15 septembre 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
23/00122

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

C O U R D ‘ A P P E L D E T O U L O U S E

DU 15 Septembre 2023

ORDONNANCE

N° 2023/124

N° RG 23/00122 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PVXC

Décision déférée du 05 Septembre 2023

– Juge des libertés et de la détention de TOULOUSE – 23/1485

APPELANT

Madame [P] [B] épouse [K]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Philippine RANCHER, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

HOPITAL DE PSYCHIATRIE DE [6]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Stéphane MONTAZEAU de la SELARL CABINET D’AVOCATS MONTAZEAU & CARA, avocat au barreau de TOULOUSE

TIERS

Madame [S] – [B]

[Adresse 3]

[Adresse 5]

[Localité 1]

régulièrement avisée non comparante

DÉBATS : A l’audience publique du 14 Septembre 2023 devant A. DUBOIS, assisté de K.MOKHTARI,

MINISTERE PUBLIC:

Auquel l’affaire a été communiquée, qui a fait connaître son avis écrit le 13/09/2023 qui a été joint au dossier.

Nous, A.DUBOIS, présidente de chambre déléguée par ordonnance de la première présidente en date du 17 JUILLET 2023, en présence de notre greffier et après avoir entendu les conseils des parties en leurs explications :

– avons mis l’affaire en délibéré au 15 Septembre 2023

– avons rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, l’ordonnance suivante :

Le 25 août 2023, Mme [P] [K] a été admise en soins psychiatriques sans consentement à la demande d’un tiers en urgence sur décision du directeur du centre hospitalier de [6].

L’intéressée a bénéficié d’une autorisation de sortie mais n’a pas réintégré l’hôpital. Une demande de recherche a été effectuée auprès des services de police.

Par ordonnance du 5 septembre 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse a maintenu la patiente sous le régime de l’hospitalisation complète sous contrainte.

Le conseil de Mme [P] [K] en a relevé appel par déclaration reçue au greffe le 6 septembre 2023 à 15h44 en faisant valoir que la procédure est irrégulière faute d’établissement de l’avis motivé et de notification de l’ordonnance entreprise et interroge au regard de l’autorisation de sortie accordée.

Par conclusions reçues au greffe de la cour le 13 septembre 2023, soutenues oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer en application de l’article 455 du code de procédure, elle demande au magistrat délégataire de :

infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise,

statuant à nouveau :

ordonner la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète en soins contraints,

condamner le Trésor public et le directeur de l’hôpital [6] à verser une somme de 750 € au titre des frais engagés pour l’instance et non compris dans les dépens et par application de l’article 700 du Code de procédure civile, lesquels seront distraits au profit de Maître Philippine Rancher qui s’engage alors expressément à renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle conformément aux dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; et, dans l’hypothèse où Mme [K] ne serait pas admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale, condamner ces mêmes personnes à lui verser cette même somme au seul visa de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions reçues au greffe de la cour le 14 septembre 2023, soutenues oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer en application de l’article 455 du code de procédure, le centre hospitalier demande de :

– confirmer l’ordonnance attaquée,

– autoriser le maintien de la mesure d’hospitalisation.

L’appelante, régulièrement convoquée, ne s’est pas présentée à l’audience.

Par avis écrit du 13 septembre 2023 mis à disposition des parties, le ministère public conclut que l’appel est devenu sans objet, dès lors que l’intéressée n’est plus hospitalisée et qu’il n’y a donc pas lieu de maintenir la mesure inopérante.

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MOTIVATION :

Selon l’article L.3212-1 I du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur décision du directeur de l’établissement que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

– ses troubles mentaux rendent impossible son consentement,

– son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au deuxièmement du grand I de l’article L.3211-2-1.

L’article L.3212-3 précise qu’en cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, le directeur de l’établissement peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d’un tiers l’admission en soins psychiatriques d’une personne malade au vu d’un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d’un médecin exerçant dans l’établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts.

En l’espèce, Mme [P] [K] a été admise en soins psychiatriques sans son consentement, à la demande de sa soeur, le 25 août 2023, en raison d’idées délirantes de thématique mystique et de persécution non systématisées, en réseau, avec participation affective anxieuse et une adhésion totale ayant conduit à un nouveau arrêt de l’alimentation et de l’hydratation depuis 2 jours et impactant le bilan sanguin.

Le certificat médical d’admission souligne que le caractère en partie suicidaire de cette démarche n’a pas été niée par l’intéressée qui avait déjà dû être hospitalisée pour la même symptomatologie avec sonde naso-gastrique pour reprendre l’alimentation et l’hydratation mais qui avait à nouveau arrêté les traitements une semaine après son retour à domicile.

Il précise que la malade refuse les soins préconisés de sorte que le risque de mise en danger vital est actuel et non critiqué.

Sur l’absence d’avis motivé :

Aux termes de l’article L.3211-12-1 II du code de la santé publique, la saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée de l’avis motivé d’un psychiatre de l’établissement d’accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète.

Le conseil de l’appelante en déduit que l’absence de cet avis motivé au dossier, résultant de l’autorisation de sortie dont aurait bénéficié la patiente, constitue une irrégularité de la procédure de nature à porter atteinte à ses droits faute de pouvoir d’orienter sa défense sur le fond et sur la nécessité de la poursuite de la mesure.

Cependant, c’est faussement qu’elle argue d’une permission de sortie, que le premier juge a également retenue à tort, dès lors qu’est versé au dossier l’avis médical de sortie sans autorisation dressé le 4 septembre 2023 par le Dr [H] qui souligne que Mme [K] présente des signes de dangerosité pour elle-même ou pour autrui, avec pour conséquence une demande d’avis de recherche auprès des autorités de police.

Par ailleurs, c’est en raison de cette fugue que le psychiatre de l’établissement n’a pu examiner la malade ni a fortiori établir un avis motivé sur l’éventuelle modification de son état de santé ou des soins à prodiguer depuis le dernier certificat médical.

En outre, contrairement à ce qui est plaidé, l’absence de cet avis motivé est en elle-même insuffisante à caractériser l’existence d’un grief au regard des autres pièces médicales versées aux débats.

Il faut en effet rappeler d’une part, que la décision d’hospitalisation sous contrainte est prise à l’issue d’une période d’observation de 72 heures suivant l’admission, au cours de laquelle le patient est examiné à deux reprises afin de déterminer si la mesure continue se justifier et, le cas échéant, quelle forme elle doit prendre et, d’autre part, que le directeur d’établissement a une compétence liée lorsque les deux certificats médicaux de 24 h et 72 h concluent à la nécessité d’une prolongation.

Et ces certificats médicaux établis les 26 et 28 août 2023 soulignent le mutisme total et l’opposition massive de Mme [K] rendant l’évaluation médicale impossible mais justifiant la poursuite de soins psychiatriques et somatiques en soins contraints en hospitalisation complète au regard des éléments délirants mystiques avec des hallucinations acoustico-verbales entraînant un arrêt total de l’alimentation et de l’hydratation ainsi que des éléments suicidaires non critiqués par la patiente.

Sur l’absence de la patiente à l’audience :

Il est soutenu à l’audience que la fugue n’est pas considérée comme un obstacle médical et que l’absence de l’appelante à l’audience justifie donc la mainlevée de la mesure.

Il est exact qu’en vertu de l’article L. 3211-12-2, alinéa 2 du code de la santé publique ce n’est qu’à titre exceptionnel que le patient n’est pas entendu à l’audience lorsque des motifs médicaux, constatés par avis médical, font obstacle, dans son intérêt, à son audition. De la sorte la dispense d’audition ne peut valablement reposer sur l’avis d’un médecin faisant exclusivement état d’un risque majeur de fugue, un tel risque ne constituant pas à lui seul un motif médical.

Cependant, en l’espèce, l’absence de Mme [K] ne résulte pas d’un certificat médical s’opposant à son audition pour risque de fugue mais de la fugue avérée de la patiente depuis le 4 septembre 2023.

Et, dans la mesure où cette dernière fait l’objet d’une inscription sur le fichier des personnes recherchées, sa disparition constitue indubitablement une circonstance insurmontable ne permettant pas au centre hospitalier de la présenter devant le juge des libertés et de la détention.

Le moyen soulevé est en conséquence inopérant.

Sur le bien fondé de la mesure :

Comme déjà souligné, le conseil de la malade excipe à tort d’une autorisation de sortie qui n’aurait pas été suivie d’une réintégration de l’établissement.

Sa déduction d’une contradiction totale avec les conditions posées par l’article L.2312-1 du code de la santé publique relatives à l’existence de troubles rendant impossible le consentement du malade et imposant des soins immédiats en hospitalisation complète, est donc erronée.

Pour le même motif, le moyen tiré d’un grief causé par l’absence de tout élément dans le dossier permettant de justifier cette autorisation de sortie, est tout aussi infondé.

Enfin, tant le certificat médical d’admission que les certificats médicaux ultérieurs de 24 h et 72 h dont le contenu est rappelé ci-dessus, caractérisent l’existence des troubles mentaux rendant impossible le consentement de Mme [P] [K] et d’un état mental imposant des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète

C’est donc à bon droit que le premier juge a ordonné la poursuite de l’hospitalisation complète sous contrainte de l’intéressée, laquelle n’est pas devenue sans objet comme souligné à tort par le ministère public.

L’ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée.

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PAR CES MOTIFS

Confirmons l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse du 5 septembre 2023,

Disons n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Disons que la présente décision sera notifiée selon les formes légales, et qu’avis en sera donné au ministère public,

Laissons les dépens à la charge du Trésor public.

LE GREFFIER LE MAGISTART DELEGUE

K.MOKHTARI A. DUBOIS

 

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