19 mai 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
23/00535

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 2023/538

N° RG 23/00535 – N° Portalis DBVI-V-B7H-POMM

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 19 mai à 16h30

Nous E. VET Conseiller, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 7 DECEMBRE 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 18 Mai 2023 à 20H57 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse statuant sur la régularité du placement en rétention et ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de

[O] [K]

né le 02 Septembre 2002 à ALGERIE

de nationalité Algérienne

Vu l’appel formé le 18/05/2023 à 22 h 27 par courriel, par Me Florence GRAND, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l’audience publique du 19 mai 2023 à 14h30, assisté de P. GORDON, adjoint administratif faisant fonction de greffier, avons entendu :

[O] [K]

assisté de Me Florence GRAND, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [U] [Y], interprète, qui a prêté serment,

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de M. [T] représentant la PREFECTURE DE L’HERAULT ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

M. [O] [K], de nationalité algérienne, a fait l’objet le 27 janvier 2023 d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire émanant de la préfecture de Haute-Savoie.

Par décision du 16 mai 2023, il a fait l’objet d’un placement en rétention administrative par la préfecture de l’Hérault.

Par requête du 17 mai 2023, le préfet de l’Hérault a sollicité la prolongation de la rétention de M. [K] pour une durée de 28 jours.

Par requête du même jour, M. [K] a contesté la régularité de la décision de placement en rétention administrative.

Aux termes d’une ordonnance prononcée le 18 mai 2023 à 20h57, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse a ordonné la jonction des deux requêtes, déclaré la procédure régulière et ordonné la prolongation de la mesure de rétention pour une durée de 28 jours.

M. [K] a interjeté appel de cette décision par courrier de son conseil adressé par voie électronique au greffe de la cour, le 18 mai 2023 à 22h27.

À l’appui de sa demande en constat de l’irrégularité de la procédure et de demande de remise en liberté il soutient que :

‘ son placement en garde à vue est irrégulier au visa de l’article 62-2 du code de procédure pénale et a été détourné dans le seul but de permettre la vérification de son identité et de sa situation administrative,

‘ l’insuffisance de motivation de la décision de placement en rétention au regard de son état de vulnérabilité et de sa situation personnelle.

M. [K] a déclaré à l’audience que s’il était libéré il partirait en Espagne.

Le préfet de l’Hérault, représenté, a sollicité la confirmation de la décision déférée.

Le ministère public, avisé de la date d’audience, est absent et n’a pas formulé d’observations.

MOTIFS:

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel est recevable pour avoir été interjeté dans les formes et les délais légaux.

Sur la procédure :

En l’espèce, les services de police de [Localité 1] ont été alertés de l’introduction dans les locaux de l’entreprise Sanofi d’une personne qui était interpellée et ne pouvait justifier de son identité. La consultation du fichier des personnes recherchées révélait qu’il faisait l’objet d’une obligation de quitter le territoire non respectée ce qui enclenchait l’engagement d’une procédure de flagrant délit.

L’article L 824-9 du CESEDA dispose : « Est puni de trois ans d’emprisonnement le fait, pour un étranger, de se soustraire ou de tenter de se soustraire à l’exécution d’une interdiction administrative du territoire français, d’une obligation de quitter le territoire français ou d’une décision d’expulsion.

Cette peine est également applicable en cas de refus, par un étranger, de se soumettre aux modalités de transport qui lui sont désignées pour l’exécution d’office de la mesure dont il fait l’objet.

Cette peine est également applicable en cas de refus, par un étranger, de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l’exécution d’office de la mesure dont il fait l’objet.

L’étranger condamné en application du présent article encourt la peine complémentaire de dix ans d’interdiction du territoire français. ».

Il résulte des pièces de la procédure que M. [K] s’est vu notifier le 27 janvier 2023 un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pour une durée de deux ans.

M. [K] a été placé en garde à vue le 16 mai à 3h57 du matin.

Or, en vertu de l’article 62-2 du code de procédure pénale, la garde à vue ne peut être décidée qu’à l’égard d’une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.

En l’espèce, il résulte du procès-verbal d’interpellation que lorsqu’il a été contrôlé alors qu’il se trouvait dans les locaux de l’entreprise Sanofi, les services de police ont constaté que M. [K] faisait l’objet d’une fiche de recherche toujours active en raison de l’existence d’une obligation de quitter le territoire français.

Dès lors, il existait bien au moment de ce contrôle des raisons plausibles de soupçonner, au sens de l’article 62-2 du code de procédure pénale, que l’intéressé avait commis le délit prévu à l’article L 824-9 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Cependant, d’une part l’infraction de maintien irrégulier sur le territoire français n’est susceptible d’être constituée que dans le cas où l’étranger a, au préalable, fait l’objet d’une mesure régulière de placement en rétention ou d’assignation à résidence ayant pris fin sans qu’il ait pu être procédé à son éloignement, d’autre part, le délit de soustraction à une mesure d’éloignement vise les situations dans lesquelles, l’administration ayant mis effectivement en ‘uvre les voies d’exécution dont elle dispose, l’étranger s’oppose à l’exécution de cette mesure.

En l’espèce, les services de police ont contacté la préfecture le 16 mai 2023 à 9 heures et à ce moment il pouvait dès lors leur être rapidement répondu que l’intéressé n’avait pas fait l’objet d’une mesure de placement en rétention ou d’assignation à résidence et ne relevait donc pas des dispositions pouvant justifier le placement en garde à vue. Pourtant, cette mesure n’a été levée qu’à 16h25.

Il convient d’en déduire que le placement en garde à vue du retenu du chef de soustraction à une obligation de quitter le territoire français a été prolongé de manière irrégulière.

En conséquence, la procédure préalable étant entachée d’irrégularité la mesure de placement en rétention administrative qui l’a suivie n’a pas été valablement décidée. Il convient donc d’infirmer la décision déférée et de mettre fin à la rétention de l’intéressé.

PAR CES MOTIFS

Statuant, au terme de débats tenus publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties ;

REÇOIT l’appel ;

INFIRME l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de TOULOUSE le 18 mai 2023,

ORDONNE la mainlevée de la mesure de maintien en rétention sans délai de M. [O] [K],

RAPPELLE à M. [O] [K] qu’il a l’obligation de quitter le territoire francais,

DIT que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE de l’Hérault, service des étrangers, à M. [O] [K], ainsi qu’à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

P. GORDON E. VET Conseiller

.

 

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