14 octobre 2022
Cour d’appel de Rennes
RG n°
22/00587

COUR D’APPEL DE RENNES

N° 22/340

N° N° RG 22/00587 – N° Portalis DBVL-V-B7G-TF5O

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Nous, Hélène CADIET, conseiller à la cour d’appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assisté de Sandrine KERVAREC, greffière,

Statuant sur l’appel formé le 13 Octobre 2022 à 15 h 58 par la CIMADE pour:

M. [S] [W] [M]

né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 2] (RDC)

de nationalité Congolaise

ayant pour avocat Me MAZROUI, avocat au barreau de RENNES

d’une ordonnance rendue le 12 Octobre 2022 à 17 h40 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l’encontre de l’arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [S] [W] [M] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 12 octobre 2022 à 14 h 27;

En l’absence de représentant du préfet de la GIRONDE, dûment convoqué,

En l’absence du procureur général régulièrement avisé, (avis écrit)

En présence de [S] [W] [M], assisté de Me MAZROUI, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 14 Octobre 2022 à 11 H 30 l’appelant et son avocat en leurs observations,

Avons mis l’affaire en délibéré et le 14 Octobre 2022 à 15 heures, avons statué comme suit :

M. [S] [W] [M], interpellé et mis en garde à vue pour un vol à l’étalage le 8 octobre 2022, a fait l’objet d’un arrêté du préfet de la GIRONDE du 10 octobre 2022 portant obligation de quitter le territoire avec interdiction de retour de trois ans.

Le préfet l’a placé en rétention administrative par arrêté du 10 octobre 2022.

Statuant sur la requête de M. [S] [W] [M] et sur celle du préfet reçue le 12 octobre 2022 à 12 heures 14, par ordonnance rendue le 12 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes a rejeté son recours et prolongé sa rétention pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 12 octobre 2022 à 14 heures 27 .

Par déclaration de la CIMADE reçue au greffe de la cour le 13 octobre 2022 à 15 heures 58, M. [S] [W] [M] a interjeté appel de cette ordonnance, notifiée le 12 octobre 2022 à 18 heures 17.

Il fait valoir au soutien de sa demande d’infirmation et de remise en liberté :

– le défaut d’examen de sa situation et l’erreur manifeste d’appréciation de la préfecture qui n’a pas tenu compte du caractère stable de son domicile chez sa tante et des liens réguliers avec son fils de quatre ans,

– le défaut d’information du parquet du placement en rétention en l’absence de procès verbal relatif à cette information,

– le caractère irrégulier de la consultation du fichier des personnes recherchées, FAED et FNAEG au motif que rien dans la procédure n’atteste que l’agent qui a consulté le fichier était bien habilité à le faire.

Le préfet qui n’a pas envoyé ses observations n’a pas comparu.

Selon avis écrit du 13 octobre 2022, le procureur général a sollicité la confirmation de l’ordonnance attaquée.

A l’audience, M. [S] [W] [M] assisté de son conseil Me MAZROUI a maintenu les termes de son mémoire d’appel. Il demande à l’audience une assignation à résidence et précise qu’il n’est pas opposé à son éloignement, tout en ajoutant qu’il ne connait plus personne au CONGO depuis son arrivée en France en 2011.

SUR CE,

L’appel, formé dans les délais et formes légaux, est recevable.

Sur les garanties de représentation :

L’article L741-1 du CESEDA énonce que : «’L’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision. Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3’».

Ce dernier texte précise : «’Le risque mentionné au 3° de l’article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière,

dans les cas suivants :

1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;

6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;

7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;

8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5’».

Enfin, l’article 15-1 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil dispose que : «’À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque :

a) il existe un risque de fuite, ou

b) le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

Toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise’».

C’est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu’il convient d’adopter que le premier juge a statué sur ce moyen en relevant que le préfet n’a commis aucune erreur d’appréciation dès lors que si l’intéressé dispose d’un domicile fixe chez sa tante, il ne dispose pas de passeport et présente un risque de fuite et de soustraction à l’exécution de la mesure d’éloignement en ce qu’il n’a pas respecté deux précédentes obligations de quitter le territoire des 23 mai 2014 et 7 décembre 2015, sa demande d’asile ayant été rejetée.

Le moyen sera rejeté.

Sa demande d’assignation à résidence est irrecevable devant la cour pour n’avoir pas été formulée dans son mémoire d’appel dans le délai d’appel.

La cour constate qu’il avait fait l’objet de plusieurs obligations de quitter le territoire de territoire et qu’il ne justifie d’aucune démarche pour rejoindre son pays.

Sur le grief tiré du défaut d’information du parquet du placement en rétention :

Selon l’article 741-8 du CESEDA: ‘le procureur est informé immédiatement de tout placement en rétention’.

La Cour de cassation considère que le procureur est nécessairement informé de la rétention lorsqu’il a donné instruction de conduire l’intéressé au centre de rétention.

Il ressort du procès-verbal n° 653/2022/5527 d’avis à magistrat du 10 octobre 2022 à 14 H que M. [C] [T] officier de police judicisire a avisé le procureur de Bordeaux de la procédure et de son avancée et que ce magistrat lui a prescrit ‘un classement sans suite de l’affaire et une fin de la mesure de garde à vue pour permettre le placement en retenue pour transfert au CRA de [Localité 3]’.

Les procès-verbaux mentionnent que la garde à vue a été levée à 14 heures 25 et la rétention a débuté à 14 heures 27.

Par ces mentions qui font foi et qui sont suffisantes, l’information au procureur est intervenue ‘immédiatement’ au sens du texte précité.

Le moyen sera rejeté.

Sur la consultation des fichiers par un agent habilité :

Aux termes de l’article 5 Décret 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées (Modifié par Décret n°2017-1219 du 2 août 2017 – art. 6)

‘ Peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et informations enregistrées dans le fichier des personnes recherchées, dans le cadre de leurs attributions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées :

1° Les agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités soit par les chefs des services territoriaux de la police nationale, soit par les chefs des services actifs à la préfecture de police ou, le cas échéant, par le préfet de police, soit par les chefs des services centraux de la police nationale ou, le cas échéant, par le directeur général dont ils relèvent ;

2° Les militaires des unités de la gendarmerie nationale individuellement désignés et spécialement habilités soit par les commandants de groupement, soit par les commandants de la gendarmerie dans les départements et collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, soit par les commandants de région, soit par les commandants des gendarmeries spécialisées, soit par le sous-directeur de la police judiciaire ou, le cas échéant, par le directeur général de la gendarmerie nationale ;

3° Les agents des services des douanes individuellement désignés et spécialement habilités soit par les directeurs régionaux des douanes, soit par le chef du service national de douane judiciaire ou, le cas échéant, par le directeur général des douanes et droits indirects ;

4° Les agents des services centraux du ministère de l’intérieur et des préfectures et sous-préfectures individuellement désignés et spécialement habilités, respectivement, par leur chef de service ou par le préfet, et chargés:

a) De l’application de la réglementation relative aux étrangers, aux titres d’identité et de voyages, aux visas, aux armes et munitions et aux permis de conduire ;

b) De la mise en ‘uvre des mesures prises en application du 3° de l’article 5 et de l’article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 modifiée relative à l’état d’urgence

c) De la mise en ‘uvre des mesures prises en application des articles L. 225-1 à L. 225-3 du code de la sécurité intérieure.

5° Les agents du ministère des affaires étrangères, chargés du traitement des titres d’identité et de voyage et de l’instruction des demandes de visa, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur général dont ils relèvent ;

6° Les agents du Conseil national des activités privées de sécurité, individuellement désignés et spécialement habilités par le préfet compétent en application de l’article R. 632-14 du code de la sécurité intérieure ;

7° Les agents du service à compétence nationale dénommé ” Unité Information Passagers ” et rattaché au ministère chargé du budget, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur de l’unité

8° Les agents du service mentionné à l’article L. 561-23 du code monétaire et financier, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur du service ;

9° Les agents du service à compétence nationale dénommé ‘ service national des enquêtes administratives de sécurité ‘, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur général de la police nationale ;

10° Les agents du service à compétence nationale dénommé ‘ Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire ‘, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur général de la gendarmerie nationale.

II. Sont destinataires des données à caractère personnel et informations enregistrées, dans le cadre de leurs attributions légales :

1° Les autorités judiciaires ;

2° Les organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire et les services de police étrangers, dans les conditions prévues à l’article L. 235-1 du code de la sécurité intérieure ;

3° Les agents de police municipale, à l’initiative des agents des services de la police nationale ou des militaires des unités de la gendarmerie nationale aux fins et dans les limites fixées à l’article 12 des annexes IV-I et IV-II du code général des collectivités territoriales, dans le cadre des recherches des personnes disparues.

Afin de parer à un danger pour la population, les services de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationale peuvent, à titre exceptionnel, transmettre oralement aux agents de police municipale certaines informations relatives à une personne inscrite dans le présent fichier ;

4° Les agents du service gestionnaire du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes aux fins de consultation des seules fiches concernant le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes ;

5° Les agents du service gestionnaire du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes aux fins de consultation des seules fiches concernant le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes ;

6° Les agents des services spécialisés de renseignement du ministère de la défense, individuellement désignés et spécialement habilités par les directeurs de ces services, aux seules fins de prévention des actes de terrorisme et dans la limite du besoin d’en connaître’.

La première chambre civile de la Cour de cassation (14 octobre 2020 19-19.234) a jugé que :

‘L’habilitation des agents à consulter les fichiers est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles, au regard de l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d’un individu et la consultation de ces données.

S’il ne résulte pas des pièces du dossier que l’agent ayant consulté les fichiers était expressément habilité à cet effet la procédure se trouve entachée d’une nullité d’ordre public, sans que l’étranger qui l’invoque ait à démontrer l’existence d’une atteinte à ses droits.’

Cette jurisprudence doit être appliquée à la consultation du fichier des personnes recherchées, s’agissant de données à caractère personnel.

En l’espèce, Le procès-verbal du 8 octobre 2022 à 16 heures 45 mentionne que Mme [I] [J] [A] agent de police judiciaire est ”individuellement désigné et habilité à consulter le fichier des personnes recherchées’, ce qui renvoie au 1° de l’article 5 visé ci-dessus.

S’agissant de la consultation de FAED, la consultation faite pour les besoins exclusifs de la procédure a été requise par l’officier de police judiciaire mais elle a été traitée par [F] [H] en tant qu’agent au sein du service central de la police scientifique s’occupant de la transmission des données qui est nécessairement habilité.

S’agissant de la consultation de FNAEG, c’est à juste titre que le Juge des libertés a relevé qu’aucune disposition légale n’exige une habilitation spéciale pour que l’officier de police judiciaire y ait recours s’agissant d’une simple consultation de la base de données des états civils FNAEG afin de déterminer si le service de police devait procéder à un prélèvement buccal aux fins d’insertion du profil génétique de la personne prélevée dans le fichier.

Aucun grief tiré de la violation de la convention des droits de l’homme n’est établi.

Le moyen étant rejeté, la décision sera donc confirmée.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement,

Déclarons l’appel recevable ;

Confirmons l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes du 12 octobre 2022 ;

Laissons la charge des dépens au Trésor Public.

Fait à Rennes, le 14 octobre 2022 à 15 heures.

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [S] [W] [M], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier

 

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