Une administrée a fait valoir avec succès que la DGFIP ne l’a pas informée du transfert de ses données personnelles et l’ACOSS de leur traitement, en violation à la fois des dispositions du RGPD applicables en l’espèce s’agissant de ses revenus 2018 et de l’article 32 de la loi du 6 janvier 1978, de la délibération n° 2017-279 du 26 octobre 2017 de la CNIL, de la décision C-201/4 du 1er octobre 2015 de la CJUE, la mention afférente au transfert des données figurant dans l’appel de cotisations n’y suppléant pas.

En effet, il résulte des articles L. 380-2, R. 380-3, D.380-5-1 du code de la sécurité sociale que la cotisation subsidiaire maladie est calculée, appelée et recouvrée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l’administration fiscale dont les agents ont communiqué aux organismes de recouvrement les informations nominatives déclarées pour l’établissement de l’impôt.

Par délibération n° 2017-279 du 26 octobre 2017 publiée au JO du 4 novembre 2017, la CNIL a autorisé la mise en oeuvre d’un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation subsidiaire maladie en précisant que les organismes de recouvrement seront destinataires des données émanant de la direction générale des finances publiques et concernant les cotisants pour lesquels ils seront territorialement compétents.

Le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 a autorisé pour l’application des dispositions de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale la création par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale d’un traitement de données à caractère personnel dénommé « Cotisation spécifique maladie ».

Les finalités de ce traitement sont le calcul et le recouvrement par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale de la cotisation spécifique maladie prévue par l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale.

Le traitement autorisé par ce texte porte notamment sur les catégories de données relatives à l’identité des personnes et à leur situation fiscale.

En application de l’article 32 III de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa version issue de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 applicable en l’espèce, lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l’enregistrement des données ou, si une communication des données à un tiers a été envisagée, au plus tard lors de cette première communication.

Il est constant qu’en l’espèce, il incombait à l’Urssaf, au visa de ce texte, d’informer Mme [G] de la transmission de ses données personnelles émanant de l’administration fiscale.

Le rappel sur le site internet de l’Urssaf des modalités de recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie calculée à partir des éléments transmis par l’administration fiscale ne peut pallier l’absence de courrier personnalisé adressé à Mme[G].

Il découle de ce qui précède que l’Urssaf, en ne respectant pas les dispositions sus-visées qui ont pour objet de protéger un droit fondamental, a commis une irrégularité de fond affectant la procédure de recouvrement de sorte l’appel de cotisations en date du 28 novembre 2019 sera annulé.


 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

————————–

ARRÊT DU : 09 MARS 2023

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 21/02246 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MB4X

Madame [U] [G]

c/

URSSAF DU LIMOUSIN

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 mars 0021 (R.G. n°20/00583) par le Pôle social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d’appel du 15 avril 2021.

APPELANTE :

Madame [U] [G]

née le 25 Février 1978 à , demeurant [Adresse 2]

rerpésentée par Me WHITE substituant Me David LEGROUX de la SELARL LD AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

URSSAF DU LIMOUSIN prise en la personne de son directeur domicilié en cette qaulité au siège social [Adresse 1]

représentée par Me Jessica GARAUD substituant Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 janvier 2023, en audience publique, devant Madame Marie-Paule Menu, présidente, magistrat chargé d’instruire l’affaire, et madame Sophie Lésineau, conseillère, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Cybèle Ordoqui, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Le 28 novembre 2019, l’Urssaf Limousin a adressé à Mme [G] un appel de cotisations relatif à la cotisation subsidiaire maladie pour l’année 2018 pour un montant de 111.420 euros à régler avant le 6 janvier 2020.

Mme [G] a saisi la commission de recours amiable de l’organisme de sa contestation le 28 décembre 2019 .

Mme [G] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux le 3 avril 2020 d’un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission.

Réunie le 28 mai 2020, la commission de recours amiable a confirmé l’appel de cotisations.

Par jugement du 15 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a déclaré le recours de Mme [G] recevable mais mal fondé, a jugé Mme [G] redevable de la cotisation subsidiaire maladie 2018 pour la somme de 111.420 euros, a confirmé en tant que de besoin les décisions de l’organisme et de la commission de recours amiable, a condamné Mme [G] à payer à l’Urssaf Limousin 111.420 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie 2018, a rejeté le surplus des demandes, a condamné Mme [G] aux dépens.

Mme [G] a relevé appel de la décision par une déclaration du 15 avril 2021, dans ses dispositions qui jugent son recours mal fondé, qui la jugent redevable de la cotisation subsidiaire maladie 2018 pour la somme de 111.420 euros, qui confirment en tant que de besoin les décisions de l’organisme et de la commission de recours amiable, qui la condamnent à payer à l’Urssaf Limousin 111.420 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie 2018, qui rejettent le surplus des demandes, qui la condamnent aux dépens.

L’affaire a été fixée à l’audience du 11 janvier 2023, pour être plaidée.

Par ses dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 20 septembre 2022, reprises sur l’audience oralement, Mme [G] demande à la Cour de:

– à titre principal:

‘ infirmer la décision déférée dans toutes ses dispositions

‘ constater que la cotisation subsidiaire maladie a été appelée sans information préalable du transfert des données personnelles

‘ dire et juger que la cotisation subsidiaire maladie a été appelée en violation des dispositions de l’article 14 du RGPD, de la délibération n° 2017-279 du 26 octobre 2017 de la CNIL et de l’article 32 de la loi du 6 janvier 1978

‘ prononcer la nullité de l’appel de cotisations

– à titre subsidiaire:

‘ infirmer la décision déférée dans toutes ses dispositions

‘ constater que la cotisation subsidiaire maladie a été appelée postérieurement au 29 novembre 2019

‘ dire et juger que la cotisation subsidiaire maladie a été appelée tardivement en violation des dispositions de l’article R.380-2 du code de la sécurité sociale ce qui en rend le recouvrement impossible

‘ prononcer la nullité de l’appel de cotisations

– à titre plus subsidiaire:

‘ infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions

‘ constater que le conseil constitutionnel a émis le 27 septembre 2018 une réserve d’interprétation relative à la loi du 21 décembre 2015 n° 2015-1702

‘ dire et juger que cette réserve d’interprétation s’applique à l’article L.380-2 du code de la sécurité sociale tel qu’il résulte de sa rédaction initiale issue de la loi du 21 décembre 2015 n° 2015-1702 à compter de la décision

‘ dire et juger que l’article L.380-2 du code de la sécurité sociale tel qu’il résulte de sa rédaction initiale issue de la loi du 21 décembre 2015 n° 2015-1702 ne peut servir de fondement à un appel de cotisations postérieur à la réserve d’interprétation émise le 27 septembre 2018

‘ dire et juger que l’appel de cotisations a été émis sur le fondement de l’article L.380-2

du code de la sécurité sociale tel qu’il résulte de sa rédaction initiale issue de la loi du 21 décembre 2015 n° 2015-1702, en violation de la réserve d’interprétation, ce qui rend le recouvrement impossible

‘ prononcer la nullité de l’appel de cotisations

– à titre infiniment subsidiaire :

‘ infimer le jugement déféré en toutes ses dispositions

‘ constater que le conseil constitutionnel a émis le 27 septembre 2018 une réserve d’interprétation relative à la loi du 21 décembre 2015 n° 2015-1702

‘ dire et juger que cette réserve d’interprétation s’applique à l’article L.380-2 du code de la sécurité sociale tel qu’il résulte de sa rédaction initiale issue de la loi du 21 décembre 2015 n° 2015-1702 à compter de la décision

‘ constater que l’appel de cotisations en date du 28 novembre 2019 est postérieur à la réserve d’interprétation

‘ dire et juger que l’article L.380-2 du code de la sécurité sociale tel qu’il résulte de sa rédaction initiale ne peut pas être appliqué à un appel de cotisations postérieur à la réserve d’interprétation

‘ dire et juger que le plafonnement instauré à compter des cotisations 2019 dues au titre de la cotisation subsidiaire maladie s’applique à l’appel de cotisations émis au titre de ses revenus 2018

‘ dire et juger que l’exécdent ne pourra pas être recouvré

– en tout état de cause :

‘ infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions

‘ débouter l’Urssaf Limousin de sa demande en paiement sur la base de l’appel à cotisations en date du 28 novembre 2019

‘ débouter l’Urssaf Limousin de ses demandes, fins et conclusions

‘ condamner l’Urssaf Limousin au paiement d’une indemnité de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

‘ condamner l’Urssaf Limousin aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 28 septembre 2022, reprises sur l’audience oralement, l’Urssaf Limousin demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les ‘dire et juger’ et les ‘constater’ ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur la régularité de la procédure d’appel de cotisations eu égard à la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, de la délibération n° 2017-279 du 26 octobre 2017 de la CNIL, de l’article 15 du RGPD

L’appelante fait valoir que la DGFIP ne l’a pas informée du transfert de ses données personnelles et l’ACOSS de leur traitement, en violation à la fois des dispositions du RGPD applicables en l’espèce s’agissant de ses revenus 2018 et de l’article 32 de la loi du 6 janvier 1978, de la délibération n° 2017-279 du 26 octobre 2017 de la CNIL, de la décision C-201/4 du 1er octobre 2015 de la CJUE, la mention afférente au transfert des données figurant dans l’appel de cotisations n’y suppléant pas.

L’intimée expose que le transfert des données personnelles est intervenu dans le respect des dispositions du décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 publié le 4 novembre 2017, et des dispositions du décret n° 2018-392 du 24 mai 2018 publié le 26 mai 2018 et que son site indique expressément que les redevables sont identifiés à partir des données transmises par l’administration fiscale sur la base des éléments de revenus pris en compte pour l’impôt sur le revenu.

Il résulte des articles L. 380-2, R. 380-3, D.380-5-1 du code de la sécurité sociale que la cotisation subsidiaire maladie est calculée, appelée et recouvrée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l’administration fiscale dont les agents ont communiqué aux organismes de recouvrement les informations nominatives déclarées pour l’établissement de l’impôt.

Par délibération n° 2017-279 du 26 octobre 2017 publiée au JO du 4 novembre 2017, la CNIL a autorisé la mise en oeuvre d’un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation subsidiaire maladie en précisant que les organismes de recouvrement seront destinataires des données émanant de la direction générale des finances publiques et concernant les cotisants pour lesquels ils seront territorialement compétents.

Le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 a autorisé pour l’application des dispositions de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale la création par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale d’un traitement de données à caractère personnel dénommé « Cotisation spécifique maladie ».

Les finalités de ce traitement sont le calcul et le recouvrement par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale de la cotisation spécifique maladie prévue par l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale.

Le traitement autorisé par ce texte porte notamment sur les catégories de données relatives à l’identité des personnes et à leur situation fiscale.

En application de l’article 32 III de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa version issue de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 applicable en l’espèce, lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l’enregistrement des données ou, si une communication des données à un tiers a été envisagée, au plus tard lors de cette première communication.

Il est constant qu’en l’espèce, il incombait à l’Urssaf, au visa de ce texte, d’informer Mme [G] de la transmission de ses données personnelles émanant de l’administration fiscale.

Le rappel sur le site internet de l’Urssaf des modalités de recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie calculée à partir des éléments transmis par l’administration fiscale ne peut pallier l’absence de courrier personnalisé adressé à Mme[G].

Il découle de ce qui précède que l’Urssaf, en ne respectant pas les dispositions sus-visées qui ont pour objet de protéger un droit fondamental, a commis une irrégularité de fond affectant la procédure de recouvrement de sorte l’appel de cotisations en date du 28 novembre 2019 sera annulé.

Le jugement sera réformé en ce sens que le recours de Mme [G] à l’encontre de la décision de la commission de recours amiable sera déclaré bien fondé et l’appel de cotisations en date du 28 novembre 2019 annulé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L’Urssaf Limousin, qui succombe, supportera les dépens de première instance, le jugement déféré étant réformé en ce sens, et les dépens d’appel.

Il n’est pas contraire à l’équité de laisser à Mme [G] la charge des frais non compris dans les dépens. Elle sera en conséquence déboutée de la demande qu’elle a formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME la décision déférée dans ses dispositions qui déclarent recevable le recours formé par Mme [G] à l’encontre de la décision rendue par la commission de recours amiable de l’Urssaf Limousin le 28 mai 2020

INFIRME la décision déférée pour le surplus de ses dispositions

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant

ANNULE l’appel de cotisations du 28 novembre 2019

DEBOUTE l’Urssaf Limousin de ses demandes

CONDAMNE l’Urssaf Limousin aux dépens de première instance et aux dépens d’appel

DEBOUTE Mme [G] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Signé par Madame Marie-Paule Menu, présidente,et par Madame Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps MP. Menu

 

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