14 février 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
23/00160

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 23/162

N° RG 23/00160 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PIA6

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 14 février 2023 à 08H40

Nous A. MAFFRE, magistrate déléguée par ordonnance de la première présidente du 7 Décembre 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 11 Février 2023 à 17 H 10 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :

[C] [U]

né le 18 Mars 1996 à [Localité 2] (LYBIE)

de nationalité Française

Vu l’appel formé le 13/02/2023 à 13 h 24 par courriel, par Me Laurent FABIANI, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l’audience publique du 13 février 2023 à 15 heures 30, assisté de, M. POZZOBON lors des débats et de K. MOKHTARI lors de la mise à disposition, greffiers, avons entendu :

[C] [U]

assisté de Me Laurent FABIANI, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [H] [S], interprète en langue arabe, qui a prêté serment,

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de [E] [W] représentant la PREFECTURE DES PYRENEES ORIENTALES ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

M. [C] [U], âgé de 28 ans et de nationalité libyenne, a fait l’objet d’un contrôle d’identité sur réquisitions du procureur de la République le 8 février 2023 à 23h00 à [Adresse 3] et a été placé en garde à vue à 23h30 pour non-respect d’une assignation à résidence.

M. [U] avait fait l’objet d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant 18 mois pris par le préfet des Pyrénées-Orientales le 22 novembre 2022, suivie d’une assignation à résidence le 13 janvier 2023, déclarée non respectée le 17 janvier 2023.

Le 9 février 2023, le préfet des Pyrénées-Orientales a pris à son encontre une décision de placement en rétention administrative, notifiée le même jour à 16h35 à l’issue de la garde à vue. M. [U] a été conduit au centre de rétention administrative de [Localité 1] (31) en exécution de cette décision.

1) Indiquant n’avoir pu l’éloigner dans le délai de rétention initial de quarante huit heures, le préfet des Pyrénées-Orientales a sollicité du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse, la prolongation du maintien de M. [C] [U] en rétention pour une durée de vingt huit jours suivant requête du 10 février 2023 parvenue au greffe du tribunal le même jour à 14h15.

2) M. [C] [U] a pour sa part saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse par requête parvenue au greffe le 10 février 2023 à 14h58 pour contester la régularité de la procédure et de l’arrêté en placement en rétention.

Ce magistrat a ordonné la jonction des requêtes, déclaré la procédure régulière et ordonné la prolongation de la mesure de rétention par ordonnance du 11 février 2023 à 17h10.

M. [C] [U] a interjeté appel de cette décision, par courriel de son conseil adressé au greffe de la cour le 13 février 2023 à 13h24.

A l’appui de sa demande d’infirmation de l’ordonnance entreprise et de mise en liberté, le conseil de M. [U] a principalement soutenu, sur l’irrecevabilité de la requête et sur sa contestation, que :

. pour apprécier les perspectives d’éloignement dans le cas d’une mesure de placement en rétention administrative réitérée, doivent être joints les résultats des précédentes diligences accomplies, surtout lorsqu’elles ont trait à l’exécution du même arrêté portant obligation de quitter le territoire français,

. sans les pièces permettant d’apprécier l’ensemble de sa situation individuelle, le juge est dans l’incapacité d’apprécier le caractère nécessaire et proportionné du placement en rétention administrative.

. et il a été jugé que pour apprécier la situation de la personne, l’intégralité des exécutions du ou des arrêtés doit être produite.

À l’audience, Maître Fabiani a repris oralement les termes de son recours et souligné que les autorités libyennes n’ont été saisies que le 10 février 2023 : il ne s’est rien passé depuis son précédent placement en rétention administrative du 22 novembre 2022, alors qu’il doit être apprécié si les diligences permettent des perspectives d’éloignement à bref délai, et cela rend le placement en rétention administrative contestable car il n’est pas justifié de diligences utiles accomplies pour un éloignement à bref délai.

M. [U] qui a demandé à comparaître, déclare qu’il voulait quitter le France pour l’Italie mais a été arrêté entre temps : on lui a dit d’aller signer pendant six mois, puis on lui a interdit de signer et il a été inscrit au fichier des personnes recherchées.

Le préfet des Pyrénées-Orientales, régulièrement représenté à l’audience, a sollicité la confirmation de la décision entreprise en s’en remettant à la motivation de celle-ci et en soulignant que la requête et l’arrêté de placement en rétention administrative sont suffisamment détaillés et que la Libye n’a pu être saisie qu’à compter de son placement en rétention administrative.

Le ministère public, avisé de la date d’audience, est absent et n’a pas formulé d’observations.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la requête en prolongation

En vertu de l’article R743-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, à peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.

Doivent être considérées des pièces justificatives utiles dont la production conditionne la recevabilité de la requête les pièces qui sont nécessaires à l’appréciation par le juge des éléments de fait et de droit dont l’examen lui permet d’exercer son plein pouvoir.

Il est soutenu ici que les pièces relatives à l’exécution des précédents arrêtés devaient être jointes à la requête, s’agissant de pièces justificatives utiles pour apprécier l’existence de perspectives d’éloignement à bref délai, et qu’en l’espèce aucune diligence n’a été accomplie avant le 10 février 2023.

Il est résulte en effet de l’arrêté portant assignation à résidence pris le 13 janvier 2023 à l’occasion d’une garde à vue que, sur la base du même arrêté portant obligation de quitter le territoire français, M. [U] a été placé en rétention le 22 novembre 2022 et libéré par le juge des libertés et de la détention le 25 novembre 2022 pour un motif non précisé.

Pour autant, et en premier lieu, la présente procédure porte sur le contrôle de la rétention administrative décidée le 9 février 2023, et non sur celui de la précédente rétention, de sorte que les motifs qui ont conduit à la mainlevée de cette dernière ne sont pas nécessairement une pièce justificative utile ici.

En second lieu, s’agissant plus précisément des pièces relatives au résultat des précédentes diligences, manquantes, il doit être relevé que la brièveté de la précédente rétention ne permettrait pas d’en tirer des éléments utiles pour l’appréciation des perspectives actuelles d’éloignement, aucune conséquence ne pouvant en effet être tirée d’une éventuelle absence de résultat en trois jours il y a trois mois.

Dès lors, il apparaît que la présence de telles pièces au dossier ne conditionnait pas la recevabilité de la requête, de sorte que l’irrecevabilité soulevée sera écartée.

Sur l’arrêté de placement en rétention administrative

En application des articles L741-1 et 4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3.

La décision de placement en rétention prend en compte l’état de vulnérabilité et tout handicap de l’étranger.

Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d’accompagnement de l’étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.

L’article L741-6 précise que la décision de placement en rétention est prise par l’autorité administrative, après l’interpellation de l’étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l’expiration de sa garde à vue, ou à l’issue de sa période d’incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée.

Elle prend effet à compter de sa notification.

En l’espèce, l’arrêté est contesté au motif qu’il n’est pas justifié de diligences utiles à un éloignement à bref délai.

Il découle cependant des textes susvisés que l’arrêté de placement en rétention administrative doit être motivé au regard du risque de soustraction critiqué, non discuté ici, et non des perspectives d’éloignement.

Dès lors, le moyen soulevé ne peut prospérer et l’arrêté de placement en rétention administrative doit être déclaré régulier.

Sur la prolongation de la rétention administrative

Le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l’autorité administrative en application de l’article L742-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

En application de l’article L741-3 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet.

Il s’en évince que les diligences de l’administration doivent être mises en oeuvre dès le placement en rétention et qu’elles doivent être effectives : le maintien en rétention ne se conçoit que s’il existe des perspectives d’éloignement et il convient de se demander non seulement si la préfecture a effectué les démarches nécessaires mais également si les diligences ont une chance d’aboutir dans le délai de la durée légale de la rétention.

Au cas d’espèce, les perspectives d’éloignement sont discutées au regard de l’absence de résultat connu des précédentes diligences effectuées.

Il a toutefois été jugé plus haut que la brièveté de la précédente rétention ne permettait pas d’apprécier les perspectives d’éloignement résultant des diligences alors menées.

Et s’agissant de la présente rétention, il n’est pas discuté que les autorités libyennes ont été rapidement saisies, de sorte que des perspectives d’éloignement dans le délai légal sont envisageables.

La prolongation de la rétention s’avérant par ailleurs le seul moyen de prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et de garantir efficacement l’exécution effective de cette décision en l’absence de toute autre mesure moins coercitive possible au regard du défaut de document d’identité , il y lieu de faire droit à la demande préfectorale.

La décision déférée sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Confirmons l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Toulouse le 11 février 2023,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture des Pyrénées-Orientales, service des étrangers, à M. [C] [U], ainsi qu’à son conseil et communiquée au ministère public.

LE GREFFIER LA MAGISTRATE DELEGUEE

K. MOKHTARI A. MAFFRE

 

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