Des codes d’accès informatique permettant d’accéder aux données de personnes (bénéficiaires d’une l’association pour établir les contrats RSA) ne sauraient en aucun cas être considérés comme des données personnelles.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT DU 07 AVRIL 2022

Rôle N° RG 21/10537 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHZPP

F A épouse X

C/

ASSOCIATION ACCOMPAGNEMENT PROMOTION INSERTION (API PROVENCE), venant aux droits de l’Association ATE – ACCUEIL TRAVAIL EMPLOI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Nice en date du 22 Juin 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 20/00281.

APPELANTE

Madame F A épouse X, demeurant […]

représentée par Me Hanan HMAD de l’AARPI OLOUMI AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substituée par Me Anne DELLA MONICA, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

ASSOCIATION ACCOMPAGNEMENT PROMOTION INSERTION (API PROVENCE), venant aux droits de l’Association ATE – ACCUEIL TRAVAIL EMPLOI, demeurant […]

– […]

représentée par Me Manuella GUERRE-DELGRANGE, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Mariane ALVARADE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2022.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Mme F A, épouse X a été engagée par l’association ACCUEIL TRAVAIL EMPLOI (ATE), en qualité d’assistante de service social à compter du 1er janvier 2016, suivant contrat de travail à durée déterminée. La relation s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2017, moyennant un salaire brut moyen mensuel de 1858,61€.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 9 mai 2019, Mme X a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 23 mai 2019 et par lettre en la même forme, datée par erreur du 7 juin 2019, mais expédiée le 6 juin 2019, elle a été licenciée pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme X a saisi la juridiction prud’homale, le 5 juin 2020, afin d’obtenir diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail. Elle a en outre sollicité la condamnation de l’association API, venant aux droits de l’association ATE au paiement de sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de protection de ses données personnelles.

Par jugement rendu le 22 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Nice, a dit que le licenciement reposait sur une faute grave et a débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes:

Mme X a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 21 décembre 2021, Mme X, appelante, demande à la cour de voir:

‘- infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;

– juger que le licenciement prononcé à l’encontre de Mme X le 7 juin 2019 est sans cause réelle et sérieuse ;

– fixer le salaire de référence à 1858,61€ ;

– condamner l’association API, venant aux droits de l’association ATE à verser à Mme X les sommes de :

– 7434,44 € correspondant à quatre mois de salaire brut au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 2787,9 € au titre de l’indemnité de licenciement ;

– 3717,22 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

– 15.000,00 € en indemnisation du préjudice lié au caractère vexatoire de son licenciement ;

– 10.000,00 € en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de protection des données personnelles de Mme X ;

– 3000,00 € au titre de l’article 700 du code procédure civile.’

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 6 janvier 2022, l’association Accompagnement Promotion Insertion (API PROVENCE), venant aux droits de l’association ATE, des suites d’une fusion absorption opérée en avril 2020, avec effet rétroactif au 1er janvier 2020, intimée, demande à la cour de voir :

‘A titre principal,

– constater que le dispositif des conclusions notifiées par Mme X dans le délai de l’article 905-2 du code de procédure civile ne mentionnent pas les chefs de jugement dont elle sollicite l’infirmation,

En conséquence :

– prononcer la caducité de l’appel,

Subsidiairement,

– confirmer sur ce seul fondement le jugement du conseil de prud’hommes de Nice du 22 juin 2021 en ce qu’il a dit le licenciement pour faute grave justifié et en conséquence :

– débouter Mme N A, épouse X, de ses demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de licenciement et d’indemnité compensatrice de préavis;

– débouter Mme N A, épouse X, de l’ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions,

– infirmer le jugement du conseil de Prud’hommes de Nice du 22 juin 2021 en ce qu’il a débouté l’association API Provence de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

En conséquence, statuant à nouveau :

– condamner Mme N A, épouse X, au paiement d’une somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles de 1ère instance

– condamner Mme N A, épouse X, au paiement d’une somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ainsi qu’aux entiers dépens,

Subsidiairement, sur le fond :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nice du 22 juin 2021 en ce qu’il a dit le licenciement pour faute grave justifié et en conséquence :

– débouter Mme N A, épouse X, de ses demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de licenciement et d’indemnité compensatrice de préavis;

– débouter Mme N A, épouse X, de l’ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions,

– infirmer le jugement du conseil de Prud’hommes de Nice du 22 juin 2021 en ce qu’il a débouté l’association API Provence de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

En conséquence, statuant à nouveau :

– condamner Mme N A, épouse X, au paiement d’une somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles de 1ère instance – condamner Mme N A, épouse X, au paiement d’une somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ainsi qu’aux entiers dépens.’

Suivant ordonnance du 20 septembre 2021, l’affaire a été fixée à bref délai pour être évoquée à l’audience du 11 janvier 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la caducité de la déclaration d’appel

L’article 954 du code de procédure civile dispose : ‘les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée. Elles comprennent en outre l’indication des pièces invoquées. A cet effet, un bordereau récapitulatif leur est annexé.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.’

Selon l’article 562, alinéa 1 du code de procédure civile modifié, l’appel défère à la cour d’appel la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

L’association Accompagnement Promotion Insertion fait valoir qu’en application des dispositions précitées, le dispositif des conclusions doit solliciter l’infirmation du jugement tout en indiquant clairement les chefs de jugement dont l’infirmation est ainsi sollicitée,

qu’il doit comporter les prétentions sur le litige sans lesquelles la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement déféré,

que ces règles ont été édictées dans le but d’éviter de mener à son terme un appel irrémédiablement dénué de toute portée pour son auteur et poursuivent un but légitime de célérité de la procédure et de bonne administration de la justice,

que ces exigences doivent nécessairement être satisfaites par l’appelant dès les conclusions qu’il est tenu d’adresser dans le délai de trois mois de l’article 908 du code de procédure civile ou dans celui d’un mois prévu à l’article 905- 2 en cas de fixation à bref délai,

que ces dispositions s’appliquent en outre à minima aux instances introduites par déclaration d’appel postérieurement au 17 septembre 2020,

qu’en l’espèce, l’appel a été introduit le 15 juillet 2021 et le dispositif des conclusions initiales de l’appelante, de même que ses conclusions responsives se contentent de solliciter l’infirmation du jugement critiqué en toutes ses dispositions,

que la cour ne pourra donc que confirmer le jugement frappé d’appel sauf la faculté qui lui est reconnue à l’article 914 du code de procédure civile de relever d’office la caducité de l’appel.

*

La déclaration d’appel indique que l’appel est total et qu’il est demandé l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions et notamment en ce qu’il a confirmé le licenciement pour faute grave de Mme X, a débouté cette dernière de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux entiers dépens ».

Le dispositif des premières conclusions signifiées le 21 septembre 2021 est ainsi rédigé :

« infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;

juger que le licenciement prononcé à l’encontre de Mme X le 7 juin 2019 est sans cause réelle et sérieuse ;

fixer le salaire de référence à 1858,61 € ;

condamner l’association API, venant aux droits de l’association ATE à verser à Mme X les sommes de :

– 7434,44 € correspondant à quatre mois de salaire brut au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 2787,9 € au titre de l’indemnité de licenciement ;

– 3717,22 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

– 15.000,00 € en indemnisation du préjudice lié au caractère vexatoire de son licenciement ;

– 10.000,00 € en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de protection des données personnelles de Mme X ;

– 3000,00 € au titre de l’article 700 du code procédure civile.’

Il est en d’autres termes réitéré les demandes qui ont été rejetées dans leur intégralité par les premiers juges.

La cour est donc à même de saisir la finalité des conclusions établies par l’appelante qui consistent à demander l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes, ainsi que de connaître les chefs de jugements critiqués dont l’infirmation est sollicitée, étant suffisamment éclairée par la demande tendant à voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que par les demandes de condamnation au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.

Il en résulte que les conclusions en cause déterminent l’objet du litige en énonçant les chefs de jugement critiqués, en discutant des prétentions et moyens et saisissent la cour de prétentions au sens de l’article 954 du code de procédure civile avec un dispositif récapitulant l’objet de ces prétentions, sans que l’intimée ne puisse se prévaloir de la caducité de l’appel pour défaut de notification de conclusions conformes dans le délai d’un mois de l’article 905 – 2 du code de procédure civile.

Il n’y a donc pas lieu de prononcer la caducité de la déclaration d’appel.

Sur la demande d’annulation du jugement

Mme X fait valoir en premier lieu que les premiers juges ont omis de statuer sur l’une de ses demandes, alors qu’elle réclamait la réparation de son préjudice du fait de l’absence de protection de ses données personnelles. Elle invoque les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile qui prévoient que : « Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif.

». Elle sollicite en conséquence l’annulation du jugement.

En application de l’article 463 du code de procédure civile : « La juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens ».

Il est constant que les premiers juges n’ont pas tranché la question de la réparation du préjudice résultant de l’absence de protection des données personnelles qui leur était soumise. Pour autant, cette omission qui est susceptible de donner lieu à rectification ne saurait fonder l’annulation du jugement.

Mme X soutient en second lieu que les premiers juges ont commis des erreurs de fait, rejetant ses prétentions en se fondant sur des faits erronés, en considérant d’une part qu’elle aurait divulgué le « montant de certains salaires à ses collègues » sans s’appuyer sur aucun élément factuel, et d’autre part qu’elle avait obtenu le diplôme CAFERIUS dans le cadre d’arrêts de travail, alors qu’elle n’a aucunement tenu compte des pièces produites au soutien de ses demandes,

qu’ils ont en troisième lieu commis une erreur de droit manifeste, considérant que le fait d’avoir suivi une formation pendant la durée d’un congé parental pouvait justifier un licenciement pour faute grave, dépassant le cadre du litige fixé par la lettre de licenciement, laquelle mentionnait uniquement le suivi d’une formation durant des arrêts maladie de « début décembre 2018 à mars 2019 », alors que la période de son congé parental débutait à compter du 1 er avril 2019.

Les premiers juges s’étant conformés aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile précité, il n’y a pas lieu d’annuler leur décision.

Le moyen sera écarté.

Sur le manquement de l’employeur à l’obligation de protection des données personnelles :

Mme X invoque les dispositions du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 dit « RGPD », et en particulier de l’article 32, qui dispose que l’employeur est tenu de garantir la protection des données personnelles de ses salariés notamment à travers la mise en place de « moyens permettant de garantir la confidentialité, l’intégrité, la disponibilité et la résilience constantes des systèmes et des services de traitement », ainsi que de l’article 34, qui énonce « Lorsqu’une violation de données à caractère personnel est susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés d’une personne physique, le responsable du traitement communique la violation de données à caractère personnel à la personne concernée dans les meilleurs délais. »

Elle fait valoir que l’association ATE a failli à ses obligations de protection de ses données personnelles, que durant son congé maternité, ses identifiants personnels ont été utilisés par des stagiaires de l’association ATE afin d’établir des contrats RSA en son nom, cette pratique ayant été encouragée par des cadres de l’association, qu’elle a subi un préjudice du fait des erreurs commises qui lui ont été imputées à tort, la décridibilisant au regard des bénéficiaires du RSA ainsi que des institutionnels.

Elle produit les attestations de Mmes Y et Z ayant respectivement travaillé du 15 août 2017 au 12 février 2018 et du 1er novembre 2017 au 1er février 2018, affirmant avoir procédé à la régularisation de contrats RSA sur le compte de Mme A pendant la suspension de son contrat de travail en utilisant ses identifiants pour avoir accès au logiciel dématérialisé dossier unique d’insertion, Mme Z ajoutant que Mme A a dû faire face aux appels du conseil départemental lui réclamant les deuxièmes exemplaires des contrats d’engagements réciproques (CER) signés des bénéficiaires ainsi qu’à la colère de ces derniers qui n’avaient pu obtenir leurs allocations. Elle produit en outre les courriels du conseil départemental des Alpes Maritimes des 14 et 22 février 2018 réclamant les doubles des CER dans deux dossiers et remettant en cause les décisions prises dans deux autres dossiers.

L’association Accompagnement Promotion Insertion fait justement valoir en réponse que les codes d’accès dont s’agit sont ceux permettant d’accéder aux données des bénéficiaires de l’association pour établir les contrats RSA et de poursuivre l’activité pendant la suspension du contrat de travail des salariés, que ces identifiants ne sauraient donc en aucun cas être considérés comme des données personnelles. En effet, Mme X ne se prévaut d’aucune violation de données personnelles la concernant, de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.

Sur le licenciement pour faute grave :

Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute grave, dont la preuve incombe à l’employeur, se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

Pour qualifier la faute grave, il incombe donc au juge de relever le ou les faits constituant pour le salarié licencié une violation des obligations découlant de son contrat de travail ou des relations de travail susceptible d’être retenue, puis d’apprécier si le fait allégué était de nature à exiger le départ immédiat du salarié.

La lettre de licenciement en date du 7 juin 2019 (expédiée le 6 juin 2019) est ainsi motivée :

‘(…)

Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements fautifs :

En effet, le 25 mars 2019, les bulletins de salaire de l’ensemble des salariés de l’association, ont été imprimés par erreur sur l’imprimante au rez-de-chaussée, dans le bureau que vous partagez avec M. L B en date du 25 mars 2019. A l’occasion de cette erreur inopportune, vous avez eu connaissance des données à caractère personnel et confidentiel de l’ensemble des salariés.

Ne vous contentant pas de les remettre au service comptable ou un cadre de l’association, vous avez analysé, étudié, copié les bulletins et communiqué des informations confidentielles de façon délibérée. Or, nous attirons votre attention sur le fait que les mentions portées sur le bulletin de salaire sont des données sensibles et à caractère purement confidentiel. Conformément à l’article 226-18 du code pénal ‘Le fait de collecter des données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.’

Sur les périodes d’arrêt maladie de début de décembre 2018 à fin mars 2019, vous vous êtes fait prescrire des arrêts maladie afin de pouvoir suivre une formation et cela sans nous transmettre l’accord du médecin conseil de la CPAM.

Par ces faits, vous avez non seulement manqué à un devoir de loyauté envers l’association, mais avez également copié et diffusé des informations sensibles appartenant à vos collègues de travail, au risque de les mettre également en difficulté.

Cette conduite met en cause la bonne marche de l’association. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 23 mars 2019 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.

Ces faits ne sont pas isolés. Vous aviez déjà fait l’objet d’un rappel à l’ordre par courrier daté du 22 novembre 2018.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien, même temporaire, dans l’entreprise s’avère impossible…’

Sur le premier grief

L’association Accompagnement Promotion Insertion fait valoir qu’elle a procédé à une enquête et aux entretiens des collaborateurs présents sur les lieux, que Mme X a également fait l’objet d’une convocation par lettre recommandée datée du 2 mai 2019 présentée à son domicile dès le 4 mai 2019 pour un entretien fixé au 9 mai 2019, qu’elle n’a toutefois retiré le pli que le 13 mai 2019, qu’elle a pu néanmoins pu être entendue sur ces faits lors de l’entretien préalable à son licenciement, sur la base des éléments de l’enquête.

Selon l’employeur, les faits se seraient déroulés comme suit :

Le lundi 25 mars 2019 au siège de l’association ATE, M. O P, en charge de la paie, se livrait depuis le bureau des comptables du 1er étage à l’édition des bulletins de salaire de mars du personnel, que l’impression a toutefois été lancée sur la mauvaise imprimante, située au rez-de-chaussée dans le bureau de M. L B, conseiller en insertion professionnelle, le bureau de Mme X se trouvant à l’intérieur de celui de M. B,

M. B, qui recevait un allocataire RSA, M. C, procédait à l’impression de documents concernant ce dernier, lequel en voulant les récupérer s’est aperçu qu’il s’agissait de bulletins de salaire qui ne le concernaient pas.

Mme X est sortie de son bureau, a pris les bulletins de paie des mains de l’allocataire, tout en déclarant qu’« on allait pouvoir voir les salaires » et ajoutait qu’elle montait prévenir la direction, située au 1er étage, mais ne prévenait, en réalité, que sa collègue, Mme Q R, se trouvant également au 1er étage. Elle déclarait à en outre à sa responsable, Mme H G, « ça t’ennuie pas que des gens qui sont là depuis moins longtemps que toi, gagnent mieux que toi ‘ », tout en lui donnant des exemples de salaire et lui a dit au décours d’une conversation « J’ai les éléments ».

L’employeur indique que cette situation serait corroborée par les comptes-rendus d’entretien.

Il est ainsi restitué comme suit les entretiens des salariés auditionnés.

M. O P :

« C’est le vendredi après la réunion des cadres qu’O a été informé… que des informations sur les bulletins de paye auraient été dupliquées ». Lors d’une conversation officieuse entre D et E, il ressort que « E (U) en échangeant avec Q (R) a appris que F (Mme X) aurait fait des copies ».

L B … D (S T) a parlé quelques jours après avec lui pour éclaircir la situation et selon ses dires, il ne serait pas impliqué dans cette affaire de duplication. Il n’aurait fait que constater que les bulletins avaient été édités et F serait venue récupérer les bulletins. »

Mme E U :

« … lors de la réunion de pilotage le vendredi suivant, E a vu F et lui a dit « alors tu as vu les bulletins de salaire et tu as fait des photocopies’ » F a répondu « moi j’ai rien vu et j’ai rien entendu, j’ai rien photocopié ».

E lui a dit « si tu as vu mon adresse c’est confidentiel, je peux porter plainte contre toi ».

E est persuadée qu’il s’est passé quelque chose car il y a eu des sous-entendus qui l’ont mis mal à l’aise le vendredi suivant l’événement « la nouvelle secrétaire, tu la paies combien ‘ vu les salaires ‘

». Mme G

« F a dit « ça t’ennuie pas que des gens qui sont là depuis moins longtemps que toi gagnes mieux que toi ‘», F donnait des exemples de salaire. H avait l’impression lorsque F parlait qu’elle avait gardé des choses. F a dit au détour de la conversation « j’ai des éléments » et après elle s’est rattrapée.

H a eu l’écho comme quoi une lettre ou un email allait être écrit aux délégués du personnel du fait des disparités de salaire. Ils étaient assez nombreux à vouloir s’adresser aux délégués du personnel ».

M. I, ancien directeur confirme ainsi :

« Suite à l’impression des bulletins de salaire par erreur sur l’imprimante située au rez-de-chaussée à proximité de son bureau, les salariés nous ont fait savoir que des informations sur les données des salaires circulaient. Alertés, les délégués du personnel nous ont interrogé sur les questions des salaires à la réunion qui a suivi l’incident début avril 2019. Les délégués du personnel avaient été submergés de questions par les salariés qui avaient eu connaissance des salaires. Les salaires avaient circulé au sein de toute l’association, sur tous les établissements de Nice et du Cannet. Les délégués du personnel nous avaient alors informé avoir dû rassurer les salariés qui étaient très remontés de cette diffusion d’information inopportune d’information à caractère très personnel et avaient posé beaucoup de questions. Dès lors, nous avons été obligé de déclencher une enquête interne. Les éléments ressortant de cette enquête ont fait ressortir que Mme F A était à l’origine de la diffusion des données de façon malveillante ».

Mme X fait valoir qu’elle a été licenciée sur la base d’accusations dépourvues de tout fondement factuel et objectif,

que les faits qui lui sont reprochés, à supposer qu’il soit avérés, ne peuvent en aucun cas constituer un licenciement pour faute grave,

que les salariés présents le jour des faits attestent tous de son innocence, ainsi,

Mme J, stagiaire auprès de l’association ATE, présente le jour des faits, indique : « Je me rappelle que Mme X a informé aux salariés qu’elle allait prévenir la Direction et elle est montée immédiatement. Elle est redescendue suivie de Mme Q V W assistante de direction, qui a récupéré le tas des fiches de paie pour les remettre au service comptabilité. J’atteste sur l’honneur que je n’ai jamais vu Mme X copier ou divulguer les fiches de paie, j’étais présente à ses côtés au moment des faits »

Mme V W, ancienne assistante de direction atteste avoir été avertie par Mme X de l’impression des bulletins de salaires et avoir immédiatement « informé par mail le directeur M. ARCHEN, son adjointe Mme K, et le responsable informatique M. L ». Elle atteste en outre qu’elle n’a « jamais vu Mme X consulter ou copier les bulletins de salaires ».

Mme AA AB, ancien agent administratif d’accueil présente le jour des faits déclare qu’elle lui a « dit qu’elle allait prévenir sa cheffe de service » qui était occupée au téléphone et l’avoir vu « redescendre quelques secondes plus tard avec Q V W » sa « responsable »

Mme AC AD, assistante de service sociale chez ATE indique qu’elle était présente le jour des faits, s’étonne de ne pas avoir été convoquée au cours de l’enquête interne, et affirme n’avoir jamais vu Mme X consulter photocopier ou divulguer ces fiches de paie,

M. C, allocataire et M. B, confirmant ses déclarations.

S’il n’est pas démontré que la salariée a dupliqué les bulletins de salaire, alors qu’au regard la chronologie des faits, elle n’a pu disposer du temps matériel pour photocopier les documents en cause, l’employeur ne fournissant pour sa part aucune précision temporelle, alors que son bureau se trouve à l’intérieur du bureau de M. L B, lequel se trouvait occupé avec un allocataire, il est toutefois manifeste qu’elle a été en possession d’informations relatives aux salaires de certains de ses collègues et responsables et qu’elle est la première à l’origine de leur diffusion, alors qu’il résulte du dossier que les copies des bulletins de salaire ont été manipulées, M. L B, ayant indiqué dans un premier temps que Mme X avait récupéré les bulletins de salaire (cf déclaration de Mme D S T), contrairement à son attestation établie le 1er septembre 2019, dans laquelle il revient sur ses dires, déclarant « sur l’honneur ne pas avoir vu Mme X AE, consulter, photographier ou copier ces documents qui sont restés dans le bac jusqu’à enlèvement par le cadre hiérarchique », Mme Q R ayant attesté en sa faveur, précisant spontanément avoir trouvé les documents en cause sur l’imprimante « j’ai trouvé une pile de documents se trouvant sur son imprimante », et non dans le bac, que quand bien même les personnes auditionnées n’étaient pas présentes au moment des faits, pour autant ceux-ci sont suffisamment caractérisés, Mme G rapportant que Mme X lui a dit « ça t’ennuie pas que des gens qui sont là depuis moins longtemps que toi gagnes mieux que toi », donnant des exemples de salaire et ajoutant « j’ai les éléments », propos que Mme X ne dénie pas avoir tenus,

qu’elle ajoute en outre avoir été informée de l’intention de nombreux salariés du siège et de l’Ariane de saisir les délégués du personnel, et de fait, la question des disparités et des inégalités de traitement entre les salariés a été évoquée lors de la réunion des délégués du personnel du jeudi 4 avril 2019,

que les attestations produites par Mme X aux fins de contredire ces dires, ne sont d’aucun secours, en ce qu’elles ne permettent pas de corroborer sa version des faits, alors qu’ils émanent de témoins qui ne se trouvaient pas constamment à ses côtés au moment des faits.

Le premier grief sera retenu.

Sur le second grief

L’association Accompagnement Promotion Insertion fait valoir que suivant demande formulée par Mme X, la direction a accepté le principe d’une formation longue durée (Certificat d’Aptitude aux Fonctions d’Encadrement et de Responsable d’Unité d’intervention Sociale – CAFERUIS) dans le cadre du dispositif du congé individuel de formation,

que cette situation avait été formalisée par un document du 8 mars 2017,

que le FONGEClF n’a toutefois pas donné suite à cette demande de financement,

qu’ultérieurement, par courriel du 13 novembre 2018, Mme X a informé Mme AF M, alors chargée des Ressources Humaines, qu’elle souhaitait lui faire part « de nouveaux éléments concernant son projet de formation » et « connaître son avis »,

que suite au courriel en réponse de Mme M proposant de la recevoir le 20 novembre, Mme X lui a transmis, par un second mail du même jour, « les nouveaux éléments concernant » ce projet,

qu’étaient cependant jointes une demande de congés payés suivie d’un congé parental du 9

septembre 2019 au 31 mars 2020, et la copie du document précité du 8 mars 2017 relatif à la formation CAFERUIS, sans la mention « A financer dans le cadre d’un congé individuel de formation »,

que lors de son entretien du 20 novembre 2018, sa demande de suivi de la formation sur le plan de formation, a de nouveau été refusée dès lors qu’elle ne correspondait pas à un besoin de l’association,

que le 22 janvier 2019, elle a de nouveau sollicité un congé parental, désormais sur la période du 1er avril au 30 septembre 2019, ce qui lui a été accordé,

qu’elle a découvert qu’alors que Mme X a fait l’objet de différents arrêts de travail pour maladie, qu’elle suivait la formation CAFERUlS,

qu’elle avait ainsi été en arrêt de travail pour maladie sur la période de cours du 3 au 6 décembre 2018, en congés payés du 1er au 12 janvier 2019, sachant que des cours se déroulaient du 7 au 10 janvier 2019,

qu’elle a été en arrêt de travail pour maladie pour la période du 19 au 20 février 2019, sachant qu’une période de stage était fixée du 18 au 21 février 2019,

qu’elle a par suite été en congés payés du 11 au 23 mars 2019, alors que des cours se déroulaient du 11 au 14 mars 2019 et qu’une période de stage était fixée du 18 au 21 mars 2019,

que conformément à sa demande du 22 janvier 2019, elle a ensuite débuté son congé parental le 1er avril 2019, pour une durée de 6 mois,

que lors de l’entretien préalable, elle a reconnu avoir suivi cette formation, prétendant toutefois qu’elle n’aurait débuté qu’en avril 2019, pendant son congé parental,

qu’il apparaît que suite au refus de prise en charge de sa demande sur le plan de formation, Mme X a délibérément décidé de suivre cette formation, à l’insu de la direction et de la CPAM et en lui faisant supporter partiellement le coût par ses arrêts de travail pour maladie, la trompant ainsi sur son état de santé et la privant indûment de ses services.

Mme X conteste les faits reprochés, soutenant n’avoir pas suivi de formation pendant les périodes indiquées, l’association Accompagnement Promotion Insertion ne rapportant aucune preuve à l’appui de ses allégations. Elle produit notamment l’attestation de suivi de la session d’avril 2019 à septembre 2020.

Aucun élément ne permet de douter du caractère probant de l’attestation fournie, établie le 22 février 2021 par le représentant de l’organisme de formation, l’institut d’enseignement Supérieur de Travail Social de Nice (lESTS), alors que la teneur des informations qui y sont portées n’est pas utilement contredite, le fait que ledit document ne soit pas signé par le Directeur Général, mais par le responsable de formation, n’étant pas de nature à mettre en doute son authenticité, la cour observant par ailleurs qu’en comparant les périodes d’arrêts de travail et les périodes de stage supposées, seules pourraient être retenues les dates du 3 au 6 décembre 2018 et du 19 et 20 février 2019, représentant une faible partie de ses arrêts de travail, les autres dates correspondant à des périodes de congés payés, alors par ailleurs qu’il lui est reproché de « s’être fait prescrire des arrêts maladie pour pouvoir suivre une formation ».

Le grief est insuffisamment caractérisé.

Les faits subsistants présentent un caractère de gravité telle qu’ils faisaient obstacle au maintien de la salariée dans l’entreprise y compris durant le préavis, en ce qu’elle a contrevenu à son obligation générale de discrétion et de confidentialité en procédant à la diffusion de données auxquelles elle a eu accès.

Le licenciement étant motivé par une faute grave, la salariée ne peut prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis, à une indemnité de licenciement, et sera déboutée du surplus de ses prétentions d’indemnisation mal fondées compte tenu de l’issue de l’appel.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice distinct :

En application de l’article 1240, du code civil, des articles 1103 et 1231-1 du code civil, Mme X sollicite la condamnation de l’association Accompagnement Promotion Insertion à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages intérêts compte tenu du caractère brutal et/ou vexatoire du licenciement et du préjudice moral ainsi subi, faisant valoir qu’elle a été licenciée sans avoir été entendue dans le cadre de l’enquête diligentée par l’association, et sans que le rapport d’enquête ne lui ait jamais été communiqué, que les accusations fallacieuses portées à son encontre ont en outre porté atteinte à sa réputation professionnelle et l’ont fortement affectée sur le plan psychologique.

Il résulte du dossier que Mme X a été régulièrement convoquée pour être entendue dans le cadre de l’enquête interne, que cependant, elle a tardé à retirer le pli recommandé ; qu’en tout état de cause, a elle pu faire valoir ses observations lors de l’entretien préalable au cours duquel elle était assistée de deux délégués du personnel, qu’elle ne justifie d’aucune circonstance vexatoire ayant entouré son licenciement, lequel s’est au demeurant avéré justifié, de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct.

Sur les dépens et les frais non-répétibles :

Mme X qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a lieu de la condamner à payer à l’association Accompagnement Promotion Insertion une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 2000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,

Rejette le moyen tiré de la caducité de la déclaration d’appel,

Rejette la demande d’annulation du jugement du conseil de prud’hommes de Nice du 22 juin 2021,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Déboute Mme F A, épouse X de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de protection de ses données personnelles,

Condamne Mme F A, épouse X à payer à l’association Accompagnement Promotion Insertion venant aux droits de l’association ATE une somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme F A, épouse X aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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