4 avril 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
22/03106

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 04 AVRIL 2023

N° RG 22/03106 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MYYF

[W] [A] [D]

c/

[E] [F] [M]

Nature de la décision : AVANT-DIRE DROIT

MEDIATION (renvoi au 05/09/2023)

2A5

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 juin 2022 par le Juge aux affaires familiales de BORDEAUX (RG n° 22/04486) suivant déclaration d’appel du 28 juin 2022

APPELANT :

[W] [A] [D]

né le 22 Avril 1977 à [Localité 8] (EMIRATS ARABES UNIS

de nationalité Omanaise

demeurant Chez Me Fatima GAJJA-BENFEDDOUL – [Adresse 6]

Représenté par Me Fatima GAJJA-BENFEDDOUL de la SELARL AQUITALEX, avocat au barreau de BERGERAC

INTIMÉE :

[E] [F] [M]

née le 21 Janvier 1986 à [Localité 11]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Laura BESSAIAH, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 mars 2023 hors la présence du public, devant la Cour composée de :

Président : Hélène MORNET

Conseiller: Danièle PUYDEBAT

Conseiller : Isabelle DELAQUYS

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique DUPHIL

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 al. 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Le 22 décembre 2013, M. [W] [D], de nationalité omanaise, et Mme [E] [M], de nationalité française, se sont mariés à [Localité 16].

Ce mariage n’a pas été retranscrit sur les registres de l’Etat civil français.

De cette union est issu un enfant, [T], né le 14 août 2016 à Dubai (Emirats Arabes Unis).

Venue en France avec l’enfant commun pour des vacances en juillet 2019, Mme [M] n’est jamais revenue sur le territoire d'[Localité 16]. Elle va s’installer dans un premier temps dans le département de [Localité 14].

M. [D] a déposé plainte pour soustraction de mineur par ascendant ainsi que pour faux et usage, la mère ayant inscrit l’enfant à l’école de [Localité 10] en imitant la signature du père.

Mme [M] va bénéficier d’une relaxe par le tribunal correctionnel de Bergerac le 12 avril 2022. M. [D] va venir s’installer sur le territoire français.

Par requête déposée le 31 octobre 2019, Mme [M] a déposé une demande en divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bergerac.

Par ordonnance du 5 mars 2020, le juge saisi à déclaré cette demande en divorce irrecevable du fait de l’absence de transcription du mariage des époux sur les actes d’État civil français de la demanderesse.

Mme [M] a interjeté appel de cette ordonnance dans toutes ses dispositions.

Par arrêt du 17 novembre 2020, la cour d’appel de Bordeaux a confirmé l’ordonnance rendue le 5 mars 2020.

Sur requête déposée par Mme [M] le 2 septembre 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux, par jugement en date du 29 avril 2021, s’agissant des modalités d’exercice de l’autorité parentale sur l’enfant commun, a :

– dit conjoint l’exercice de l’autorité parentale,

– fixé à titre provisoire, en application de l’article 373-2-9 alinéa 2 du code civil, et pour une durée de six mois, une résidence alternée de l’enfant au domicile de chacun des parents, du vendredi au vendredi de la semaine suivante et pendant la moitié des vacances scolaires, la première moitié les années impaires et la deuxième moitié les années paires chez le père et inversement chez la mère, les parties étant renvoyées à l’audience du 9 novembre 2021 pour qu’il soit statué sur la résidence de l’enfant ;

– fixé une contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant à la charge du père à hauteur de 1000 euros mensuel avec partage des frais scolaires, extrascolaires, de cantine et des frais médicaux non remboursés.

Par décision du 4 novembre 2020, le juge des enfants du tribunal judiciaire de Bordeaux, saisi par le conseil de M. [D], a ordonné une mesure d’investigation éducative confiée à l’OREAG qui a déposé son rapport le 28 mai 2021.

Par jugement du 22 juin 2021, le juge des enfants a ordonné une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert à l’égard de [T] [D] pour une durée de deux ans, soit jusqu’au 30 juin 2023.

Par jugement en date du 22 février 2022, le juge aux affaires familiales de Bordeaux a :

– maintenu le principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale et la résidence habituelle de l’enfant alternativement au domicile de chacun des parents selon les modalités fixées par le jugement du 29 avril 2021,

– rejeté la demande faite par la mère d’interdire la sortie de l’enfant du territoire français sans l’autorisation des deux parents et a maintenu sur tous les autres points les dispositions du jugement du 29 avril 2021,

– maintenu la contribution du père à l’entretien de l’enfant à 1000 euros par mois.

Par assignation à bref délai délivrée le 15 juin 2022, Mme [M] a saisi le juge aux affaires familiales aux fins de modification des modalités de l’autorité parentale, M. [D] étant parti à [Localité 16] avec l’enfant lors des vacances d’avril sans en être revenu depuis.

Elle a déposé plainte pour soustraction d’enfant et violence sur mineur. Une instruction est en cours au tribunal judiciaire de Bordeaux.

Par jugement contradictoire rendu en date du 28 juin 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux a pour l’essentiel :

– dit le juge français compétent et la loi française applicable au litige,

– rejeté la demande de sursis à statuer de M. [D],

– attribué à la Mme [M] l’exercice exclusif de l’autorité parentale sur l’enfant [T],

– fixé la résidence habituelle de l’enfant mineur chez la mère,

– dit que le droit de visite du père sur [T] s’exercera à compter de la première visite au Point rencontre [17], [Adresse 5], sans possibilité de sortir,

*les premier et troisième, samedis de chaque mois, de 15 heures à 17 heures en période scolaire,

*une fois par mois pendant les vacances scolaires d’été,

– dit qu’à l’issue d’un délai de 6 mois, la partie la plus diligente pourra nous saisir pour voir réviser le droit de visite,

– dit que M. [D] pourra appeler [T] trois fois par semaine en visio les lundis, mercredis et vendredis à 18 heures (heure française),

– fixé la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant que le père devra verser à la mère à la somme de 1 500 euros à compter de la décision, et en tant que de besoin, le condamne au paiement de cette somme, suivant indexation,

– ordonné l’interdiction de sortie du territoire français de l’enfant sans l’autorisation des deux parents et dit que la présente décision sera transmise au Procureur de la République pour inscription au fichier des personnes recherchées,

– condamné M. [D] à verser une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– rejeté toute autre demande,

– condamné M. [D] aux dépens,

– transmis copie de la décision au juge des enfants en charge de la mesure d’assistance éducative.

Procédure d’appel :

Par déclaration au greffe en date du 28 juin 2022, M. [D] a interjeté appel du jugement dans son intégralité.

Par message RPVA du 29 août 2022, Mme [M] a saisi la première présidente de la Cour d’appel de Bordeaux aux fins de solliciter la radiation de l’affaire faute d’exécution par M. [D], sur le fondement de l’article 254 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue en date du 08 décembre 2022, la première présidente de la Cour d’appel de Bordeaux a débouté Mme [M] de sa demande considérant que cette radiation constituerait une entrave disproportionnée au droit de l’appelant de faire valoir ses moyens à l’appui de son recours.

Selon dernières conclusions au fond en date du 20 février 2023, M. [D] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le juge aux affaires familiales de Bordeaux le 28 juin 2022 dans son intégralité,

en conséquence, statuant à nouveau,

– débouter Mme [M] de l’intégralité de ses demandes,

– dire que le juge aux affaires familiales français est incompétent,

– ordonner le sursis à statuer dans l’attente de la décision du juge aux affaires familiales omanais,

– dire que l’autorité parentale sur [T] est exercée conjointement par les deux parents,

– fixer la résidence habituelle de [T] au domicile paternel à [Localité 16],

– fixer un droit de visite et d’hébergement au profit de Mme [M] l’intégralité des vacances scolaires, étant précisé que M. [D] prendra en charge les frais de trajets de [T],

– supprimer la pension alimentaire au titre de la contribution à l’entretien et à l’éducation de [T] à la charge du père à la somme de 1.000 euros par mois, telle que fixée par le jugement du juge aux affaires familiales de Bordeaux du 29 avril 2021,

– ordonner l’autorisation de sortie du territoire français de [T] sans l’autorisation des deux parents,

– condamner Mme [M] à verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Selon dernières conclusions au fond en date du 21 février 2023, Mme [M] demande à la cour de :

– dire que les pièces visées n° 13 et 14 ne correspondent nullement au paiement de la pension alimentaire et frais de scolarité,

par conséquent,

– avant dire droit, retirer des débats les pièces visées n° 13 et 14,

en tout état de cause,

– confirmer dans toutes ses dispositions les termes du jugement rendu le 28 juin 2022,

– débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– condamner M. [D] au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2023.

L’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience collégiale du 07 mars 2023.

MOTIVATION

Sur la demande de rejet des pièces 13 et 14 de l’appelant

C’est vainement que l’intimée entend voir écarter des débats ces pièces dès lors qu’elle ne fonde pas juridiquement cette demande de rejet et qu’elle ne caractérise pas en quoi celles-ci seraient contraires aux règles de preuve. Il semble en réalité qu’elle en conteste la pertinence ou le caractère probant qui est seulement soumis à l’appréciation souveraine du juge.

Cette demande sera rejetée.

Sur la compétence du juge français et la loi applicable

Se fondant sur les dispositions de l’article 1070 du code de procédure civile et le règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 dit Bruxelles II bis, l’appelant soutient que le juge français est incompétent pour connaître du litige car au jour de la saisine du juge aux affaires familiales la résidence de l’enfant était à [Localité 16], où il est né, où il réside actuellement avec son père qui entend y demeurer. Il rappelle que la venue en France de l’enfant commun s’est faite en fraude de ses droits de père de sorte que Mme [M] ne saurait se prévaloir de la résidence de l’enfant en France pour voir confirmer la décision qui a dit le juge français compétent et la loi française applicable.

C’est à bon droit que le juge aux affaires familiales a dit le juge français compétent et la loi française applicable au litige.

En effet, en matière de responsabilité parentale, le Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000, prévoit en son article 8 que :

‘Les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.’

Lorsque le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux a été saisi, il est constant que [T] résidait en France depuis le mois de juillet 2019. Même si M. [D] peut dire qu’il s’y est trouvé en fraude de ses droits de père suite à son départ sans retour avec sa mère, il n’a pas pour autant contesté la compétence du juge français lorsque celui-ci a statué le 29 avril 2021 puis le 22 février 2022 sur la résidence alternée de l’enfant. Il avait alors à l’époque exprimé sa volonté de s’installer en France pour être au plus près de son fils. [T] est en France depuis 2019, il avait alors trois ans. Il en a six aujourd’hui. Avant son départ pour [Localité 16] au mois d’avril 2022, il vivait alternativement chez son père et sa mère qui tous deux avaient leur domicile d’abord en [Localité 14] puis en [Localité 13]. Il était inscrit au sein de [15] où il continuait la pratique de la langue anglaise, parlée par ses deux parents et avait de bons résultats. Il avait des activités extra scolaires et donc une vie sociale établie. Il bénéficiait d’une mesure d’assistance éducative depuis le mois de juin 2021, ordonnée pour deux ans. En considération de ces éléments il doit donc être affirmé que sa résidence habituelle était au sens du règlement Bruxelles II bis en France.

Le juge aux affaires familiales a donc pu à bon droit retenir sa compétence en application de l’article 8 rappelé. Il a également pu affirmer applicable la loi française au visa de l’article 15 de la convention de la Haye du 19 octobre 1996 qui pose en principe que le juge compétent pour statuer sur la responsabilité parentale applique sa loi.

S’agissant de la contribution alimentaire, il s’est à bon droit, sans l’expliciter, reconnu également compétent et a appliqué la loi française.

L’article 3 du Règlement (CE) 4/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires dispose que :

«Sont compétentes pour statuer en matière d’obligations alimentaires dans les États membres :

a) la juridiction du lieu où le défendeur a sa résidence habituelle, ou

b) la juridiction du lieu où le créancier a sa résidence habituelle, ou

c) la juridiction qui est compétente selon la loi du for pour connaître d’une action relative à l’état des personnes lorsque la demande relative à une obligation alimentaire est accessoire à cette action, sauf si cette compétence est fondée uniquement sur la nationalité d’une des parties, ou

d) la juridiction qui est compétente selon la loi du for pour connaître d’une action relative à la responsabilité parentale lorsque la demande relative à une obligation alimentaire est accessoire à cette action, sauf si cette compétence est fondée uniquement sur la nationalité d’une des parties.

La demande de contribution alimentaire étant accessoire à la question relative à l’autorité parentale, le juge français est compétent.

C’est à bon droit également que le juge saisi a appliqué la loi française dès lors qu’aux termes de l’article 15 du Règlement (CE) du Conseil n° 4/2009 du18 décembre 2008, la loi applicable en matières d’obligations alimentaires est déterminée conformément au Protocole de La Haye du 23 novembre 2007 pour les Etats membres liés par cet instrument et qu’aux termes de l’article 3 du Protocole, sauf disposition contraire du Protocole, la loi de l’État de la résidence habituelle du créancier régit les obligations alimentaires ; en cas de changement de la résidence habituelle du créancier, la loi de l’État de la nouvelle résidence habituelle s’applique à partir du moment où le changement est survenu.

En l’espèce, la loi française est applicable à la demande de contribution à l’éducation et l’entretien [T] réclamée par sa mère qui a sa résidence habituelle en France.

La décision est confirmée.

Sur le demande de sursis à statuer

M. [D] soutient que s’il n’a pu rentrer en France avec l’enfant c’est pour s’être heurté à des difficultés d’ordre administratif et judiciaire, à savoir la non obtention d’un visa pour le retour et une interdiction de quitter le territoire pour [T] qui aurait été prise par une juridiction omanaise le 26 septembre 2019 suite à ce qu’il qualifie de ‘disparition’ de l’enfant à l’automne 2016.

Dans son dispositif il demande qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de la décision du juge aux affaires familiales omanais. Dans le corps de ses conclusions toutefois il demande qu’il soit sursis à statuer ‘dans l’attente du règlement de toutes les procédures que Mme [M] a engagées afin que le père ne voit plus son fils’.

C’est par des motifs que la cour adopte que le premier juge a rejeté cette demande en soulignant d’une part que M. [D] ne justifie pas de la saisine du juge omanais pour voir lever cette interdiction et que d’autre part l’eut il fait, il est impossible de surseoir une décision à un événement dont la date n’est ni connue ni prévisible.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les modalités relatives à l’autorité parentale sur l’enfant [T]

Les conditions d’arrivée de [T] en France en 2019 restent troubles. Même si l’intimée a pu affirmer qu’elle avait fui [Localité 16] car elle y subissait des violences mais qu’elle n’a jamais cherché à soustraire l’enfant commun à l’autorité parentale de son père qui n’ignorait rien de sa venue en France, il ressort des dires des parties et notamment des conclusions de l’appelant, non démenties sur ce point par Mme [M], que M. [D] n’a été en réalité informé de la situation réelle de la mère et de son fils en France que par un message SMS début septembre 2019 par lequel celle-ci lui indiquait à la fois sa non intention de revenir à [Localité 16] et sa volonté de divorcer. Des investigations éducatives effectuées il ressort qu’il sera également informé de ce choix par la grand mère maternelle, Mme [C] qui l’a alerté sur les desseins de sa propre fille afin qu’il vienne chercher son fils, au motif qu’elle ne supportait pas ‘l’injustice subie par son gendre’. Depuis mère et fille sont en rupture de liens.

Les conditions de départ de [T] à [Localité 16] avec son père au mois d’avril 2022 et son maintien depuis lors font tout aussi question, tant sur la possibilité pour l’enfant de quitter le territoire national alors qu’il n’avait semble t il pas de documents d’identité, ceux ci ayant été placés sous scellé judiciaire dans le cadre d’une procédure pénale et non restitués, que sur l’impossibilité de son retour qui serait suspendu à une décision administrative de son pays d’origine.

De manière qui interpelle tout autant, M. [D] produit en cause d’appel un jugement rendu le 4 décembre 2022 émanant du tribunal de première instance de As Sib, Sultanat d’Oman (pièce 33, jugement traduit en français), par lequel, considérant être compétent pour statuer malgré l’existence d’une décision antérieure rendue par la juridiction française, au motif de la survenance d’un fait nouveau, la juridiction omanaise prive du ‘droit de garde’ (sic) que Mme [M] a sur l’enfant et le confie au père. Pour autant, dans ses écritures et son dispositif, l’appelant ne se prévaut pas de cette décision, dont il n’a pas demandé l’exequatur. La cour n’est d’ailleurs saisie d’aucune demande liée à cette litispendance. La saisine de la justice omanaise en juin 2022 alors que le juge français avait statué sur la résidence de l’enfant en février, est de nature à remettre en cause la volonté affirmée du père de revenir en France.

Ce qui est certain est que cet enfant est en l’état l’objet d’un conflit entre deux parents qui ont pu se servir des frontières comme moyen de pression sur l’autre, et ce alors même que chacun s’attachent par la production de nombreuses attestations à affirmer qu’ils sont de bons parents. Si leur capacité éducative et les conditions d’accueil qu’ils peuvent réserver à leur enfant n’ont pas été remises en cause par les investigations ordonnées par le juge des enfants, leur faculté à reconnaître la place de l’autre parent et à épargner leur enfant de leur opposition a sans conteste été mise à mal.

La multiplicité des procédures concernant leur litige devant des juridictions civiles et pénales démontre leur impossibilité de régler leur conflit qui relève d’une prise en charge plus large que le traitement de leurs actions successives.

Dans ce contexte, l’intérêt supérieur de l’enfant, dont le développement ne peut qu’être affecté par le conflit parental, commande d’inviter les parties à renouer un dialogue afin de sortir de leur posture visant à imposer à l’autre une situation de fait, au risque de se retrouver dans une impasse. Les parties vivent une séparation conflictuelle, rendue d’autant plus difficile que chacun a pu se servir des éléments d’extranéité caractérisant la situation familiale pour privilégier sa position de parent, ce qui ne peut qu’engendrer des conséquences très lourdes sur les plans humain, psychologique, financier, notamment pour leur enfant. La menace de procédures pénales dont chacun peut faire l’objet dans les pays respectifs constitue une vraie menace de rupture de l’enfant avec le parent éloigné.

Pour autant chacun s’accorde à affirmer dans ses conclusions que leur fils a besoin de ses deux parents. Il est donc nécessaire de les aider à réinvestir leur rôle de parents et à apaiser leurs différends par un échange médiatisé qui doit leur permettre de trouver une issue au litige dans le respect des droits de chacun.

L’article 373-2-10 du Code civil dispose qu’à l’effet de faciliter la recherche par les parents d’un exercice consensuel de l’autorité parentale, le juge peut leur proposer une mesure de médiation. Il peut à cet effet provoquer une rencontre avec un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de cette mesure. Il convient donc dans le contexte du litige soumis à la cour, d’enjoindre les parties, avant toute décision au fond, de rencontrer un tel professionnel de la médiation. Cette injonction s’impose aux parties et la cour tirera toute conséquence de leur engagement ou non à ce processus amiable de règlement de leur litige.

Dans l’attente, il sera sursis à statuer sur les demandes exprimées, les dispositions prises par le premier juge étant maintenues.

Les frais et dépens sont réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour ;

Dit n’y avoir lieu à rejeter les pièces n°13 et 14 de l’appelant ;

Confirme le jugement rendu le 28 juin 2022 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu’il a dit le juge français compétent et la loi française applicable au litige ;

Le confirme également en ce qu’il a rejeté la demande de sursis à statuer présentée par M. [D] ;

Avant dire droit sur les dispositions relatives à l’enfant,

Vu l’article 22-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 modifiée, les articles 21, 131-1 et suivants du code de procédure civile,

Vu l’article 255 2 de code civil,

Vu l’article 373-2-10 du code de procédure civile,

Fait Injonction aux parties de rencontrer :

Maitre [G] [O]

[Adresse 7]

tel. [XXXXXXXX02] – [Courriel 12]

et

Maître [I] [R]

[Adresse 3],

[Adresse 3]

Tel: [XXXXXXXX01]

[Courriel 9] – [018]

médiatrices, toutes deux membres de la Chambre nationale des praticiens de la médiation, association inscrite sur la liste des médiateurs près la cour d’appel de Bordeaux, qui les informeront sur l’objet, le déroulement, l’issue et le coût d’une mesure de médiation, ordonnée dans les conditions prévues par les articles 131-1 et suivants du code de procédure civile ;

Les conseils devront indiquer aux médiatrices désignées les coordonnées téléphoniques et électroniques auxquelles eux-même et les parties pourront être contactées ;

En cas de décision des parties de recourir à une médiation familiale, les conseils des parties en informeront le greffe dans les meilleurs délais ;

Maintient dans l’attente, les dispositions relatives à l’autorité parentale et l’obligation alimentaire ;

Renvoie l’affaire à l’audience du 5 septembre 2023 – 09h00 ;

Réserve les frais et dépens.

Signé par Hélène MORNET, Présidente de la chambre et par Véronique DUPHIL, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 

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