17 janvier 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
23/00066

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 2023/70

N° RG 23/00066 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PGMC

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 17 janvier à 14h40

Nous A. MAFFRE, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 7 DECEMBRE 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 14 Janvier 2023 à 17H19 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :

[S] [P]

né le [Date naissance 1] 1998 à [Localité 2] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

Vu l’appel formé le 16/01/2023 à 15 h 44 par courriel, par Me Stéphanie MOURA, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l’audience publique du 17/01/2023 à 11h00, assisté deM.POZZOBON lors des débats et K. MOKHTARI lors de la mise à disposition, greffiers avons entendu :

[S] [P]

assisté de Me Stéphanie MOURA, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [C] [W], interprète,

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de M.[Z] représentant la PREFECTURE DE L’HERAULT ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

M. [S] [P], âgé de 25 ans et de nationalité algérienne, a fait l’objet d’un contrôle le 11 janvier 2023 à 21h00 à [Localité 4] secteur Saint Martin et a été placé en garde à vue à 21h30 pour détention de stupéfiants et maintien sur le territoire français malgré OQTF .

Le 12 janvier 2023, le préfet de l’Hérault a pris à son égard un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant 3 ans, ainsi qu’un arrêté de placement en rétention administrative, tous deux notifiés le jour même respectivement à 16h20 et 16h25 à l’issue de la garde à vue.

M. [P] a été conduit au centre de rétention administrative de [Localité 3] en exécution de cette décision.

Indiquant n’avoir pu l’éloigner dans le délai de rétention initial de quarante-huit heures, le préfet de l’Hérault a sollicité du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse, la prolongation du maintien de M. [S] [P] en rétention pour une durée de vingt-huit jours suivant requête datée du 13 janvier 2023 parvenue au greffe du tribunal le même jour à 11 heures 10.

M. [S] [P] a pour sa part saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse par requête parvenue au greffe le 14 janvier 2023 à 10h49. pour contester la régularité de la procédure et de l’arrêté en placement en rétention.

Ce magistrat a prononcé la jonction des requêtes, constaté la régularité des procédures et ordonné la prolongation de la mesure de rétention par ordonnance du 14 janvier 2023 à 17 heures 19.

M. [S] [P] a interjeté appel de cette décision, par courriel de son conseil adressé au greffe de la cour le 16 janvier 2023 à 15h44.

À l’appui de sa demande d’infirmation de l’ordonnance entreprise et de remise en liberté, subsidiairement d’assignation à résidence, le conseil de M. [P] a soutenu que :

– à titre liminaire sur les exceptions de procédure,

. le FPR a été consulté une première fois sans mention d’une habilitation du policier qui y a procédé,

. l’APJA qui a procédé au contrôle d’identité n’a agi ni sur ordre ni sous le contrôle d’un OPJ , le lieu de contrôle peut être différent du lieu de l’interpellation et il n’est pas précisé et le plan annoncé dans les réquisitions n’est pas produit,

. rien ne justifie le recours à un interprète par téléphone, celui-ci n’a pas contresigné le PV à son arrivée, aucun formulaire en arabe ne lui a été remis,

. la détention de stupéfiant qui se révèle être un simple usage ne justifie pas le prélèvement FNAEG réalisé,

– sur l’irrecevabilité de la requête en prolongation, il n’est pas produit les réquisitions complètes du procureur de la République, le plan annexé n’est pas joint,

– sur la contestation de l’arrêté de placement en rétention administrative,

. la décision n’est pas motivée et ne prend pas en compte sa situation personnelle, ses garanties de représentation, sa résidence, sa compagne et future épouse, et ses problèmes de santé, ce qui équivaut à une absence de motivation, de sorte que le placement apparaît disproportionné outre l’atteinte à sa vie privée,

. la décision comprend une erreur de fait sur sa date de naissance et une erreur manifeste d’appréciation de sa situation et de sa santé, et le placement en rétention administrative porte une atteinte disproportionnée aux dispositions de l’article 3 de la CEDH, il a des garanties d’hébergement et une compagne,

– sur l’incompatibilité d’une prolongation avec son état de santé : diabète insulino-dépendant, troubles psychiatriques nécessitant un traitement et une infection bucco-dentaire nécessitant une opération urgente,

-subsidiairement, sur la demande d’assignation à résidence, il demande à être placé en assignation à résidence à son domicile chez Mme [R].

À l’audience, M. [P] qui a demandé à comparaître, a indiqué ne pas avoir vu de médecin depuis son arrivée au centre et ne pas avoir pris son traitement pour le diabète (des comprimés) ni contrôlé son taux. Il déclare également avoir un problème à la tête.

Me Moura a repris oralement les termes du recours.

Le préfet de l’Hérault, régulièrement représenté à l’audience, a sollicité la confirmation de la décision entreprise : il souligne, s’agissant de la consultation du fichier des personnes recherchées que le contrôle était conjoint avec la police nationale dont un effectif a consulté le fichier, que les documents joints mentionnent l’habilitation et que tous les policiers nationaux sont habilités à consulter les fichiers.

Le ministère public, avisé de la date d’audience, est absent et n’a pas formulé d’observations.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la consultation du fichier des personnes recherchées

L’article 5, 2° du décret n° 2017-1219 du 28 mai 2010, dispose que ‘Peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et informations enregistrées dans le fichier des personnes recherchées, dans le cadre de leurs attributions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées : […]

2° les militaires des unités de la gendarmerie nationale individuellement désignés et spécialement habilités soit par les commandants de groupement, soit par les commandants de la gendarmerie dans les départements et collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, soit par les commandants de région, soit par les commandants des gendarmeries spécialisées, soit par le sous-directeur de la police judiciaire ou, le cas échéant, par le directeur général de la gendarmerie nationale ;’

Au cas d’espèce, il ressort de la procédure que le fichier des personnes recherchées a été consulté à deux reprises :

. à 21h32 en cours de garde à vue par un agent habilité,

. et entre 21h00 (début du contrôle) et 21h10 (interpellation) par un “effectif de la police nationale” non identifié.

Rien ne permet de vérifier que cette première consultation a été effectuée dans les conditions légales ci-dessus rappelées, et la chronologie fait apparaître en outre qu’elle a participé de la décision d’interpellation, faisant grief à M. [P].

Dès lors, la procédure se trouve entachée d’une nullité, et cette irrégularité commise dans le cadre de la procédure préalable à la rétention entache la régularité du placement en rétention administrative qui s’en est suivi.

La décision querellée doit en conséquence être infirmée sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens soulevés.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Infirmons l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse le 14 janvier 2023,

Ordonnons la mainlevée de la mesure de maintien en rétention sans délai de M. [S] [P],

Rappelons à M. [S] [P] qu’il a l’obligation de quitter le territoire français,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture de l’Hérault, service des étrangers, à M. [S] [P], ainsi qu’à son conseil et communiquée au ministère public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

K. MOKHTARI .A.MAFFRE.

 

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