31 mars 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
23/00407

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA

ORDONNANCE

DU 31 MARS 2023

N° 2023/0407

Rôle N° RG 23/00407 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BLBRW

Copie conforme

délivrée le 31 Mars 2023 par courriel à :

-l’avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Signature,

le greffier

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 30 Mars 2023 à 12h00.

APPELANT

Monsieur X se disant [R] [C] [W]

né le 20 Août 1984 à [Localité 1]

de nationalité marocaine

comparant en personne, assisté de Me Alexandra BEAUX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, commis d’office, et de M. [Y] [O] (Interprète en langue arabe) en vertu d’un pouvoir général inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

INTIME

Monsieur le préfet des BOUCHES DU RHÔNE

Représenté par Monsieur [B] [T]

MINISTÈRE PUBLIC :

Avisé et non représenté

DEBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 31 Mars 2023 devant Madame Catherine LEROI, Conseiller à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistéee de Mme Pauline BILLO-BONIFAY, Greffier placé,

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023 à 15 H 40,

Signée par Madame Catherine LEROI, Conseiller et Mme Pauline BILLO-BONIFAY, Greffier placé,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 31 décembre 2022 par le préfet de la Gironde, notifié le même jour ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 27 mars 2023 par le préfet des Bouches du Rhône notifiée le même jour à 17h12 ;

Vu l’ordonnance du 30 mars 2023 rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE décidant le maintien de Monsieur [C] [W] X se disant [R] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

Vu l’appel interjeté le 30 mars 2023 par Monsieur [C] [W] X se disant [R] ;

Monsieur [C] [W] X se disant [R] a comparu et a été entendu en ses explications; il déclare : ‘[R] est mon vrai prénom, je suis né à [Localité 4] au Maroc. Ah ouais, ouais à [Localité 1]. Je n’ai pas de domicile. Je n’ai pas de passeport’.

Son avocat a été régulièrement entendu ; se référant à l’acte d’appel , il soulève différentes exceptions de nullité de procédure portant sur :

– l’absence de preuve de l’habilitation de l’agent de police judiciaire ayant procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées,

– l’absence d’habilitation de l’OPJ ayant procédé à la consultation des fichiers FAED et EURODAC

et sollicite en conséquence la mise en liberté de M. [C] [W] X se disant [R].

Le représentant de la préfecture sollicite la confirmation de la décision déférée, l’habilitation de l’agent ayant consulté le FPR étant indiquée au procès-verbal et l’article 15-5 du code de procédure pénale disposant que l’absence de mention de l’habilitation dans le procès-verbal n’emporte pas à elle seule nullité de la procédure. Il ajoute que M. [G] ayant consulté le FAED et EURODAC est OPJ et nécessairement habilité de ce fait.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention n’est pas contestée.

Sur l’absence d’habilitation de l’agent ayant consulté le FPR :

Aux termes de l’article 5 du décret n° 2017-1219 du 28 mai 2010, peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et informations enregistrées dans le fichier des personnes recherchées, … les agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités….

Il ressort de la procédure et notamment du procès-verbal en date du 27 mars 2023 à 9h25 qu’à la suite du contrôle de [C] [W] X se disant [R] en gare [3] à [Localité 2] en application des dispositions de l’article 78-2 al 9 du code de procédure pénale, il a été procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées (FPR) par M. [I] [M], agent de police judiciaire expressément habilité à cette fin. La mention de cette habilitation au procès-verbal fait foi jusqu’à preuve contraire laquelle n’est pas rapportée.

Ce moyen sera en conséquence rejeté.

Sur l’absence d’habilitation de l’agent ayant consulté le fichier FAED :

Le dossier de la procédure comprend une copie de la consultation des fichiers FAED et SNBA faite le 27 mars 2023 et annexée par M. [G], OPJ à l’USG 13 de la direction départementale de la police aux frontières de [Localité 2]. Toutefois aucun procès-verbal n’a été établi permettant d’établir l’identité de la personne ayant procédé à cette consultation le 27 mars 2023.

L’article 8 du décret en date du 8 avril 1987 relatif au FAED dispose que :

Les fonctionnaires et militaires individuellement désignés et habilités des services d’identité judiciaire de la police nationale, du service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale ainsi que des unités de recherches de la gendarmerie nationale peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et aux informations contenues dans le traitement :

1° Pour procéder aux opérations d’identification à la demande de l’autorité judiciaire, des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, ou des agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en vertu des dispositions de l’article 28-1 du code de procédure pénale ;

2° Pour procéder aux opérations d’identification à la demande de l’autorité judiciaire, des fonctionnaires de la police ou des militaires de la gendarmerie dans le cadre des recherches aux fins d’identification des personnes décédées prévues aux articles L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales et 87 du code civil et du décret n° 2012-125 du 30 janvier 2012 relatif à la procédure extrajudiciaire d’identification des personnes décédées ;

3° Pour procéder aux opérations d’identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions des articles L. 611-1-1 , L. 611-3 et L. 611-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

4° Pour procéder aux opérations d’identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions de l’article 78-3 du code de procédure pénale.

Le fichier FAED, fichier automatisé des empreintes digitales, a été créé par le décret n°o 87-249 du 8 avril 1987. Il est également utilisé pour vérifier l’identité des personnes retenues en application de l’article 78-3 du code de procédure pénale ou dans les conditions de l’article L. 142-2 du CESEDA. Plus précisément, il permet d’identifier les personnes par comparaison biométrique des traces et empreintes relevées sur les lieux de commission d’infractions et de s’assurer de la véritable identité des personnes mises en cause dans une procédure pénale ou condamnées à une peine privative de liberté. L’enregistrement de traces d’empreintes digitales ou palmaires donne lieu à l’établissement d’une fiche alphabétique qui comporte notamment l’identification de la personne, la nature de l’affaire et la référence de la procédure, l’origine de l’information et les clichés anthropométriques dans le cas d’empreintes. Toutes les informations peuvent être conservées pendant 25 ans. L’accès au FAED est prévu par le décret en date du 8 avril 1987.

La CEDH juge ‘que la conservation, dans un fichier des autorités nationales, des empreintes digitales d’un individu identifié ou identifiable constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée’ (M. K. c. France du 18 avril 2013, requête no 19522/09, point 29 ‘ S. et Marper c/ Royaume-Uni, § 86) et d’autre part, que la législation interne doit donc ménager des garanties appropriées pour empêcher toute utilisation de données à caractère personnel qui ne serait pas conforme aux garanties prévues dans l’article 8 CEDH (S. et Marper, précité, § 103, Gardel c/ France, requête no 16428/05, § 62 ; Bouchacourt c/ France, requête no 5335/06, § 61).

Au regard de l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent, au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d’un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l’habilitation des agents à les consulter est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles.

Par arrêt en date du 14 octobre 2021, la première chambre civile de la Cour de Cassation a jugé que, s’il ne résulte pas des pièces du dossier que l’agent ayant consulté les fichiers d’empreintes était expressément habilité à cet effet, la procédure se trouve entachée d’une nullité d’ordre public, sans que l’étranger qui l’invoque, ait à démontrer l’existence d’une atteinte portée à ses intérêts.

En l’occurrence, aucune des pièces du dossier ne permet de connaître l’auteur de la consultation du fichier FAED ni de vérifier que ce dernier était spécialement habilité à cette fin.

Si aux termes de l’article 15-5 du code de procédure pénale, l’absence de la mention de l’habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation des fichiers n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure, il n’en demeure pas moins que le juge doit être mis en mesure de vérifier d’office ou à la demande de la personne interessée, la réalité de l’habilitation spéciale et individuelle de l’agent ayant procédé à cette consultation.

En l’occurrence, une telle habilitation ne résulte pas des pièces du dossier soumis à l’appréciation de la juridiction.

Il convient dès lors de déclarer la procédure irrégulière et d’ordonner la mainlevée de la rétention de M. [C] [W] X se disant [R] .

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Infirmons l’ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 30 Mars 2023 et statuant à nouveau,

ORDONNONS la mainlevée de la rétention de M. [C] [W] X se disant [R] ;

LUI RAPPELONS son obligation de quitter le territoire et que le fait de se maintenir irrégulièrement sur le territoire français sans motif légitime, après avoir fait l’objet d’une mesure régulière de placement en rétention ou d’assignation à résidence ayant pris fin sans qu’il ait pu être procédé à son éloignement, est passible , suivant L.824-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, d’une peine d’un an d’emprisonnement et 3.750 € d’amende.

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier, La présidente,

 

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