4 octobre 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
23/07479

N° RG 23/07479 – N° Portalis DBVX-V-B7H-PHA5

Nom du ressortissant :

[S] [I]

[I]

C/

PREFET DE L’ISÈRE

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 04 OCTOBRE 2023

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Marianne LA MESTA, conseiller à la cour d’appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 31 aout 2023 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d’entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d’asile,

Assistée de Manon CHINCHOLE, greffier lors des débats et de Charlotte COMBAL, greffière, lors de la mise a disposition,

En l’absence du ministère public,

En audience publique du 03 Octobre 2023 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [S] [I]

né le 10 Novembre 1994 à [Localité 7]

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu centre de rétention administrative de [6]

comparant assisté de Maître Camille DACHARY, avocat au barreau de LYON, commis d’office et avec le concours de Madame [H] [C], interprète en langue arabe inscrite sur la liste des experts près de la cour d’appel de LYON ;

ET

INTIME :

M. LE PREFET DE L’ISÈRE

[Adresse 1]

[Localité 2]

non comparant, régulièrement avisé, représenté par la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l’AIN,

Avons mis l’affaire en délibéré au 04 Octobre 2023 à 13 heures 00 et à cette date et heure prononcé l’ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et assortie d’une interdiction de retour pendant une durée de 36 mois a été prise le 18 août 2023 à l’encontre de [S] [I] par le préfet de l’Isère et notifiée le même jour à l’intéressé.

Par décision en date du 28 septembre 2023, l’autorité administrative a ordonné le placement de [S] [I] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Suivant requête du 29 septembre 2023, enregistrée le jour-même à 15 heures 05 par le greffe, le préfet de l’Isère a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention de [S] [I] pour une durée de vingt-huit jours.

A l’audience du 30 septembre 2023, le conseil de [S] [I] a déposé des conclusions par lesquelles il a excipé de la nullité de la procédure antérieure au placement en rétention administrative en raison du défaut de mention de l’habilitation de la personne ayant consulté le FPR et de l’irrégularité du contrôle du droit au séjour sur le fondement de l’article L.812-2 du CESEDA. A tout le moins, il a sollicité le rejet de la requête en prolongation eu égard à l’absence de diligences suffisantes de l’autorité administrative.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 30 septembre 2023 à 15 heures 50, a :

– rejeté les moyens d’irrecevabilité,

– déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative,

– déclaré régulière la procédure diligentée à l’encontre de [S] [I] ,

– ordonné la prolongation de la rétention de [S] [I] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 5] pour une durée de vingt-huit jours.

Le conseil de [S] [I] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration reçue au greffe le 2 octobre 2023 à 13 heures 06, en reprenant les moyens de nullité et de fond développés en première instance.

Il sollicite en conséquence l’infirmation de l’ordonnance déférée et sa remise en liberté.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 3 octobre 2023 à 10 heures 30.

[S] [I] a comparu, assisté d’un interprète en lague arabe et de son avocat.

Le conseil de [S] [I] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d’appel.

Le préfet de l’Isère, représenté par son conseil, a sollicité la confirmation de l’ordonnance déférée.

[S] [I], qui a eu la parole en dernier, explique qu’il ne savait pas qu’il avait déjà fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français. Il précise être venu en France afin de suivre un traitement pour des problèmes au niveau de l’estomac. Il affirme qu’il a fait une demande d’asile en Slovénie, dont il pense qu’elle a été acceptée, car il est kabyle, raison pour laquelle il ne peut retourner en Algérie.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel de [S] [I], relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), doit être déclaré recevable. 

Sur les exceptions de nullité relatives à la procédure antérieure au placement en rétention administrative

Selon l’article R.15-5 du code de proécdure pénale, seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d’une enquête ou d’une instruction.

La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d’une personne intéressée. L’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure.

En l’occurrence, contrairement à ce que soutient le conseil de [S] [I], le procès-verbal n°02440/2023 de notification, d’exercice des droits et de déroulement de la retenue établi le 27 septembre 2023 par [P] [O], officier de police judiciaire en résidence à [Localité 4], mentionne en page 3/4 dans un onglet intitulé ‘exploitation des fichiers’ que les vérifications auprès des différents fichiers ont été effectuées par un agent expressément habilité et l’exploitation des renseignements recueillis font l’objet d’une procédure distincte’.

Un procès-verbal d’investigations portant sur la vérification auprès des fichiers centraux a d’ailleurs effectivement été établi. Il précise que son auteur, l’adjudant [X] [E], est expressément habilité pour consulter lesdits fichiers, dont le Fichier des Personnes Recherchées annexé au procès-verbal.

Au regard de ces observations, il y a lieu de retenir que les prescriptions de l’article 15-5 précitées ont été respectées, de sorte que ce premier moyen de nullité ne pouvait prospérer.

Il convient ensuite de rappeler qu’en vertu de l’article L.812-2 du CESEDA, les contrôles des obligations de détention, de port et de présentation des pièces et documents prévus à l’article L. 812-1 peuvent être effectués dans les situations suivantes :

1° En dehors de tout contrôle d’identité, si des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d’étranger; ces contrôles ne peuvent être pratiqués que pour une durée n’excédant pas six heures consécutives dans un même lieu et ne peuvent consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans ce lieu ;

2° A la suite d’un contrôle d’identité effectué en application des articles 78-1 à 78-2-2 du code de procédure pénale, selon les modalités prévues à ces articles, si des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d’étranger ;

3° En application de l’article 67 quater du code des douanes, selon les modalités prévues à cet article.

L’article 78-2 du code de procédure pénale dispose quant à lui que les officiers de police judiciaire et, sur l’ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l’égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :

– qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;

– ou qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;

– ou qu’elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l’enquête en cas de crime ou de délit ;

– ou qu’elle fait l’objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.

Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d’infractions qu’il précise, l’identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d’identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

L’identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens.

En l’espèce, il ressort de la lecture des pièces versées aux débats que le placement en retenue de [S] [I] a été opéré à la suite d’un contrôle d’identité effectué par les services de gendarmerie de la COB d'[Localité 4] dans le cadre d’une opération anti-déliquance sur la commune de [Localité 3] sur réquisitions de Mme la Procureure de la République de Vienne (cf le procès-verbal précité de notification, d’exercice des droits et de déroulement de la retenue).

Lorsqu’il a été demandé à [S] [I] de présenter ses documents d’identité, celui-ci n’a pas été en mesure de le faire. Il a par ailleurs de lui-même indiqué qu’il était de nationalité algérienne, ainsi qu’il résulte des renseignements recueillis par les forces de l’ordre lors du contrôle d’identité.

Or, il est constant que la déclaration spontanée de sa nationalité étrangère par une personne faisant l’objet d’un contrôle d’identité réalisé en application de l’article 78-2 précité constitue un élément objectif déduit de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé qui peut justifier le contrôle des titres de séjour en application de l’article L.812-2 2° du CESEDA.

Il s’ensuit que les dispositions de cet article ont été respectées, de sorte qu’il y a lieu de rejeter ce second moyen de nullité.

Sur l’obligation de diligences

Il doit être rappelé que l’obligation de diligences qui incombe à l’autorité préfectorale en application des dispositions de l’article L. 741-3 du CESEDA est une obligation de moyens et non de résultat, étant précisé que la préfecture ne dispose d’aucun pouvoir de coercition où de contrainte à l’égard des autorités consulaires.

Dans sa requête en prolongation de la rétention de [S] [I], l’autorité préfectorale fait valoir qu’elle a saisi les autorités consulaires tunisiennes et algériennes le 29 septembre 2023 en vue de l’obtention d’un laissez-passer consulaire.

La réalité de ces diligences est justifiée par les pièces de la procédure et le faible délai de moins de 48 heures dont dispose l’autorité préfectorale avant de saisir le juge des libertés et de la détention d’une requête en prolongation, ne lui permettait pas d’engager d’autres diligences utiles, sachant que [S] [I] n’a rapporté la preuve de sa qualité de demandeur d’asile en Slovénie que dans le cadre de la présente instance.

Aucun défaut de diligences ne peut donc être reproché à l’autorité préfectorale.

Dès lors, à défaut d’autres moyens invoqués par l’appelant, l’ordonnance entreprise est confirmée par ces motifs substitués.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l’appel formé par [S] [I],

Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Charlotte COMBAL Marianne LA MESTA

 

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