5 octobre 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
23/01087

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 2023/1093

N° RG 23/01087 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PXMZ

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 05 octobre à 16H00

Nous A. CAPDEVIELLE vice présidente placée déléguée par ordonnance de la première présidente en date du 17 JUILLET 2023 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 04 Octobre 2023 à 12H13 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :

[S] [N]

né le 26 Mars 1980 à [Localité 1] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

Vu l’appel formé, par télécopie, le 05/10/2023 à 10 h 09 par [S] [N]

A l’audience publique du 05/10/2023 à 14h30, assisté de K. MOKHTARI, greffier avons entendu

[S] [N]

assisté de Me Olivier PELLEGRY, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de M.[J] représentant la PREFECTURE DE L’AVEYRON ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

Exposé des faits

Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et les dispositions du CESEDA,

Vu l’arrêté de Monsieur le préfet de l’Aveyron en date du 10 août 2023, portant obligation à Monsieur [S] [N] de quitter le territoire sans délai, avec interdiction de retour pendant un délai de 1 an ;

Vu l’arrêté de Monsieur le préfet de l’Aveyron en date du 2 octobre 2023, décidant le placement en rétention administrative de Monsieur [N] ;

Vu l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 4 octobre 2023, prononçant la jonction de la requête en contestation du placement en rétention et de la requête en prolongation de rétention administrative et ordonnant la prolongation de la rétention pour une durée de 28 jours.

Vu l’appel interjeté par Monsieur [N] accompagné d’un mémoire, reçu le 5 octobre 2023 à 10h09;

Vu le mémoire déposé par Monsieur [N] qui demande à la cour d’infirmer cette ordonnance aux motifs suivants :

Absence d’habilitation des agents pour la consultation du fichier des personnes recherches et du fichier national des étrangers

Absence avis parquet lors du placement en garde à vue et lors du placement en rétention administrative

Absence d’avis à parquet ou avis tardif du placement en rétention

Irrégularité du placement en rétention

Absence de placement en rétention le 9 août 2023

Caractère non justifié du placement en rétention

Vu les débats lors de l’audience du 5 octobre 2023 à 14h30, au cours desquels le conseil de Monsieur [N] a repris ses arguments ;

Ouï Le préfet de l’Aveyron qui a sollicité confirmation de l’ordonnance entreprise ;

Ouï les observations de Monsieur [N] ;

-:-:-:-:-

SUR CE :

Sur la recevabilité de l’appel

A peine d’irrecevabilité, la déclaration d’appel doit être motivée, transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel.

L’ordonnance du JLD est susceptible d’appel dans les 24 heures de son prononcé ou si l’étranger n’a pas assisté à l’audience, de la notification de la décision qui lui a été faite.

En l’espèce, l’appel est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.

Sur le contrôle de la procédure préalable à la rétention administrative

Pour être recevable, le moyen tiré d’une irrégularité affectant la procédure préalable à la rétention administrative doit concerner la procédure qui précède immédiatement le placement en rétention et être soulevé in limine litis. Les exceptions prises de la violation des dispositions liées à la procédure préalable au placement en rétention sont considérées comme des exceptions de procédure et doivent, en vertu de l’article 74, alinéa 1er, du code de procédure civile, être soulevées, à peine d’irrecevabilité, avant toute défense au fond.

En conséquence, elles ne peuvent donc être soulevées pour la première fois en appel.

Avis procureur

Aux termes des dispositions de l’article L 741-8 du CESEDA, le procureur de la République est informé dès le début de la mesure. L’information du procureur de la République n’est soumise à aucun formalisme.

Il suffit que les pièces de la procédure fassent apparaître que le magistrat compétent a été avisé dès le début de la mesure dans des conditions le mettant en mesure d’exercer son contrôle.

Seule une circonstance insurmontable peut justifier de différer l’information du procureur.

En l’espèce, la décision de placement en garde à vue à Monsieur [N] lui a été notifiée le 1er octobre 2023 à 21h15 tandis que le procureur de la République de [Localité 4] en a été informé à 21h32 par téléphone.

En l’espèce, la décision de placement en rétention a été notifiée à Monsieur [N] le 2 octobre 2023 à 17h45 que les procureurs de la République de [Localité 6] et [Localité 4] en ont été informés par courrier électronique à 17h39 et 18h17.

Cet avis n’est pas tardif, l’un des avis ayant même eu lieu quelques minutes avant la notification à Monsieur [N]

L’information du procureur n’étant soumise à aucun formalisme elle peut tout aussi bien être réalisé par téléphone ou courriel. Les procès-verbaux des enquêteurs mentionnent cet avis et leurs procès-verbaux font foi jusqu’à preuve du contraire. Dans ces conditions la production du mail n’est pas une obligation procédurale

Consultation FPR FAED

Il est expliqué que la procédure ayant précédé le placement en rétention administrative est irrégulière car il n’est pas établi que l’agent qui a procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées et du fichier des étrangers était habilité à cet effet.

Pour rappel, le FPR est un outil de travail des gendarmes et des policiers et des agents des douanes qui sert à rechercher, surveiller ou contrôler certaines personnes à la demande des autorités judiciaires, des autorités administratives ou des services de police et gendarmerie.

Des personnes individuellement désignées et spécialement habilitées peuvent le consulter et notamment les agents de police nationale, les agents des douanes. Les informations enregistrées sont dès lors communiquées à l’autorité judiciaire, un organisme de coopération internationale, un agent de police municipale par exemple.

En l’espèce il s’évince de la procédure versée aux débats que le 1er octobre 2023 à 21h10 le brigadier-chef de police [O] [T] a procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées à l’issue du contrôle routier dont faisait l’objet Monsieur [N].

Par ailleurs il est expressément mentionné dans le procès-verbal de saisine « étant un personnel individuellement désigné et habilité à la consultation du FPR. »

La consultation s’est par ailleurs avérée positive.

Là encore, la mention portée sur un procès-verbal fait foi jusqu’à preuve du contraire.

Par la suite à 23h01, le même brigadier-chef de police, a procédé de nouveau à la consultation du fichier des personnes recherchées et du fichier national des étrangers.

De plus, aux termes des dispositions de l’article 15-5 du code de procédure pénale créé par la loi du 24 janvier 2023, applicable à l’espèce, « Seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d’une enquête ou d’une instruction””..La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d’une personne intéressée. L’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure. ».

Dès lors que Monsieur [N] ne justifie d’aucun grief, l’argument est d’autant plus inefficace.

La procédure sera donc déclarée régulière comme proposé par le premier juge.

Sur le contrôle de la phase de rétention administrative

Le contrôle de la décision initiale de placement en rétention doit permettre de constater la réalité de la motivation en droit et en fait de la décision L’article L. 741-6 exige une décision écrite et motivée. A ce stade, le contrôle ne porte pas sur la pertinence de la motivation, mais simplement sur son existence. La décision de placement en rétention administrative doit être écrite et motivée. Pour satisfaire à l’exigence de motivation, la décision doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.

Par ailleurs, l’article L. 741-1 du CESEDA dispose : « L’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision. » L’article L. 741-4 précise : « La décision de placement en rétention prend en compte l’état de vulnérabilité et tout handicap de l’étranger ».

Pour rappel, le préfet n’est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l’étranger dès lors que les motifs qu’il retient suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux.

En l’espèce, l’arrêté portant placement en rétention administrative a relevé que :

[S] [N] est entré irrégulièrement en France en fin d’année 2022 et s’est maintenu sur le territoire depuis le 10 août 2023.

Il a déclaré occuper un emploi au sein de la société AOB télécommunication mais ne produit aucune autorisation de travail.

Il ne possède aucun document d’identité ou de voyage en cours de validité.

Il est célibataire sans enfant.

Il ne produit aucun justificatif de domicile.

Sa situation ne fait ressortir aucune vulnérabilité, ni handicap.

Ces motifs susmentionnés permettent de considérer que la décision de placement en rétention est motivée conformément aux dispositions légales.

Le conseil de Monsieur [N] soutient que le placement en rétention n’est pas justifié :

D’une part car Monsieur [N] n’a pas été placé en rétention le 10 août 2023 lors de la notification de quitter le territoire français,

D’autre part le placement en rétention est injustifié, Monsieur [N] disposant d’un emploi.

Outre que, comme déjà dit, le Préfet est libre de choisir les motifs qui servent de fondement à sa décision, dès lors qu’il en présente d’autres qui se révèlent utiles et pertinents.

Il sera relevé que :

le 10 août 2023, Monsieur [N] a déclaré avoir droit au séjour en Espagne valable ; que contact pris au mois d’octobre avec le CCPD d’Hendaye, cela s’est avéré inexact, Monsieur [N] reconnaissant avoir menti,

le contrat de travail produit fait état d’une nationalité espagnole et non pas tunisienne et que Monsieur [N] ne justifie pas avoir obtenu une autorisation de travail.

Le préfet a donc bien procédé à une évaluation complète de la situation de l’intéressé et n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

Si le placement en rétention n’a pas été pris au mois d’août c’est principalement car le droit au séjour en Espagne que faisait valoir Monsieur [N] n’avait pas pu être vérifié dans le temps de la garde à vue.

La décision de placement en rétention et la prolongation sont régulières.

L’appréciation par l’administration des garanties de représentation

Il est encore fait grief à la décision attaquée de ne pas avoir pris en compte la stabilité de l’intéressé qui avait respecté une précédente assignation à résidence.

Or, la situation actuelle est la suivante :

Monsieur [N] produit un contrat de travail faisant état d’une nationalité espagnole et d’une adresse à [Localité 2] au mois de mai 2023.

Il ne justifie pas d’une autorisation de travail.

Ses bulletins de paie à compter de mai font état d’une adresse dans le 25 à [Localité 3].

Il n’a pas remis un passeport original en cours de validité aux autorités.

Il ne justifie pas avoir déclaré un lieu de résidence effectif et permanent sur le territoire français.

Malgré la notification d’une mesure d’éloignement il a continué de commettre des infractions en l’espèce en conduisant sans titre.

Au moment des faits début octobre il déclarait une adresse dans l’Aveyron et à l’audience il a produit une attestation d’hébergement à [Localité 5] chez un ami Syrien

Aujourd’hui, ces arguments font apparaître un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement, laquelle ne pourrait être sérieusement respectée et garantie par une quelconque autre mesure.

Dans ces conditions l’assignation à résidence sera rejetée.

Etant considéré que la requête de Monsieur le préfet est bien fondée en ce que le placement en rétention est régulier et motivé et la justification légale du maintien en rétention est établie en ce que les garanties de représentation sont insuffisantes

Monsieur [N] sera maintenu en rétention comme ordonné par le juge de première instance.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons recevable l’appel interjeté par Monsieur [S] [N] à l’encontre de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Toulouse en date du 4 octobre 2023,

Confirmons ladite ordonnance en toutes ses dispositions,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture de l’Aveyron, à Monsieur [S] [N] ainsi qu’à son conseil et communiquée au ministère public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

K.MOKHTARI A. Capdevielle, Vice-Présidente placée

 

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