11 octobre 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
23/01114

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 2023/1119

N° RG 23/01114 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PXU6

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 11 octobre à 14h00

Nous A. CAPDEVIELLE, vice présidente placée déléguée par ordonnance de la première présidente en date du 17 JUILLET 2023 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 09 Octobre 2023 à 16H55 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :

[L] [N]

né le 28 Novembre 1997 à [Localité 1] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

Vu l’appel formé le 09/10/2023 à 22 h 48 par courriel, par Me Léopoldine BARREIRO, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l’audience publique du 11/10/2023 à 11h00, assisté de K. MOKHTARI, greffier avons entendu :

[L] [N]

assisté de Me Léopoldine BARREIRO, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [P] [I], interprète, qui a prêté serment,

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En l’absence du représentant la PREFECTURE DE LA HAUTE-GARONNE, régulièrement avisée ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

Exposé des faits

Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et les dispositions du CESEDA,

Vu l’arrêt de la Cour d’appel de Toulouse, en date du 31 janvier 2019, ayant condamné Monsieur [L] [N] à une interdiction définitive du territoire français;

Vu l’arrêté de Monsieur le préfet de la Haute-Garonne en date du 7 octobre 2023, décidant le placement en rétention administrative de Monsieur [L] [N] ;

Vu l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 9 octobre 2023, prononçant la jonction de la requête en contestation du placement en rétention et de la requête en prolongation de rétention administrative et ordonnant la prolongation de la rétention pour une durée de 28 jours.

Vu l’appel interjeté par Monsieur [L] [N] accompagné d’un mémoire, reçu le 9 octobre 2023 à 22h48 ;

Vu le mémoire déposé par Monsieur [L] [N] qui demande à la cour d’infirmer cette ordonnance aux motifs suivants :

Notification des droits irrégulière, faite par un interprète par téléphone injustifié

Défaut d’habilitation des agents ayant consulté les fichiers pénaux

Absence d’avocat lors de la prolongation de garde à vue

Juxtaposition de la mesure de retenue administrative et de garde à vue

Incompétence du signataire de l’acte de placement en rétention administratif

Vu les débats lors de l’audience du 11 octobre 2023 à 11h00, au cours desquels le conseil de Monsieur [L] [N] a repris ses arguments ;

Ouï les observations de Monsieur [L] [N] par le truchement de l’interprète;

-:-:-:-:-

SUR CE :

Sur la recevabilité de l’appel

A peine d’irrecevabilité, la déclaration d’appel doit être motivée, transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel.

L’ordonnance du JLD est susceptible d’appel dans les 24 heures de son prononcé ou si l’étranger n’a pas assisté à l’audience, de la notification de la décision qui lui a été faite.

En l’espèce, l’appel est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.

Sur le contrôle de la procédure préalable à la rétention administrative

Pour être recevable, le moyen tiré d’une irrégularité affectant la procédure préalable à la rétention administrative doit concerner la procédure qui précède immédiatement le placement en rétention et être soulevé in limine litis. Les exceptions prises de la violation des dispositions liées à la procédure préalable au placement en rétention sont considérées comme des exceptions de procédure et doivent, en vertu de l’article 74, alinéa 1er, du code de procédure civile, être soulevées, à peine d’irrecevabilité, avant toute défense au fond.

En conséquence, elles ne peuvent donc être soulevées pour la première fois en appel.

Consultation FPR FAED

Il est expliqué que la procédure ayant précédé le placement en rétention administrative est irrégulière car il n’est pas établi que l’agent qui a procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées était habilité à cet effet.

Pour rappel, le FPR est un outil de travail des gendarmes et des policiers et des agents des douanes qui sert à rechercher, surveiller ou contrôler certaines personnes à la demande des autorités judiciaires, des autorités administratives ou des services de police et gendarmerie.

Des personnes individuellement désignées et spécialement habilitées peuvent le consulter et notamment les agents de police nationale, les agents des douanes. Les informations enregistrées sont dès lors communiquées à l’autorité judiciaire, un organisme de coopération internationale, un agent de police municipale par exemple.

En l’espèce il s’évince de la procédure versée aux débats que le 6 octobre 2023 à 13h55 le brigadier-chef de police [T] [W] qui a rédigé le procès-verbal a indiqué avoir procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées au moment de l’interpellation de Monsieur [L] [N], consultation qui s’est révélée positive.

Le fait que 3 personnes aient signé le procès- verbal d’interpellation n’obère pas le fait que c’est l’une d’elle et une seule qui a rédigé ce procès-verbal et qui donc atteste avoir consulté les fichiers.

Il ne peut donc pas être fait grief à la procédure de taire l’identité de la personne qui a procédé à la consultation puisqu’elle est clairement identifiée et qu’elle n’aurait pas pu accéder au fichier si elle n’avait pas été habilitée comme le rappelle le premier juge dont l’ordonnance est discutée.

De plus, aux termes des dispositions de l’article 15-5 du code de procédure pénale créé par la loi du 24 janvier 2023, applicable à l’espèce, « Seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d’une enquête ou d’une instruction””..La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d’une personne intéressée. L’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure. ».

Dès lors que Monsieur [N] ne justifie d’aucun grief, l’argument est d’autant plus inefficace.

Interprète au téléphone

Le dispositif protecteur de la loi du 31 décembre 2012 se révèle proche des dispositions relatives à la garde à vue. En ce sens, il est fait application de l’article L813-5 du CESEDA qui énoncent l’ensemble des droits dont bénéficie l’étranger placé en retenue. Notamment, le droit d’être assisté par un interprète et lorsque l’étranger ne parle pas français il est fait application des dispositions des articles L 141-2 et suivants du CESEDA. En cas de nécessité, l’assistance de l’interprète se faire par l’intermédiaire d’un moyen de télécommunication. Le nom et les coordonnées de l’interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l’étranger.

Pour rappel, le régime des nullités applicable à ces dispositions est similaire à celui qui est appliqué aux dispositions de l’article 63-1 du code de procédure pénale.

Donc, il y a nullité lorsque la méconnaissance d’une formalité substantielle prévue par une disposition du code de procédure pénale, a porté atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne. L’article 802 du code de procédure pénale dispose que : « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, qui est saisie d’une demande d’annulation ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne ».

Notamment, l’absence d’interprète pour une personne qui ne maîtrise pas la langue française fait nécessairement grief.

Toutefois, en l’espèce tel n’est pas le cas. En effet, il n’est pas reproché une absence interprète mais la non justification du recours à un moyen de télécommunication pour faire intervenir l’interprète.

En l’espèce, le 7 octobre à 18h35 les policiers ont acté avoir contacté trois interprètes en langue arabe (nom et coordonnées mentionnées.)

Il est acté que les trois interprètes n’étaient pas en mesure de se déplacer dans les délais permettant une notification dans des délais appropriés.

La notification des droits a pu être faite par téléphone, par l’intermédiaire de ISM interprétariat et Monsieur [L] [N] a été informé de l’identité de l’interprète Monsieur [Z].

Il a refusé de signe la notification.

La notification de son placement en garde à vue a été faite le 6 octobre 2023 à 14h25 par le truchement de monsieur [P] [C].

La notification de la prolongation de garde à vue a été fait, le 7 octobre 2023 à 12h45, par le truchement de Monsieur [P] [C]. Monsieur [L] [N] a refusé de signer le procès-verbal

Il a été entendu le 7 octobre 2023 à 14h56 en la présence de Monsieur [P] [C]

La notification de fin de garde à vue a été faite le 7 octobre 2023 à 15h14 en présence de Monsieur [P] [C].

La notification des droits de placement en retenue administrative a été faite le 7 octobre 2023 à 15h20, en présence de Monsieur [P] [C].

La notification de placement au CRA a été fait le 7 octobre 2023 à 17h18 par l’intermédiaire de Monsieur [P] [C].

La notification de fin de retenue administrative a été faire le 7 octobre 2023 à 17h32 en présence de Monsieur [P] [C].

Donc, le respect des droits fondamentaux de Monsieur [L] [N] a été assuré puisqu’il est incontestable qu’un interprète est intervenu normalement tout au long de la procédure.

Or, lorsque le recours à une disposition dérogatoire n’est pas suffisamment explicité, comme en l’espèce l’usage du téléphone en lieu et place de la présence physique de l’interprète, encore faut-il que le demandeur à la nullité établisse lui-même l’existence du grief résultant de cette omission.

Monsieur [L] [N] soutient que l’absence d’explication quant à l’impossibilité de se déplacer pour l’interprète lui fait grief car il n’a exercé aucun des droits qui lui étaient reconnus.

Ce faisant, il confond possibilité d’exercer ou non les droits, avec l’exigence d’être parfaitement informé des mêmes droits.

Il ne fait la démonstration d’aucun grief puisqu’il a eu connaissance de l’ensemble de ses droits et a pu s’expliquer, qu’il a été régulièrement informé des conditions et des suites de la procédure de retenue, qu’il a été tenu informé de l’identité de l’interprète.

Il ne démontre pas plus ne pas avoir eu connaissance de ses droits.

Il n’explique pas en quoi les raisons personnelles qui ont empêché l’interprète d’être toujours présent physiquement, ont eu un impact sur sa compréhension lors de la notification de ses droits.

Il ne justifie donc d’aucun grief qui résulterait de l’absence d’explication quant à l’impossibilité physique pour Monsieur [Z] d’être à ses côtés en début et en fin de procédure.

Dès lors, la nullité invoquée sera écartée et la procédure de retenue considérée comme régulière.

Absence de l’avocat

Lors de son placement en garde à vue Monsieur [L] [N] a été informé de ses droits et en particulier de son droit d’être assisté d’un avocat. Il est acté « pour le moment, je ne désire pas bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de cette mesure ni au début de la prolongation si celle-ci est accordée ».

Il a signé ce procès-verbal qui lui a été traduit par l’interprète

Lors de la notification de la prolongation de garde à vue il a souhaité un avocat commis d’office.

Il a été entendu le 7 octobre 2023 à 14h56 en la présence de l’interprète mais sans avocat.

Toutefois il est fait mention dans le procès-verbal de notification de fin de garde à vue retraçant les diversdiligences effectuées que le 7 octobre 2023 à 12h50, son avocat a été contacté et avisé afin de l’assister au cours de cette mesure, que l’entretien avec un conseil n’a pu avoir lieu, l’avocat dûment contacté ne s’étant pas présenté dans les délais de la période concernée.

Dès lors, la nullité invoquée sera écartée et la procédure de retenue considérée comme régulière.

Juxtaposition procédure de garde à vue et placement en rétention

La garde à vue de Monsieur [L] [N] a débuté le 6 octobre à 14h25.

La garde vue a été prolongée le 7 octobre 2023 à 12h45.

Le 7 octobre à 14h20, le procureur a donné comme instruction de lever la garde à vue pour placement au CRA.

La garde à vue a été levée à 15h20.

L’article L813-3 du Ceseda dispose que l’étranger ne peut être retenu que le temps strictement exigé par l’examen de son droit de circulation ou de séjour, et le cas échéant le prononcé et la notification des décisions administratives applicables.

La notification des droits de placement en retenue administrative a été faite le 7 octobre à 15h20.

La notification du placement au centre de rétention administratif a été faite à 17h18.

Si la notification du placement au centre de rétention n’a eu lieu qu’à 17h18 la durée correspond aux prévisions légale pour l’analyse de la situation de monsieur [N] et n’a pas excédé la durée maximale prévue par la loi.

La procédure sera donc déclarée régulière comme proposé par le premier juge.

Sur la contestation de la régularité de la décision de placement en détention

La décision de placement en centre de rétention a été signée le 7 octobre 2023 par [E] [M] « pour le préfet et par délégation, le directeur de cabinet »

Il ressort de l’arrêté du 30 janvier 2023, publié le 30 janvier 2023 au recueil des actes administratifs n°31-2023-041Monsireur [M], sous-préfet, directeur de cabinet de la région Occitanie a reçu délégation de signature à l’effet de signer durant les permanences du corps préfectoral les documents suivants :

« 4) b- décision d’éloignement et décision les assortissant et de transfert à l’encontre des ressortissant étranger et la mise à exécution de ces décisions.

Monsieur [M] avait donc bien délégation pour signer le placement en rétention qui est la mise à exécution de la décision d’interdiction définitive du territoire français. »

Selon le planning de permanence Monsieur [M] était bien de permanence le week-end des 7 et 8 octobre 2023.

Il avait donc bien l’habilitation nécessaire.

Comme ci-avant rappelé, les moyens soulevés par Monsieur [N], tendant à contester la procédure préalable à la rétention, la décision de placement en rétention ou le déroulement de la rétention, sont rejetés, de plus les conditions propres à chacune des prolongations sont remplies et enfin, l’administration justifie de diligences.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons recevable l’appel interjeté par Monsieur [L] [N] à l’encontre de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Toulouse en date du 9 octobre 2023,

Confirmons ladite ordonnance en toutes ses dispositions,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture de la Haute-Garonne, à Monsieur [L] [N] ainsi qu’à son conseil et communiquée au ministère public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

K. MOKHTARI A. CAPDEVIELLE

 

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