24 février 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
23/00190

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 2023/192

N° RG 23/00190 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PIVV

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 24 février à 16H10

Nous, C.ROUGER, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 7 DECEMBRE 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 21 Février 2023 à 18H12 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :

X SE DISANT [C] [Z]

né le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 6] – TUNISIE

de nationalité Tunisienne

Vu l’appel formé le 22/02/2023 à 18 h 06 par courriel, par Me Cédrik BREAN, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l’audience publique du 24/02/2023 à 09h45, assisté de K. MOKHTARI, greffier avons entendu :

X SE DISANT [C] [Z]

assisté de Me Cédrik BREAN, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [M] [W], interprète, qui a prêté serment,

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de Mme [D] représentant la PREFECTURE DE L’HERAULT ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

Le 18 février 2023 à 19h20 agissant sur réquisition du procureur de la République de Montpellier et au visa de l’article 78-2 alinéa 6 du code de procédure pénale M. [E] [K], brigadier de police a procédé au contrôle d’identité d’un individu déclarant se trouver démuni de documents justifiant de son identité et disant se nommer [C] [Z], né le [Date naissance 5]/1996 à [Localité 6] en Tunisie. Le fichier des personnes recherchées interrogé faisait ressortir deux fiches de recherche actives pour obligation de quitter le territoire et non respect d’assignation à résidence

M.[C] [Z] a été placé en garde à vue pour non respect d’une assignation à résidence malgré ordre de quitter le territoire français le 18 février 2023 à compter de 19h30 h. Sur consultation du fichier automatisé des empreintes dactyloscopiques par M.[U] [J] brigadier chef de police, il apparaissait que l’intéressé était connu de la base de données sous une autre identité celle de [C] [Z] né le [Date naissance 3]1986 sans autre précision.

Sur instructions du procureur de la République il était mis fin à la garde à vue le 19 février 2023 à 16h 20 et l’intéressé était transféré aux fins de placement au centre de rétention administrative de [Localité 8] après qu’à 16h 40 et 16h 55 l’officier de police judiciaire lui ait été notifié deux arrêtés pris par le Préfet de l’Hérault le même jour, l’un portant obligation de quitter le territoire français sans délai assorti d’une interdiction de retour d’une durée de trois ans, l’autre portant placement en rétention administrative.

Par requête du 20 février 2023 arrivée au greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse à 15h34, le Préfet de l’Hérault a sollicité la prolongation de la mesure de rétention administrative pour une durée de 28 jours.

Par ordonnance du 21 février 2023 à 18h12, le juge des libertés et de la détention, rejetant les moyens soulevés par le retenu tendant à l’irrégularité de la procédure ayant précédé le placement en rétention administrative, ainsi qu’à celui de privation de liberté sans titre, a ordonné la prolongation de la mesure de rétention administrative pour une durée de 28 jours.

Par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel de Toulouse le 22/02/2023 à 18h06, Me Cédrick BREAN, avocat de la Selarl Ad Defensionem, a interjeté appel de cette décision pour le compte de M. [C] [Z].

A l’audience du 24 février 2023 à 9h45 l’avocat a développé oralement les moyens de défense de son client soutenus dans l’acte d’appel, concluant à l’infirmation de la décision entreprise pour irrégularité de la procédure de rétention et sollicitant la remise en liberté de M.[C] [Z]. Il soutient l’irrégularité du contrôle sur la base de l’ article 78-2 alinéa 6 du code de procédure pénale, la consultation du fichier des personnes recherchées par les agents de police judiciaire sans justifier de leur habilitation, le recours injustifié à l’interprétariat téléphonique lors du placement en garde à vue de M.[C] soutenant qu’il n’a pas à justifier de grief pour invoquer l’irrégularité en résultant, et enfin une privation de liberté injustifiée entre la levée de la mesure de garde à vue et le classement à 16h10 et la notification des mesures administratives, invoquant un détournement de la procédure judiciaire au profit des mesures administratives.

La représentante de la Préfecture a sollicité la confirmation de l’ordonnance entreprise, relevant la justification de réquisitions du procureur de la République au visa de l’article 78-2 alinéa 7 du code de procédure pénale, la possibilité pour des agents de police judiciaire de consulter le fichier des personnes recherchées, aucune nullité ne résultant de l’absence de mention de l’habilitation, la régularité de la procédure de garde à vue dès lors que l’interprète contacté n’a pu se déplacer immédiatement ni dans un délai raisonnable, et enfin l’intervention de la notification des mesures administratives à l’issue de la levée de la garde à vue.

M .[C] qui a eu la parole en dernier a indiqué n’avoir rien à dire.

SUR CE,

L’appel diligenté dans les formes et délais légaux est recevable.

* Sur la régularité du contrôle d’identité

Selon les dispositions de l’article 78-2 du code de procédure pénale les officiers de police judiciaire et, sur l’ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier par tout moyen de son identité toute personne à l’égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner : qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, ou se prépare à commettre un crime ou un délit, ou qu’elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l’enquête en cas de crime ou de délit, ou qu’elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’une mesure d’assignation à résidence avec surveillance électronique ou d’une peine ou d’une mesure suivie par le juge de l’application des peines, ou qu’elle fait l’objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire .

Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d’infractions qu’il précise, l’identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat (ancien alinéa 6 devenu alinéa 7 depuis la loi 2016-731 du 3 juin 2016).

En l’espèce, le procès-verbal d’interpellation du 18 février 2023 à 19h20 mentionne, qu’agissant sur réquisitions du procureur de la République du tribunal judiciaire de Montpellier délivré le 9 février 2023 aux fins de contrôle d’identité, de fouilles de véhicules, arrêtés ou stationnés sur la voie publique et d’inspections visuelles et de fouille des bagages sur la commune de [Localité 7] sur le secteur [Localité 10], de passage centre commercial le Triangle [Adresse 2], les agents de police judiciaire en patrouille agissant sous l’ordre de l’Officier de policier judiciaire et sous sa responsabilité ont constaté la présence d’un individu assis sur les marches du centre commercial, au visa de l’article 78-6 du code de procédure pénale, ont procédé au contrôle d’identité de cet individu, lequel, démuni de documents justifiant son identité a dit se nommer [C] [Z] né le [Date naissance 5]/1996 à [Localité 6] en Tunisie.

En l’espèce, les réquisitions du procureur de la République de Montpellier su 9 février 2023 requéraient des officiers de police judiciaire placés sous l’autorité du directeur départemental de la sécurité publique de l’Hérault, en application des dispositions de l’article 78-2 alinéa 7 et 78-2-2 du code de procédure pénale, la réalisation notamment de contrôles d’identité le samedi 18 février 2023 de 17 h à 23 h secteurs [Localité 10] aux fins de recherche d’auteurs d’infractions d’actes de terrorisme, d’infractions à la législation des armes et explosifs, à la législation sur les stupéfiants, de vols et recels . .Il n’est pas contesté que le contrôle intervenu le 18 février 2023 à 19h20 au niveau du centre commercial le [Adresse 9] se situait dans le secteur délimité par le procureur de la République.

Les agents de police judiciaire ayant procédé au contrôle de M [C] [Z], au visa des réquisitions spécifiques du procureur de la République telles que rappelées ci-dessus, soit effectivement sur le fondement de l’article 78-2 ancien alinéa 6 devenu alinéa 7 du code de procédure pénale, ledit contrôle est parfaitement valable pour correspondre au cadre légal imposé, peu important que par erreur ait été visé dans le procès-verbal l’ancien article 78-2 alinéa 6 devenu alinéa 7 du code de procédure pénale.

* Sur la consultation du fichier des personnes recherchées

Les agents de police judiciaire ont indiqué sur le procès-verbal d’interpellation avoir interrogé le fichier des personnes recherchées pour lequel ils déclaraient avoir été dûment habilités. Trois agents sont identifiés comme intervenus sur le procès-verbal : le brigadier-chef de police [H] [F], le brigadier de police [K], rédacteur et signataire du procès-verbal, le gardien de la Paix Bertaux, tous agissant sous le commandement du commandant de police [B] [A]. Le procès-verbal ne permet pas de vérifier laquelle de ces personnes a consulté le fichier des personnes recherchées, ni laquelle d’entre elles ou les trois étaient habilitées à le consulter alors qu’en application de l’article 5 du décret du 28 mai 2010 peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et informations enregistrées dans le fichier des personnes recherchées dans le cadre de leurs attributions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées les agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités. En l’absence d’identification de la personne effectivement habilitée à consulter le fichier aucune vérification n’est possible s’agissant de la régularité de la consultation. Cette situation fait nécessairement grief à la personne objet du contrôle d’identité puisque c’est sur la base de cette consultation qu’elle a ensuite été placée en garde à vue pour non respect d’une assignation à résidence dans le cadre d’un ordre de quitter le territoire français puis, à l’issue de la garde à vue, placée en rétention administrative après notification d’un nouvel ordre de quitter le territoire français.

En conséquence, en l’absence de possibilité d’identification de la personne dite habilitée à consulter le fichier des personnes recherchées et donc de vérification de la régularité de cette consultation, la procédure qui a suivi, dont la procédure de rétention est affectée d’irrégularité, ce qu’il convient de constater contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, M.[C] [Z] devant être remis en liberté immédiate.

PAR CES MOTIFS :

DECLARONS l’appel recevable et bien fondé,

INFIRMONS l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse le 21 février 2023

CONSTATONS l’irrégularité de la procédure

ORDONNONS la remise en liberté immédiate de M. [C] [Z] se disant né le [Date naissance 4] 1996 à [Localité 6] (Tunisie) de nationalité tunisienne

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DE L’HERAULT, service des étrangers, à [Z] X SE DISANT [C], ainsi qu’à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

K. MOKHTARI .C.ROUGER.

 

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