22 août 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
23/00885

Ordonnance N°23/823

N° RG 23/00885 – N° Portalis DBVH-V-B7H-I5T2

J.L.D. NIMES

18 août 2023

[K]

C/

LE PREFET DE LA GIRONDE

COUR D’APPEL DE NÎMES

Cabinet du Premier Président

Ordonnance du 22 AOUT 2023

Nous, Mme Laure MALLET, Conseillère à la Cour d’Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d’Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l’Asile (CESEDA), assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,

Vu l’arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire national en date du 4 décembre 2022 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 15 août 2023, notifiée le même jour à 10h30 concernant :

M. [Y] [K]

né le 11 Février 1986 à [Localité 4]

de nationalité Arménienne

Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 17 août 2023 à 09h42, enregistrée sous le N°RG 23/04059 présentée par M. le Préfet de la Gironde ;

Vu l’ordonnance rendue le 18 Août 2023 à 11h11 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :

* Déclaré la requête recevable ;

* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;

* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, de M. [Y] [K];

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l’expiration d’un délai de 28 jours à compter du 17 août 2023 à 10h30,

Vu l’appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [Y] [K] le 21 Août 2023 à 10h29 ;

Vu l’absence du Ministère Public près la Cour d’appel de NIMES régulièrement avisé ;

Vu la présence de Monsieur [H] [F], représentant le Préfet de la Gironde, agissant au nom de l’Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d’Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;

Vu l’assistance de Madame [X] [G] interprète en langue géorgienne ayant préalablement prêté serment, conformément à la loi ;

Vu la comparution de Monsieur [Y] [K], régulièrement convoqué ;

Vu la présence de Me Raphaël BELAICHE, avocat de Monsieur [Y] [K] qui a été entendu en sa plaidoirie ;

MOTIFS

Monsieur [Y] [K] a reçu notification le 4 décembre 2022 d’un arrêté du Préfet de Gironde du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant deux ans.

Cette décision a été confirmée concernant l’obligation de quitter le territoire national par le tribunal administratif de Bordeaux le 12 décembre 2022.

Monsieur [Y] [K] a été interpelé le 14 aôut 2023 pour des faits de violences familiales.

Par arrêté de la même préfecture en date du 14 aout 2023 notifié le 15 aôut 2023 à 10 h 30, il a été placé en rétention administrative aux fins d’exécution de la mesure d’éloignement.

Par requête du 17 août 2023, le Préfet de Gironde a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d’une demande en prolongation de la mesure.

Par ordonnance prononcée et notifiée le 18 aôut à 11h 11, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [Y] [K] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.

Monsieur [Y] [K] a interjeté appel de cette ordonnance le 21 août 2023 à 10 h 29.

Sur l’audience, Monsieur [Y] [K] déclare que le tribunal administratif a confirmé l’obligation de quitter le territoire mais a annulé l’interdiction de retour.

Il affirme avoir un passeport que sa femmee a retrouvé et envoyé par la poste.Il souhaite rester en France et est conscient d’être en situation irrégulière mais il attendait que les enfants soient scolarisés pour effectuer les démarches de régularisation avec son avocat qu’il doit rencontrer en septembre.

Il explique que qu’il n’a pas respecté une précédente assignation à résidence en raison de l’épidémie du COVID.

Il ajoute avoir des contacts réguliers avec son épouse qui souhaite son retour pour subvenir au besoin de la famille, précisant travailler au noir.

Il confirme que son épouse est également en situation irrégulière.

Son avocat réitère les exceptions de nullité soutenues en première instance tenant au défaut de mention dans le procès-verbal d’interpelation de l’habilitation de l’agent de police pour consulter le fichier des personnes recherchées(FPR) et l’absence de réunion des conditions de la situation de flagrance justifiant le contrôle d’identité.

Il invoque la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l’absence de mention de l’habilitation se trouve entachée d’une nullité d’ordre public, sans que l’étranger qui l’invoque ait à démontrer l’existence d’une atteinte à ses droits.

Il fait valoir que le fichier des personnes recherchées contient des données nominatives entraînant une atteinte à la vie privée, le défaut d’habilitation pour leur consultation étant sanctionné de la même façon quelque soit le fichier, que la jurisprudence citée est dès lors applicable en l’espèce, peu importe qu’il ne s’agisse pas d’un fichier biométrique.

Sur le fond, il explique que l’interessé a un ancrage familial en France puisqu’il vit à [Localité 2] avec sa femme et ses deux enfants qui sont scolarisés et donc une possibilité de régularisation, qu’il existe au sein de la famille une solidarité autour des enfants, Monsieur [Y] [K] consacrant ses ressources financières à sa famille.

Il ajoute qu’un retour en Arménie briserait la famille.

Il sollicite en conséquence l’infirmation de l’ordonnance déférée et une assignation à résidence même si l’intéressé ne détient pas de passeport.

Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l’ordonnance dont appel.

Il réplique qu’il n’est pas constesté que la mention de l’habilitation ne figure pas au procès-verbal mais précise que le fichier FPR ne nécessite pas une prise d’empreintes et n’est donc pas attentatoire à la vie privée. Il explique qu’il s’agit uniquement pour l’agent de police à partir de l’identité donnée par la personne d’une consultation à distance.

Il ajoute que l’article 15 du code de procédure pénale ne sanctionne pas de nullité le défaut de mention de l’habilitation.

Concernant les conditions d’interpellation, il relate le déroulement des faits qui confirme que l’interessé venait d’attraper son épouse par le cou qui s’était alors munie d’un couteau justifiant la garde à vue, les policiers ayant dès lors des raisons de soupconner l’interessé d’avoir commis les faits et que lors de son audition Monsieur [Y] [K] a admis avoir attrapé sa femme par le thorax.

Sur le fond, il précise que l’intéressé est en situation irrégulière depuis longtemps et que les précédentes mesures d’éloignement ont toutes été confirmées par le tribunal administratif.Il rappelle que le retenu a fui sur [Localité 2] pour échapper à son éloignement et n’a pas respecté une précédente assignation à résidence.

Il ajoute que son épouse également en situation irrégulière a déclaré vouloir se séparer de Monsieur [Y] [K].

Enfin, il indique que dans le passé un laissez-passer avait été délivré et que la préfecture a renouvellé cette demande.

Il note que la cellule familiale pourra se reconstituer dans le pays d’origine.

SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL :

L’appel interjeté le 21 aôut 2023 à 10h 29 par monsieur [Y] [K] à l’encontre d’une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence le 18 août 2023 à 11 h 11, a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L552-9, R552-12 et R552-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Il est donc recevable.

SUR LES EXCEPTIONS DE NULLITÉ AU TITRE D’IRRÉGULARITÉS DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE A L’ARRÊTÉ :

L’article L552-13 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose: « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d’une demande d’annulation ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger »

Ainsi une irrégularité tirée de la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation de formalités substantielles ne peut conduire à une mainlevée de la rétention que si elle a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger.

Sur les conditions d’interpellation,

Monsieur [Y] [K] soutient que les faits décrits dans le procès verbal d’interpellation ne permettent pas d’établir une situation de flagrance justifiant son contrôle d’identité et son interpellation.

Cependant, comme l’a pertinement relevé le premier juge, il ressort du procès-verbal d’interpellation que les services de police ont été requis par l’épouse de l’interessé au domicile du couple pour des faits de violences intra familiales et qu’à leur arrivée la requérante a relaté une dispute au cours de laquelle il aurait porté une main à son coup pour l’empêcher de quitter le domicile, ce qui l’aurait amener à se saisir d’un couteau pour pouvoir quitter les lieux, rendant dès lors vraisemblables les raisons de soupconner l’interessé d’avoir commis ou tenté de commettre des faits de violences justifiant son contrôle d’identité au visa de l’article 782-2 du code de procédure pénale.

L’ordonnance déférée sera en conséquence confirmée de ce chef.

Sur la consultaion du fichier des personnes recherchées,

Selon l’article 5 du décret 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées (Modifié par Décret n°2017-1219 du 2 août 2017 – art. 6)

‘Peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et informations enregistrées dans le fichier des personnes recherchées, dans le cadre de leurs attributions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées :

1° Les agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités soit par les chefs des services territoriaux de la police nationale, soit par les chefs des services actifs à la préfecture de police ou, le cas échéant, par le préfet de police, soit par les chefs des services centraux de la police nationale ou, le cas échéant, par le directeur général dont ils relèvent.’

Le procès-verbal d’interpellation mentionne la consultation par l’agent de police du fichier FDR sans qu’il soit fait mention de son habilitation.

L’interessé soutient que s’il ne résulte pas des pièces du dossier que l’agent ayant consulté les fichiers était expressément habilité à cet effet la procédure se trouve entachée d’une nullité d’ordre public, sans que l’étranger qui l’invoque ait à démontrer l’existence d’une atteinte à ses droits.

Cependant les décisions de la Cour de Cassation invoquées par Monsieur [Y] [K] concernent que des fichiers biométriques ( FAED, VISABIO).

Le défaut d’habilitation de l’agent ayant consulté ce fichier à partir du nom donné par la personne concernée aux fonctionnaires de police, à le supposer établi, ne constitue pas une ingérence dans le droit au respect de la vie privée, aucune prise ou comparaison d’empreintes n’étant requise. Dès lors, en l’absence d’atteinte au droit au respect de la vie privée, l’étranger ne justifie d’aucun grief.

Il a par ailleurs lui même admis immédiatement être en situation irrégulière et avoir fait l’objet de plusieurs mesures d’éloignement.

L’ordonnance déférée sera également confirmée de ce chef.

SUR LE FOND :

L’article L511-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français et/ou d’une interdiction de retour sur le territoire français tandis que l’article L511-4 liste de manière limitative les situations dans lesquelles de telles mesures sont exclues.

L’article L554-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise qu’en tout état de cause « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration doit exercer toute diligence à cet effet.»

En l’espèce, Monsieur [Y] [K] est démuni de documents de voyage en cours de validité, il est sans ressources légales sur le territoire français et s’oppose à son éloignement n’ayant pas déféré aux mesures prises à son encontre les 14 avril 2021 et 4 décembre 2022.

Les autorités arméniennes ont été saisies pour obtenir un laissez-passer 15 août 2023.

Sur la demande d’assignation à résidence:

L’article L552-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose : « Le juge peut ordonner l’assignation à résidence de l’étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d’un récépissé valant justification de l’identité et sur lequel est portée la mention de la mesure d’éloignement en instance d’exécution ».

En l’espèce, il est constant que l’interessé n’est pas détenteur d’u passeport en original et en cours de validité.

Dès lors sa demande d’assignation à résidence sera rejetée, etant noté par ailleurs qu’il n’a pas respecté une précédente assignation à résidence.

SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [Y] [K] :

Monsieur [Y] [K], présent irrégulièrement en France depuis des années, est dépourvu de passeport et de pièces administratives en cours de validité.

Il ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d’aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays.

Il n’a fourni aucune preuve de démarches en cours pour régulariser sa situation.

Il a précédemment fait obstacle à deux mesures d’éloignement et n’a pas respecté l’assignation à résidence à laquelle il était astreint.

Il est l’objet d’une mesure d’éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.

Monsieur [Y] [K] déclare ne pas vouloir quitter la France et ne pas vouloir regagner son pays d’origine.

Il s’en déduit que le risque que Monsieur [Y] [K] se soustraie à l’obligation de quitter le territoire prise à son encontre est majeur et constant et que son maintien en rétention demeure justifié et nécessaire aux fins qu’il puisse être procédé effectivement à son éloignement.

Il convient par voie de conséquence de confirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,

Vu l’article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,

DÉCLARONS recevable l’appel interjeté par Monsieur [Y] [K] ;

CONFIRMONS l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

REJETONS la demande d’assignation à résidence ;

RAPPELONS que, conformément à l’article R.743-20 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].

Fait à la Cour d’Appel de NÎMES,

le 22 Août 2023 à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

‘ Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 3] à M. [Y] [K].

Le à H

Signature du retenu

Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :

– Monsieur [Y] [K], par le Directeur du centre de rétention de [Localité 3],

– Me Raphaël BELAICHE, avocat

(de permanence),

– M. Le Préfet de la Gironde

,

– M. Le Directeur du CRA de [Localité 3],

– Le Ministère Public près la Cour d’Appel de NIMES

– Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention,

 

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