité de se réinsérer socialement et professionnellement dans son pays d’origine ; que s’il déclare avoir séjourné un an en Espagne, il n’établit pas y etre légalement admissible.

Cette motivation est conforme aux éléments indiqués par Monsieur [H] lors de son audition.

Le moyen manque en fait.

Sur la nécessité du placement en rétention administrative

Ce moyen relève en fait du contrôle de proportionnalité que le juge doit effectuer sur la mesure privative de liberté.

L’ examen de proportionnalité ne peut s’effectuer sur ce moyen précis que si l’étranger a déposé une requête en annulation de l’arrêté de placement en rétention administrative, dès lors que ledit contrôle de proportionnalité doit se qualifier d’examen de l’erreur d’appréciation lors de la prise de l’acte.

En l’espèce, Monsieur [H] n’ayant déposé aucune requête en annulation de l’arrêté de placement en rétention administrative, ce moyen est irrecevable.

De manière surabondante, le contrôle de proportionnalité doit évaluer la privation de liberté ordonnée par l’autorité administrative au regard de l’objectif de cette mesure, à savoir le risque de soustraction à l’exécution de la mesure d’éloignement tel que défini par les articles L 741-1 et L 612-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Même si l’intéressé dispose, comme en l’espèce, de documents de voyage probant (passeport) justifiant son identité et sa nationalité, il est acquis à l’examen des éléments de la procédure qu’il souhaite se fixer dans un autre pays européen, qu’il s’agisse de la Grande-Bretagne ou de l’Espagne, où il ne dispose à ce jour d’aucun titre de séjour.

Par ailleurs, il ne présente pas de garanties de représentation suffisante pour être assigné à résidence.

La mesure de placement en rétention administrative ne peut donc être considérée comme disproportionnée.

Sur les atteintes aux droits

Sur la prise d’empreintes

L’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale.

En l’espèce, il ne peut être soutenu que la prise d’empreintes a porté atteinte à la vie privée de Monsieur [H] au motif qu’il avait remis un passeport biométrique aux services de police, alors que ce relevé était nécessaire pour la consultation des fichiers à disposition du Ministère de l’Intérieur, et a été effectué par un agent expressément habilité dans les conditions fixées par la loi n°78-17 du 6 janvier 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Le moyen est inopérant.

Sur la consultation du fichier des personnes recherchées

Le fichier des personnes recherchées (FPR) est un fichier informatique de la police nationale française qui peut être consulté par tous les agents de la police nationale.

Il comporte les informations suivantes :

Identité : nom et prénoms, date et lieu de naissance, filiation, autres identités connues, sexe, nationalité

Description et photo

Motif de la recherche

Conduite à tenir en cas de découverte.

En l’espèce, il a été consulté par [O] [G], sous-brigadier de police.

Aucune ingérence dans le droit au respect de la vie privée, au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, n’est donc établie.

Le moyen est inopérant.

L’ensemble des moyens excipés par l’intéressé ayant été rejeté, il convient de confirmer la décision entreprise.

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARE l’appel recevable ;

CONFIRME l’ordonnance entreprise.

DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l’appelant, à son conseil et à l’autorité administrative.

Gaetan DELETTREZ, greffier

Agnès FALLENOT, Conseillère

N° RG 22/01689 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UP67

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE 1694 DU 24 Septembre 2022 ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Pour information :

L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le samedi 24 septembre 2022 :

– M. [H]

– l’interprète

– l’avocat de M. [H]

– l’avocat de M. LE PREFET DU NORD

– décision notifiée à M. [H] le samedi 24 septembre 2022

– décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître [C] [R] le samedi 24 septembre 2022

– décision communiquée au tribunal administratif de Lille

– décision communiquée à M. le procureur général :

– copie à l’escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE

Le greffier, le samedi 24 septembre 2022

N° RG 22/01689 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UP67

 

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