26 septembre 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
23/01054

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 2023/1060

N° RG 23/01054 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PWZL

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 26 septembre à 17h00

Nous P. ROMANELLO, magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 17 JUILLET 2023 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 23 Septembre 2023 à 16H22 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse statuant sur la régularité du placement en rétention et ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de

X se disant [L] [O]

né le 01 Juillet 1988 à [Localité 2] (MAROC)

de nationalité Marocaine

Vu l’appel formé le 25/09/2023 à 11 h 14 par courriel, par Me Serge D’HERS, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l’audience publique du 26 septembre 2023 à 14h30, assisté de P.GORDON, adjoint administratif faisant fonction de greffier, avons entendu :

X se disant [L] [O]

assisté de Me Serge D’HERS, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [L] [N], interprète, qui a prêté serment,

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En l’absence du représentant de la PREFECTURE DE L’HERAULT régulièrement avisée ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

Exposé des faits

Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et les dispositions du CESEDA,

Vu l’arrêté de Monsieur le préfet de l’Hérault du 27 septembre 2022, portant obligation à Monsieur [L] [O] de quitter le territoire sans délai et vu l’arrêté de Monsieur le préfet portant placement en rétention administrative de Monsieur [L] [O] le 21 septembre 2023 ;

Vu l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 23 septembre 2023 à 16h22, prononçant la jonction de la requête en contestation du placement en rétention et de la requête en prolongation de rétention administrative et ordonnant la prolongation de la rétention pour une durée de 28 jours.

Vu l’appel interjeté par Monsieur [L] [O] accompagné d’un mémoire, reçu le 25 septembre 2023 à 11h14 par lequel il demande à la cour d’infirmer cette ordonnance aux motifs suivants :

-La procédure préalable à la mesure de rétention est irrégulière pour plusieurs motifs :

– l’administration préfectorale ne rapporte pas la preuve que Monsieur [L] [O] faisait l’objet d’une fiche administrative portant mention reconduite à la frontière lors de la consultation du fichier AGDREF,

– il y a une confusion entre la situation administrative du conducteur du véhicule verbalisé Monsieur [H] et Monsieur [L] [O] le passager du véhicule,

– en tant que passager du véhicule il n’a commis aucune infraction,

– le procès-verbal d’interpellation est nul car on lui reproche une absence de documents alors qu’il fait état d’un passeport marocain et d’une pièce d’identité marocaine,

– l’infraction constatée le 20 septembre 2023 sur le parking de la plage à [Localité 4] entre pas dans les conditions du contrôle d’identité de l’article 78-2 du code de procédure pénale car le procureur de la république a classé le dossier sans suite, donc, cette infraction ne pouvait pas servir de base aux services de gendarmerie pour un contrôle de police administrative,

– la procédure ne reflète pas la réalité car l’intéressé possède une carte d’identité marocaine valide,

– le procès-verbal d’investigation fait état d’une mention reconduite à la frontière prise par le préfet de la [Localité 1] alors que l’intéressé n’a jamais fait l’objet d’une mesure d’éloignement,

– le procès-verbal litigieux est irrégulier car le procureur de la république n’a pas été avisé du placement en rétention,

– la procédure est irrégulière car Monsieur [L] [O] ne comprend pas la langue française et avait besoin d’un interprète en langue arabe,

– le contrôle d’identité a été motivé par son extranéité en violation des dispositions de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme,

– le procès-verbal d’interpellation est nul car il ne comporte pas les informations substantielles de la rétention judiciaire ou administrative.

L’ensemble de ces nullités cause forcément un grief à Monsieur [L] [O] qui ne peut pas exercer correctement les droits de la défense.

À titre subsidiaire, l’intéressé soulève encore la nullité de la procédure au titre du respect des droits de la défense :

l’interpellation du 20 septembre 2023 à 16h30 est irrégulière en l’absence d’interprète qui ne sera présent qu’à 18h50 alors qu’il a été placé retenu à 17h30 et que la notification des droits pour la garde à vue a été établie à la même heure,

il n’a pas été précisé à Monsieur [L] [O] les causes et les raisons pour lesquelles il était placé en retenue administrative,

il aurait dû être précisé à Monsieur [L] [O] qu’il bénéficiait du droit de se taire,

Par ailleurs la requête en prolongation est irrecevable pour défaut de motivation, insuffisance de motivation regard de la vulnérabilité.

Vu les débats lors de l’audience du 26 septembre 2023 à 14h30, au cours desquels le conseil de Monsieur [L] [O] a repris ses arguments ;

Vu l’absence du préfet ;

Entendu Monsieur [O] en ses observations ;

SUR CE :

Sur la recevabilité de l’appel

En l’espèce, l’appel est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.

Sur le contrôle de la procédure préalable à la rétention administrative

Sur la procédure préalable à la retenue

En l’espèce, le mercredi 20 septembre à 16h15, les gendarmes de la compagnie de [Localité 4] en service de prévention de proximité, ont constaté la présence d’un véhicule de marque Peugeot irrégulièrement stationné au niveau du parking de l’étang du Prévôt. L’automobile était garée à l’extérieur des emplacements prévus malgré la présence d’une barrière matérialisant une zone Natura 2000.

Les gendarmes ont vu le conducteur à bord de la voiture avec un autre individu se trouvant au téléphone à quelques mètres. Ils ont vérifié la plaque d’immatriculation de la Peugeot et ont découvert que la voiture immatriculée CQ 775 LA, faisait l’objet d’une signalisation. Le système d’immatriculation des véhicules leur a appris que la voiture appartenait à un certain [L] [O]. Ils ont alors contrôlé le conducteur en la personne de Monsieur [I] [H].

Pendant le contrôle de ce dernier, l’individu qui téléphonait à quelques mètres a cherché à se cacher derrière une haie et ils ont décidé de le contrôler. Il s’agissait de Monsieur [L] [O].

La consultation du fichier des personnes recherchées leur a appris qu’il faisait l’objet d’une fiche de recherche SCHENGEN pour éloignement numéro ITTAPQ50EHFJXS000001.

À partir de 16h30, les deux individus contrôlés ont été conduits dans les locaux de la brigade pour plus amples vérifications.

À 17 heures, la préfecture de l’Hérault a informé les gendarmes que Monsieur [L] [O] était en situation irrégulière et ils ont décidé de poursuivre la procédure administrative.

Monsieur [L] [O] a fait l’objet dans les locaux de la brigade à 17h30, de la notification d’exercice de ses droits pour une mesure de retenue conformément aux articles L812-1 à L813-1 du CESEDA, par l’intermédiaire d’un interprète en langue arabe via un moyen de communication téléphonique.

Le procès-verbal n° 2044 de l’unité de [Localité 4] précise que le procureur de la république de [Localité 3] a été informé de la mesure de retenue prise à l’encontre de Monsieur [L] [O].

Les indications portées par le procès-verbal de gendarmerie font foi jusqu’à preuve du contraire et en conséquence, comme le premier juge, la cour retient que Monsieur [L] [O] n’a pas du tout fait l’objet d’une mesure de garde à vue mais bien au contraire immédiatement d’une mesure de retenue, consécutive au contrôle des militaires trouvant son origine dans un stationnement illégal et le recherche du propriétaire du véhicule mal stationné. Les gendarmes étaient tout à fait légitimes à contrôler l’identité non seulement de la personne qui se trouvait au volant du véhicule mal stationné, fait constitutif d’une contravention, mais encore l’identité de la personne qui l’accompagnait dès lors que cette dernière a cherché à se cacher laissant ainsi clairement supposer qu’elle pouvait elle aussi être à l’origine du mauvais stationnement.

Dès son placement en retenue les droits de Monsieur [L] [O] ont été notifiés par le truchement d’un interprète sans que Monsieur [L] [O] explique en quoi l’interprétariat téléphonique lui causerait un grief.

Enfin, le procureur de la république a immédiatement été avisé de la mesure de retenue.

Sur la retenue

Monsieur [L] [O] a été entendu le 21 septembre 2023 à 10h05 en présence physique d’un interprète Monsieur [X] [K].

Il a refusé de répondre à certaines questions comme par exemple ses relations avec Monsieur [H] et l’identité du propriétaire du véhicule litigieux.

Par contre, il a clairement indiqué qu’il ne disposait d’aucun document administratif en dehors d’une carte vitale. Il a également précisé qu’il ne disposait d’aucun logement.

Dans une seconde audition, toujours en présence d’un interprète à 15h40, il a indiqué que son épaule droite pouvait se déboîter et il avait un déchaussement de la dent.

À 15h50, toujours en présence d’un interprète, les gendarmes lui ont notifié l’arrêté préfectoral du 21 septembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour pour une durée de deux ans, avec le placement en rétention administrative.

Dans l’inventaire des effets et des objets rendus à Monsieur [L] [O], à 16h10, figurent un téléphone, une carte vitale française et un permis de conduire marocain.

La procédure de retenue a duré moins de 24 heures.

Le conseil de Monsieur [L] [O] excipe de la violation des droits de la défense lors de la retenue. Pour autant, dès le début de la procédure, Monsieur [L] [O] a été informé des motifs de la retenue et de sa durée maximum. Cette information lui est donnée dans une langue qu’il comprend ou qu’il est supposé comprendre. Ses droits étaient les suivants :

D’être assisté par un interprète

D’être assisté par un avocat (choisi par lui ou commis d’office) et de s’entretenir avec lui dès son arrivée

D’être examiné par un médecin

De prévenir à tout moment sa famille et, s’il est responsable de mineurs, de disposer de contact pour leur prise en charge

D’avertir les autorités consulaires de son pays

Le droit au silence n’est pas prévu pour cette procédure.

La cour relève également que la procédure ne saurait être viciée du simple fait que Monsieur [L] [O] était détenteur d’un permis de conduire marocain qui ne constitue nullement un document de voyage lui permettant de séjourner en France.

Les exigences de l’article L813-5 du CESEDA ont toutes été respectées.

La procédure sera donc déclarée régulière comme proposé par le premier juge.

Sur la fin de non-recevoir

Il est encore reproché à la requête en prolongation d’être irrecevable pour défaut de motivation, insuffisance de motivation regard de la vulnérabilité.

Toutefois, le préfet n’est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l’étranger dès lors que les motifs qu’il retient suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux.

En l’espèce, le préfet de l’Hérault rappelle que

l’intéressé fait l’objet d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire sans délai, qui ne dispose pas de garanties de représentation effective,

il a précédemment pu obtenir un laissez-passer marocain le 1er juin 2023 et le consulat du Maroc est saisi d’une demande de renouvellement,

il ne justifie pas d’une entrée régulière sur le territoire français,

il est défavorablement connu pour de nombreuses infractions,

il n’a effectué aucune démarche pour régulariser sa situation et a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à l’obligation de quitter le territoire français,

il est démuni de tout document d’identité ou de voyage en dehors de sa carte vitale,

S’agissant de l’état de vulnérabilité, le préfet rappelle encore que les circonstances humanitaires et la situation personnelle de Monsieur [L] [O] ne font pas obstacle à la mesure de rétention. L’analyse de l’état de vulnérabilité implique que l’administration vérifie dans quelle mesure l’état de santé de l’intéressé pourrait constituer un empêchement ou un frein à la mesure de rétention administrative. Pour procéder à cette vérification, l’administration considère en premier lieu l’évidence de la situation qui lui est soumise.

Cette évaluation n’implique pas de la part de l’autorité administrative un examen médical complet ab initio, qui serait automatiquement déclenché, alors même que Monsieur a simplement indiqué que son épaule droite pouvait se déboîter et il avait un déchaussement de la dent.

La requête en prolongation ne souffre donc d’aucun défaut de motivation ou d’insuffisance qui la rendrait irrecevable.

La fin de non-recevoir sera donc écartée.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons recevable l’appel interjeté par Monsieur [L] [O] à l’encontre de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Toulouse en date du 23 septembre 2023,

Confirmons ladite ordonnance en toutes ses dispositions,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture de l’HERAULT ainsi qu’au conseil de Monsieur [L] [O] et communiquée au ministère public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

P.GORDON P. ROMANELLO.

 

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