La société sollicite d’accompagner la communication des éléments demandés de leur anonymisation au motif que le règlement général de la protection des données (RGPD) l’oblige à la protection des données individuelles de ses salariés, indiquant que la protection de la vie privée a la même valeur normative, au sens des dispositions nationales et communautaires, que celle de la protection de la preuve. Elle indique que cette communication ne doit pas porter une atteinte excessive à la vie privée et qu’elle doit être proportionnelle au but rec

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Cour d’appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 2, 23 mars 2023, 21/09314 Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRÊT DU 23 MARS 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09314 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEUES

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Octobre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° 20/01213

APPELANTE

S.A. DASSAULT AVIATION

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

INTIME

Monsieur [I] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Clara GANDIN de la SELARL BOUSSARD VERRECCHIA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque: K0138

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Didier MALINOSKY, magistrat honoraire, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

FOURMY Olivier, Premier président de chambre

ALZEARI Marie-Paule, présidente

MALINOSKY Didier, Magistrat honoraire

Greffière lors des débats : Mme Alicia CAILLIAU

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

– signé par Monsieur FOURMY Olivier, Premier président de chambre et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [I] [Y] a été embauché, en contrat à durée indéterminée, le 6 janvier 1997 en qualité de collaborateur d’atelier, statut Ouvrier, niveau I, échelon 2, coefficient 155.

Lors de son embauche, M. [Y] est titulaire d’un CAP plomberie et d’un BEP chauffage.

M. [Y] était, jusqu’en mai 2021, professionnel de fabrication, niveau III, échelon 1, coefficient 215.

Le 1er juin 2021, postérieurement à sa saisine du conseil, il a bénéficié du coefficient 225.

Il percevait en 2020 un salaire mensuel de base de 2 252,98 euros bruts.

Son engagement syndical est connu de l’employeur, ainsi à compter de 2007, il a exercé diverses activités syndicales sous étiquette CGT : membre suppléant au CE.

La société Dassault Aviation, acteur majeur de l’industrie aéronautique, civile et militaire, comprend neuf établissements dédiés à la production, à la fabrication et à l’assemblage des pièces pour avions civils et militaires, répartis sur le territoire français, dont les effectifs actifs sont, en mars 2021, de :

– 604 salariés pour l’établissement d'[Localité 4],

– 476 salariés pour l’établissement de [Localité 6],

– 445 salariés pour l’établissement d'[Localité 5],

– 387 salariés pour l’établissement de [Localité 7].

La majeure partie du personnel travaille dans la filière ‘Atelier’ (dite ‘filière 210″) qui regroupe les métiers de production, essentiellement des ajusteurs.

La convention collective nationale applicable à l’ensemble de ces établissements est celle des industries métallurgiques de la région parisienne.

Estimant être victime d’une discrimination syndicale, M. [Y] a saisi, le 7 décembre 2020, le conseil des prud’hommes de Paris sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 21 octobre 2021, le conseil des prud’hommes de Paris, en formation de départage, a :

– dit que M. [I] [Y] justifie d’un motif légitime de nature à justifier une mesure d’instruction en application de l’article 145 du code de procédure civile.

– ordonné à la Société Dassault Aviation de produire la liste nominative de tous les salariés embauchés entre 1994 et 2000 au statut ouvrier, dans la filière personnel de fabrication, niveau I, échelon 3 au coefficient 155, au sein de l’établissement d'[Localité 4] et encore présents dans l’entreprise en octobre 2020, ainsi que pour chacun d’entre eux les informations suivantes:

. leur sexe ;

. les dates de promotions en positions et indices ;

.leur rémunération annuelle brute en distinguant de manière apparente tous les éléments de rémunération (salaire de base, bonus/variable, primes, indemnités de toute nature) ;

– ordonné à la Société Dassault Aviation de communiquer pour chacun de ces salariés :

. le contrat de travail initial ;

. les bulletins de salaires des mois de décembre sur les cinq dernières années ;

. le bulletin de salaire du mois de juin 2021 ;

– dit que la Société Dassault Aviation devra s’exécuter dans le délai de quatre mois suivant la notification de la présente décision et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit ;

– condamné la Société Dassault Aviation aux dépens de la présente instance.

Le 08 novembre 2021, la société Dassault Aviation (ci-après la société) a interjeté appel.

Par conclusions en date du 1er avril 2022, la société demande à la cour de :

– infirmer l’ordonnance rendue le 21 octobre 2021 par la section référée (en sa formation de départage) du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’elle a :

o dit que M. [Y] justifie d’un motif légitime de nature à justifier une mesure d’instruction en application de l’article 145 du code de procédure civile ;

o ordonné à la Société de produire la liste nominative de tous les salariés embauchés entre 1994 et 2000 au statut ouvrier, dans la filière personnel de fabrication, niveau I, échelon 3 au coefficient 155, au sein de l’établissement d'[Localité 4] et encore présents dans l’entreprise en octobre 2020, ainsi que pour chacun d’entre eux les informations suivantes :

. leur sexe,

. les dates de promotions en positions et indices,

. leur rémunération annuelle brute en distinguant de manière apparente tous les éléments de rémunération (salaire de base, bonus/variable, primes, indemnités de toute nature)

o ordonné à la Société de communiquer pour chacun de ces salariés :

. le contrat de travail initial,

. les bulletins de salaire des mois de décembre sur les cinq dernières années,

. le bulletin de salaire du mois de juin 2021,

o dit que la Société devra s’exécuter dans le délai de quatre mois suivant la notification de la présente décision et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

o condamne la Société aux dépens de la présente instance.

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

A titre principal,

– juger que les conditions d’application de l’article 145 du code de procédure civile ne sont pas remplies ;

– Débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes.

En conséquence,

– ordonner à M. [Y] la destruction des données et éléments communiqués par la Société en exécution de l’ordonnance du 21 octobre 2021, sans conserver aucune copie de ces éléments même partiellement et sans possibilité de les exploiter sous cette forme nominative ;

Subsidiairement,

– cantonner la communication de la Société aux seuls éléments suivants :

– une liste non nominative de comparants comprenant :

o les salariés embauchés sur +/- deux ans (étendue après une première analyse éventuellement à +/- trois ans si le nombre de comparants y compris le salarié demandeur est inférieur à 5), sur le même établissement, au même statut, dans la même filière, au même niveau, même indice/échelon et même coefficient, et encore présents dans la Société ou partis la même année que M. [Y],

o leur sexe,

o leurs promotions (filière/ coefficient, date et salaire de base correspondant),

o leurs augmentations individuelles (date et salaire de base correspondant),

o la mention de mandat(s) CGT.

– une liste regroupant la rémunération annuelle brute de M. [Y] et des comparants par année civile depuis leur embauche, en distinguant les éléments de rémunération (salaire de base intégrant les éventuelles augmentations individuelles et la prime d’ancienneté),

– Pour chacun des comparants figurant sur cette liste les bulletins de salaire de décembre des cinq dernières années (2020, 2019, 2018, 2017, 2016) et le bulletin de paie le plus récent sur lesquels la Société aura masqué les mentions personnelles suivantes :

nom et prénom, matricule/identité, adresse, n° de SS, coordonnées bancaires, partie fiscale, partie « informations pour le salarié » ;

– ordonner à M. [Y] la destruction des données et éléments communiqués par la Société en exécution de l’ordonnance du 21 octobre 2021, sans conserver aucune copie de ces éléments même partiellement et sans possibilité de les exploiter de quelque façon que ce soit sous cette forme nominative.

A titre infiniment subsidiaire,

– faire injonction à M. [Y] d’apporter des garanties sur l’absence de traitement de ces données notamment en lui interdisant de diffuser de quelque façon que ce soit à des tiers les documents nominatifs obtenus et/ou les données qui y figurent, en lui interdisant de les diffuser et/ou de les exploiter de quelque façon que ce soit dans un litige autre que celui éventuel qu’elle pourrait engager au fondement de la discrimination dont elle se prétend aujourd’hui victime dans le cadre d’une éventuelle saisine du conseil de prud’hommes et en lui faisant injonction de détruire les données et éléments nominatifs communiqués dans le cadre du présent contentieux une fois l’éventuelle action en discrimination terminée.

En tout état de cause :

– condamner M. [Y] à verser à la Société la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [Y] aux entiers dépens.

Par conclusions du 3 mars 2022, M. [Y] demande à la cour de :

– de confirmer l’ordonnance du 21 octobre 2021 en ce qu’elle a jugé que M. [Y] justifiait d’un motif légitime de nature à justifier une mesure d’instruction, en application de l’article 145 du code de procédure civile,

En conséquence,

‘ ordonner à Dassault Aviation la production des éléments suivants :

o La liste nominative de tous les salariés embauchés entre 1994 et 2000 au statut ouvrier, dans la filière personnel de fabrication, niveau I, échelon 3 au coefficient 155 au sein de l’établissement d'[Localité 4] et encore présents dans l’entreprise en octobre 2020, ainsi que pour chacun d’entre eux les informations suivantes :

– leur sexe,

– leur date d’embauche,

– leurs dates de promotions en positions et indices,

– leur rémunération annuelle brute en distinguant de manière apparente tous les éléments de rémunération (salaire de base, bonus / variable, primes, indemnités de toute nature, etc.), depuis l’année d’embauche jusqu’à juin 2021, ainsi que les bulletins de salaire nominatifs de décembre de chaque année et, à titre subsidiaire, le contrat de travail et les bulletins de salaire nominatifs de décembre des cinq dernières années et de juin 2021, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans le délai d’un mois suivant notification de la décision à intervenir, la cour se réservant le droit de liquider l’astreinte ordonnée.

‘ infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a débouté le salarié de sa demande de production forcée par Dassault de la copie de son dossier professionnel détenu par les ressources humaines, y compris les éléments médicaux dont il lui a été refusé la communication, et réformant l’ordonnance, de faire droit à cette demande,

‘ débouter la SA Dassault Aviation de l’intégralité de ses demandes, y compris de ses demandes d’anonymisation des éléments sollicités et de sa demande infiniment subsidiaire, de faire interdire à M. [Y] de communiquer à des tiers les éléments transmis ou de lui faire injonction de les détruire, comme relevant d’une mesure inutile et vexatoire,

‘ condamner la SA Dassault Aviation à payer à M. [Y] une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance d’appel et de première instance.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 30 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les mesures d’instruction

Sur le motif légitime

La société souligne qu’il n’existe aucun motif légitime au salarié ni aucune utilité à la communication ‘judiciaire’ des éléments sollicités puisqu’elle est disposée à remettre les éléments nécessaires à l’établissement d’un panel pour comparer l’évolution salariale et de carrière du salarié sous la réserve de leur anonymisation. Elle précise que M. [Y] est, à son sens, en possession d’éléments pouvant laisser présumer l’existence d’une discrimination et qu’ainsi, il ne lui est pas nécessaire d’obtenir d’autres éléments.

La société indique que M. [Y] tente de détourner la finalité d’une mesure d’instruction en transformant, avec les trente neuf autres salariés, un contentieux individuel en mesure générale de communication d’éléments dont le salarié n’est pas autorisé à avoir connaissance. Elle conclut à l’infirmation de l’ordonnance du 21 octobre 2021.

En réponse, M. [Y] indique que ses demandes visent à obtenir, par la voie judiciaire, les éléments nécessaires à l’administration de la preuve, rappelant que seul l’employeur est détenteur des éléments nécessaires à l’établissement d’un panel justifiant l’existence d’une discrimination et de son étendue.

Il rappelle, d’une part, qu’il n’a aucun accès aux registres du personnel des autres établissements de la société et, d’autre part, que le registre de son établissement, que son mandat de membre du CSE permet seulement de consulter, ne comportait pas toutes les mentions obligatoires à l’embauche en particulier la qualification et le coefficient de nombreux salariés. Il précise que ces éléments sont insuffisants pour constituer un panel de comparaison justifiant la réalité, la date de début et l’étendue d’une éventuelle discrimination.

Sur ce,

L’article 145 du code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Il est constant que la procédure de l’article 145 n’est pas limitée à la seule conservation des preuves mais peut tendre à leur établissement et que l’exercice d’une action en justice sur le fondement d’une discrimination, qui est prohibée par la loi, est un motif légitime justifiant la production de documents relatifs à la rémunération de salariés, tiers au procès.

Par ailleurs, les demandes du salarié, dont la cour rappelle qu’elles sont individuelles, n’ont pas un caractère général de contrôle de la politique sociale, que la société leur prête, surtout que la société s’engageait, dès le début de la procédure, à fournir ces éléments sous réserve de leur anonymisation.

Enfin, la société ne justifie d’aucune communication à M. [Y] d’un panel de comparaison même restreint, le salarié reconnaissant une consultation du registre d’entrée et sortie du personnel, des échanges de courriers et de courriels entre le syndicat et la direction, et des procès-verbaux de réunions des institutions représentatives du personnel.

Ainsi, la cour relevant l’existence d’un motif légitime à la communication, par la société, d’éléments de comparaison entre l’évolution de carrière et celles de salariés ayant une date et un coefficient d’embauche similaire aux siens, confirme, à ce titre, l’ordonnance déférée.

Sur l’étendue des documents sollicités

La société sollicite d’accompagner la communication des éléments demandés de leur anonymisation au motif que le règlement général de la protection des données (RGPD) l’oblige à la protection des données individuelles de ses salariés, indiquant que la protection de la vie privée a la même valeur normative, au sens des dispositions nationales et communautaires, que celle de la protection de la preuve. Elle indique que cette communication ne doit pas porter une atteinte excessive à la vie privée et qu’elle doit être proportionnelle au but recherché.

Elle précise que la communication des éléments, telle que retenue par les premiers juges, est excessive car concernant des panels comprenant, pour les 40 intimés, les noms de 425 salariés alors que les panels qu’elle s’engage à produire, pour l’ensemble des intimés, en concernent seulement 359. Elle indique que les salariés pouvant se servir des éléments communiqués pour d’autres motifs qu’une procédure au fond, elle sollicite, arguant d’une possible utilisation frauduleuse, la destruction des éléments déjà communiqués.

M. [Y] estime que les documents retenus par l’ordonnance du 21 octobre 2021rectifiée sont nécessaires au succès d’une procédure au fond et ne sont pas contraires au respect de la vie privé des salariés concernés. Il indique que l’étendue de l’éventuelle discrimination, dont il s’estime victime, ne peut être prouvée que par des éléments clairs et vérifiables et par la connaissance du nom, du sexe et des éventuels mandats syndicaux des salariés ayant une date et un coefficient d’embauche équivalent au sien.

Il conclut, sur ces éléments, à la confirmation de l’ordonnance.

Sur ce,

Si, aux termes des articles 6 et 82 du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) du 23 mai 2018, l’employeur est tenu, en tant que responsable de traitement, de prendre toutes les précautions nécessaires pour préserver la sécurité des données personnelles de ses salariés, il appartient néanmoins au juge d’apprécier si la communication des informations non anonymisées est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi, et le cas échéant d’ordonner la communication des documents comportant des informations personnelles sur les salariés et de déterminer leur étendue.

En l’espèce, la cour relève que les demandes de M. [Y] concernent essentiellement l’identité, la qualification et la rémunération des salariés pouvant former un panel de comparaison et excluent la communication de l’adresse personnelle et des données bancaires ou fiscales, malgré les allégations contraires de la société.

Par ailleurs, la société ne justifie en rien d’une communication d’un panel restreint, aucun document n’étant produit ni par elle ni par le salarié qui indique seulement une consultation du registre du personnel de son établissement et une connaissance individuelle de la situation de certains salariés, laissant supposer une différence de traitement.

Enfin, la cour rappelle, d’une part, que la mauvaise foi d’une partie ou l’utilisation frauduleuse ne se présume pas et, d’autre part, que l’article 145 du code de procédure civile fixe les limites de la production des documents à l’exercice d’un procès sans autre utilisation.

Ainsi, il y a lieu de rejeter les demandes de la société sur l’anonymisation des données et sur leur destruction et de confirmer l’ordonnance.

Sur l’appel incident de M. [Y]

M. [Y] sollicite la communication de son dossier personnel détenu par la société Dassault. Il indique que ce dossier comporterait des éléments médicaux tel que des avis d’inaptitude, ses arrêts de travail et d’autres éléments dont il n’a pu avoir connaissance de leur présence et qui sont nécessaires à l’évaluation de sa situation. Il indique que ces éléments sont différents de ceux de son dossier médical détenu par la médecine du travail et conclut à l’infirmation, à ce titre, de l’ordonnance entreprise.

La société sollicite la confirmation en indiquant que le salarié a tout loisir de venir consulter son dossier personnel et d’en faire copie. La société précise que les éléments ‘médicaux’ ne concernent que ceux qui lui sont adressés soit par le salarié, les arrêts de travail, soit par la médecine du travail, les avis d’aptitude ou d’inaptitude.

Sur ce,

Les articles 12, 15, 16 et 17 relatifs à la ‘transparence des informations et des communications et modalités de l’exercice des droits de la personne concernée’, ‘au droit d’accès de modification et de communication’ du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données dispose que :

– ‘le responsable du traitement prend des mesures appropriées pour fournir toute information visée aux articles 13 et 14 ainsi que pour procéder à toute communication au titre des articles 15 à 22 et de l’article 34 en ce qui concerne le traitement à la personne concernée d’une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible, en des termes clairs et simples’.

– ‘la personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement la confirmation que des données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées’.

– ‘la personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement, dans les meilleurs délais, la rectification des données à caractère personnel la concernant qui sont inexactes’.

– ‘la personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel la concernant et le responsable du traitement a l’obligation d’effacer ces données à caractère personnel dans les meilleurs délai’.

Au regard des dispositions communautaires, la société est tenue de fournir, sur simple demande d’un salarié, tous les éléments contenus dans son dossier personnel pour que ce dernier puisse contrôler, modifier, effacer les données le concernant. Cette obligation repose sur l’employeur sans qu’il puisse se réfugier sur l’éventuelle consultation du dossier ou la réalisation, par le salarié, de copie.

Par ailleurs, le dossier personnel du salarié comporte des éléments sur sa carrière, sur les avis des différentes hiérarchies et sur les éléments pris en compte pour accorder les augmentations de salaire et les promotions.

Ainsi, la société ne peut valablement soutenir qu’il appartient à M. [Y] de venir, seulement, consulter son dossier personnel et d’en faire copie alors que l’obligation de communication du dossier personnel lui est imputable, la cour infirmant, à ce titre, l’ordonnance entreprise.

Sur l’astreinte

Les parties sont en accord pour indiquer que la société a exécuté l’ordonnance.

Ainsi, il n’y a pas lieu de fixer une nouvelle astreinte étant rappelé que le présent arrêt est exécutoire, nonobstant toute voie de recours.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société qui succombe sera condamné aux dépens d’appel et déboutée en sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera fait application de cet article au profit de la partie intimée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme l’ordonnance entreprise en toute ses dispositions sauf en ce qu’elle a débouté M. [I] [Y] de sa demande de communication de son dossier personnel ;

Statuant du chef infirmé et y ajoutant,

Ordonne la communication, par la SA Dassault Aviation, du dossier personnel de M. [I] [Y], détenu par le service RH de la société ;

Condamne la SA Dassault Aviation aux dépens d’appel ;

Condamne la SA Dassault Aviation à payer à M. [I] [Y] la somme de 200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière, Le Président,  

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