La vidéosurveillance installée au sein des EPHAD peut servir à établir une faute du personnel qui n’alimente ou ne promène pas suffisamment les résidents.

Dans cette affaire, il était justifié que l’installation de la vidéo-surveillance a été déclarée à la CNIL et que la préfecture a donné son autorisation pour l’exploitation d’un système de vidéoprotection sur le site de l’établissement Résidence Saint A. à Bois Guillaume par arrêté préfectoral.   

Dès lors, il convient de retenir les attestations de collègues qui attestent qu’il résulte du visionnage de la vidéo-surveillance que les 16 et 17 avril 2017, une résidente n’a pas été sortie de sa chambre et qu’aucun plateau repas ne lui a été amené le midi, ni d’ailleurs au goûter, ce qui est corroboré par le visionnage de la vidéo versée aux débats, peu important en conséquence que Mme X ait ou non rédigé elle-même l’attestation, celle-ci étant en tout état de cause signée par elle.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 07 AVRIL 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 05 Septembre 2019

APPELANTE :

SAS RESIDENCE SAINT A

[…]

[…]

représentée par Me Florent DUGARD de la SCP VANDENBULCKE & DUGARD, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Madame I P épouse X

[…]

[…]

présente

représentée par Me Michel ROSE de la SELARL DPR AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Eléonore LAB SIMON, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 23 Février 2022 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS : M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 23 Février 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Avril 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 07 Avril 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme I X a été engagée en qualité d’infirmière diplômée d’état par la société La résidence Saint A par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 février 2014.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002.

Elle a été licenciée pour faute grave le 13 mai 2017 dans les termes suivants :

‘(…)

– Les manquements à vos obligations et attributions contractuelles fondamentales résultant notamment de l’article II relatif à vos fonctions et attributions, qui vous chargent d’apporter attention et considération aux résidents et de dispenser des soins d’hygiène et de confort, à savoir principalement :

– l’aide au lever, à la toilette, à l’habillage et au coucher,

– la préparation et la délivrance des médicaments aux résidents dans le respect des prescriptions médicales propres à chacun d’eux,

– la surveillance des repas,

– …

– Le non-respect de vos obligations professionnelles fondamentales et inhérentes à votre poste d’infirmière, qui vous obligent à vous assurer du bien-être des résidents, du maintien de leur santé et de leur éveil tant physique, social qu’intellectuel…, toutes obligations que vous n’avez pas correctement réalisées ou suffisamment suivies dans leur réalisation.

– Les comportements managériaux inadaptés, alors même qu’il vous incombait de faire preuve, en tant que chef d’équipe, de l’autorité nécessaire au bon fonctionnement au sein de votre équipe.

– En effet, il a notamment été relevé que :

– Le samedi 18 mars 2017, Mme Y, résidente, n’est pas sortie de sa chambre et aucun plateau repas ne lui a été apporté pour le goûter et le dîner. – Pour la journée du lendemain, le dimanche 19 mars 2017 : elle n’est pas sortie de sa chambre, et aucun plateau repas ne lui a été apporté pour le déjeuner et le goûter.

– Le dimanche 2 avril 2017, la même situation s’est reproduite : Mme Y a été cantonnée dans sa chambre, sans qu’aucun membre de l’équipe soignante ne la lève ou ne lui apporte ses repas pour le déjeuner et le goûter.

– Le week-end de Pâques (du dimanche 16 au lundi 17 avril 2017), encore une fois, une telle attitude s’est reproduite :

Mme Y n’a pas été levée de son lit, n’a pas été sortie de sa chambre de toute la journée, et ses plateaux repas ne lui ont pas été apportés (déjeuner et goûter).

– Face aux absences répétées de Mme Y, notamment dans la salle de restaurant, la famille d’un autre résident et une résidente se sont inquiétées et ont alerté le personnel soignant de l’équipe alternante, qui a lui-même, conscient de la gravité des faits, alerté la direction de la Résidence Saint A.

– Face à ces graves accusations, la Résidence Saint A a alors visionné le système de vidéo-surveillance installée en son sein. Ce visionnage a permis de corroborer les accusations portées par ces familles et personnel soignant…

Une telle attitude est constitutive de maltraitance à l’égard d’une résidente pris en charge : Mme Y, personne vulnérable, a été victime, à plusieurs reprises et sans justification médicale, de cantonnement en chambre, d’isolement et de négligences dans l’administration des soins et dans l’alimentation.

– En réaction, la Résidence Saint A a été contrainte, du fait de vos manquements gravement fautifs, non seulement

d’engager des procédures disciplinaires à l’égard de l’ensemble de votre équipe, mais également, en externe, de rédiger une déclaration de maltraitances à destination de l’ARS.

De la même façon, l’ATMP, représentante du majeur protégé, Mme Y, a été alertée de ces faits.

Votre conduite met en cause la bonne marche de la Résidence.

L’entretien du 10 mai dernier (au cours duquel vous avez reconnu ne pas sortir et/ou lever Mme Y, mais, selon vous, seulement les dimanches, vous avez également systématiquement reporté la responsabilité des manquements constatés sur d’autres salariés, et notamment l’équipe que vous encadrez, en ne prenant nullement conscience de la gravité des faits constitutifs de maltraitance à l’égard des patients de la Résidence) ne nous a donc pas permis de modifier

l’appréciation initialement portée sur les conséquences attachées à ces comportements gravement fautifs, lesquels ne permettent pas d’envisager la poursuite de votre collaboration au sein de notre entreprise. (…)’.

Par requête du 7 mars 2018, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen en contestation du licenciement, ainsi qu’en paiement de rappels de salaire et indemnités.

Par jugement du 5 septembre 2019, le conseil de prud’hommes a :

– dit que le licenciement de Mme X ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et condamné la société La résidence Saint A à verser à Mme X les sommes suivantes :

indemnité compensatrice de préavis : 5 233,58 euros bruts ,•

indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 523,35 euros bruts,•

indemnité de licenciement : 1 789,14 euros,• dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15 000 euros,•

indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros,•

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement pour ses dispositions qui n’en bénéficieraient pas de plein droit,

– débouté la société La résidence Saint A de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens de l’instance.

La société la Résidence Saint A a interjeté appel de cette décision le 25 septembre 2019.

Par conclusions remises le 23 juin 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société La résidence Saint A demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, dire que le licenciement de Mme X repose sur une faute grave et, en conséquence, la débouter de ses demandes, à tout le moins, les réduire à de plus justes proportions, et condamner Mme X aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 3 500 euros au titre des frais d’instance.

Par conclusions remises le 19 février 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Mme X demande à la cour de confirmer le jugement rendu en ce qu’il a retenu que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, infirmer le même jugement sur le quantum des condamnations, en conséquence, condamner la société La résidence Saint A à lui verser les sommes suivantes :

indemnité compensatrice de préavis : 5 318,48 euros,• congés payés sur indemnité compensatrice de préavis : 531,85 euros,• indemnité de licenciement : 1 817,15 euros,• dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 30 000 euros,•

• indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 10 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme X fait valoir qu’il ne peut lui être reproché les faits invoqués au soutien de son licenciement dans la mesure où, recrutée au coefficient 284 de la convention collective, elle ne pouvait exercer aucun management, son rôle ne pouvant qu’être limité à des prestations de soins médicaux, peu important les mentions portées dans son contrat de travail.

Elle conteste par ailleurs la matérialité des faits dès lors que ceux-ci ne sont établis que par le seul visionnage du système de vidéo-surveillance, installé sans déclaration à la CNIL et sans autorisation préalable de la préfecture, mais aussi leur imputabilité dans la mesure où le cantonnement de Mme Y à sa chambre les dimanches résultait d’une décision d’équipe prise par l’infirmier et le médecin coordinateur, comme en témoignent de nombreux salariés.

Enfin, à supposer établi le fait que des plateaux repas n’aient pas été montés à Mme Y, elle explique n’en avoir jamais eu connaissance, et a fortiori n’avoir jamais donné cette instruction, sachant qu’il existait une surcharge de travail empêchant de vérifier la réalisation de chacune des tâches exécutées par les aides soignant.

En réponse, après avoir rappelé, qu’en vertu des textes légaux, les aides soignants et auxiliaires de vie exercent leurs missions sous la responsabilité de l’infirmier, la société La résidence Saint A considère qu’en sa qualité d’infirmière diplômée d’état, Mme X avait la responsabilité des membres de son équipe comme en témoignent d’ailleurs les termes mêmes de son contrat de travail qu’elle n’a jamais remis en cause préalablement à son licenciement.

En ce qui concerne les faits eux-mêmes, elle relève que Mme X en reconnaît une grande partie puisqu’elle admet que Mme Y était confinée dans sa chambre, seule l’absence de portage de repas étant contestée, sachant qu’il ressort de la vidéo surveillance que ce second fait est établi, aussi, et alors qu’elle était responsable de son équipe et qu’aucune instruction n’avait été donnée par le médecin coordinateur pour maintenir Mme X Q, elle estime que ces faits, qui sont constitutifs de maltraitance, justifiaient son licenciement pour faute grave.

Conformément aux dispositions de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle implique qu’elle soit objective, établie et exacte et suffisamment pertinente pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et l’employeur qui l’invoque doit en rapporter la preuve.

En l’espèce, il résulte du contrat de travail de Mme X qu’elle était notamment chargée d’assurer les communications inter équipes, de surveiller les repas, d’assurer les relations avec les médecins afin de permettre le suivi médical des résidents (repérer l’état de santé, identifier les modifications, transmettre les informations, participer aux visites des médecins…), ou encore, de faire preuve, en tant que chef d’équipe, de l’autorité nécessaire au bon fonctionnement au sein de son équipe.

S’il est exact qu’elle a été employée au coefficient 284, créé par avenant n° 17 du 4 mars 2013 à la convention collective de l’hospitalisation privée, soit une classification technicien spécialisé pour laquelle il n’est pas fait mention d’une quelconque notion d’encadrement, il doit néanmoins être relevé que la qualification agent de maîtrise est caractérisée soit, sur le plan médical ou paramédical, par une très grande autonomie et de larges possibilités d’initiative et/ou l’exercice de plusieurs spécialités soit, sur le plan fonctionnel, par l’encadrement (de façon permanente et sous le contrôle de l’employeur ou d’un cadre) et l’animation d’un service comprenant des agents relevant de la position 1 et des niveaux I et II de la position 2 tant au niveau technique que du commandement.

Aussi, outre qu’il importe peu que Mme X ait été éventuellement sous-classée dès lors qu’elle n’a jamais remis en cause les termes mêmes des fonctions listées dans son contrat de travail et qu’elle a ainsi accepté de les réaliser, il doit être relevé qu’elle n’assurait pas un encadrement de façon permanente, celui-ci s’exerçant uniquement durant les week-ends comme en témoigne le planning fourni par la société La résidence Saint A aux termes duquel il apparaît que durant la semaine, M. B, infirmier coordinateur, était également présent lorsque Mme X R.

Il est par ailleurs justifié que l’installation de la vidéo-surveillance a été déclarée à la CNIL le 18 novembre 2009 et que la préfecture a donné son autorisation pour l’exploitation d’un système de vidéo-protection sur le site de l’établissement Résidence Saint A à Bois Guillaume par arrêté préfectoral du 16 novembre 2015.

Dès lors, il convient de retenir les attestations de M. C et Mme D qui attestent qu’il résulte du visionnage de la vidéo-surveillance que les 16 et 17 avril 2017, Mme Y n’a pas été sortie de sa chambre et qu’aucun plateau repas ne lui a été amené le midi, ni d’ailleurs au goûter, ce qui est corroboré par le visionnage de la vidéo versée aux débats, peu important en conséquence que Mme D ait ou non rédigé elle-même l’attestation, celle-ci étant en tout état de cause signée par elle.

Pour le surplus, à défaut d’apporter d’autres preuves, et sans que la société La résidence Saint A puisse s’exonérer de cette charge en invoquant un problème technique de la vidéo-surveillance, les faits reprochés les 18, 19 mars et 2 avril 2017 portant sur l’absence de portage des plateaux repas ne sont nullement établis, de même qu’il ne peut être retenu le fait que Mme Y aurait été maintenue Q le 18 mars dès lors qu’il s’agit d’un samedi et que Mme X ne reconnaît le maintien en chambre que sur les journées du dimanche.

Ainsi, sont établis, ou reconnus, le fait que Mme X a été maintenue Q les 19 mars, 2, 16 et 17 avril, de même qu’il est établi qu’elle n’a pas bénéficié de plateaux repas pour les midis et goûters des 16 et 17 avril.

Néanmoins, Mme X explique avoir maintenu Mme Y Q les dimanches en raison d’une décision prise collectivement lors des transmissions avec le médecin coordinateur, le Dr E, ce que faisait également M. B lors des week-ends qu’il assurait, et produit, pour en justifier, plusieurs attestations de collègues de son équipe.

Ainsi, Mme D indique que Mme Y n’était pas descendue le dimanche en salle à manger, que cela avait été discuté avec le Dr E et M. B au moment des transmissions avec toute l’équipe, qu’il s’agissait d’une décision collégiale, ce que confirme M. C, mais aussi Mme F qui indique qu’ils en avaient parlé aux transmissions un lundi matin en présence de M. B.

Enfin, tant Mme D que Mme F précisent que lorsque M. B travaillait le dimanche, Mme Y n’était pas davantage descendue.

Contestant la réalité de cette transmission orale, la société La résidence Saint A produit un certain nombre d’attestations contraires.

Ainsi, Mme G atteste que le 20 avril 2017, alors que Mme H lui posait des questions sur le comportement de Mme X vis-à-vis des résidents, et en particulier Mme Y, elle lui a répondu que tous les dimanches où elle travaillait, Mme Y n’avait ni soins, ni repas et que I (Mme X) passait son temps en entraînant l’équipe en salle de pause et salle à manger devant la télévision, précisant avoir reçu des menaces de sa part car elle n’adhérait pas à ses agissements.

Il ne peut cependant être apportée aucune force probante à cet écrit dès lors qu’il est attesté par de nombreux autres salariés qu’une altercation l’a opposée à Mme X le 6 mars 2017et qu’à cette occasion, elle lui a tenu des propos vengeurs, sachant que les seules menaces évoquées émanaient d’elle et non de Mme X.

Par ailleurs, s’il résulte de l’attestation de M. B qu’un tel alitement comporte de nombreux risques (fonte musculaire, escarres, rétention urinaire, problème de circulation sanguine, isolement social), ce qui justifie, sauf urgence, une décision pluridisciplinaire, laquelle doit être, en vertu des textes, prise par écrit, et qu’en l’occurrence, aucune transmission écrite, ni aucune mention dans le plan de soin de Mme Y n’apparaît, il doit néanmoins être relevé qu’il n’évoque à aucun moment l’absence de toute transmission orale en ce sens à l’équipe de Mme X en sa présence.

A cet égard, et sans remettre en cause les attestations de Mme J, auxiliaire de vie, et Mme K, infirmière, qui confirment que le médecin coordinateur n’a jamais ordonné à leur équipe, ni par écrit, ni par oral, de laisser Mme Y Q les week-ends, précisant que sur leur équipe, Mme Y était levée chaque jour, week-ends et jours fériés compris, elles ne peuvent cependant, à défaut d’avoir été présentes aux transmissions faites avec l’équipe de Mme X, remettre utilement en cause les dires de M. C, Mme D et Mme F.

Aussi, reste l’attestation du Dr E aux termes de laquelle il affirme ne jamais avoir été au courant de la décision de ne pas lever Mme Y et de la laisser en chambre le dimanche, précisant que si cette décision avait été prise en ‘équipe’, il l’aurait fait appliquer aussi par l’autre équipe et noté dans les transmissions.

Néanmoins, cette seule attestation, face à trois autres attestations, qui ont toutes la même force probante, ne permet pas de la retenir comme étant suffisamment convaincante pour écarter tout doute quant à la réalité du manquement reproché à Mme X, sachant que le Dr E est un des protagonistes de cette affaire, une telle décision, même ponctuelle, devant faire l’objet d’un écrit.

Enfin, et alors que Mme X produit des éléments tendant à corroborer une pratique identique sur les week-ends assurés par M. B, il doit être constaté que son attestation à ce sujet reste relativement floue puisque, s’il explique que pour les dimanches de 2016 qu’il assurait, Mme Y a toujours été mise au fauteuil et descendue, il explique simplement pour ceux de 2017 qu’il n’était pas présent sur le premier trimestre 2017, sans cependant évoquer les dimanches du mois d’avril, pourtant également concernés.

A cet égard, ce flou n’est pas levé par la société La résidence Saint A qui ne produit pour seuls plannings que ceux assurés par Mme X, de même qu’elle ne produit que les extraits du cahier de transmission relatifs aux week-ends assurés par elle, interdisant ainsi tout regard sur les pratiques opérées sur les autres week-ends.

Enfin, contrairement à ce que soutient la société La résidence Saint A, il résulte clairement de l’attestation de Mme L que les enfants d’un des résidents lui ont fait une remarque sur le fait que Mme Y n’était jamais présente les week-ends, sans qu’il ne puisse être opéré aucune distinction entre les week-ends assurés par Mme X et les autres.

Au vu de ces éléments, et alors que le doute doit profiter au salarié, il convient de retenir qu’il n’est pas suffisamment établi que Mme X aurait, de sa propre initiative, et sans en discuter avec le médecin et l’infirmier coordinateur, maintenu Mme Y dans son lit les dimanches, et ce, en faisant passer au second plan le bien-être de cette résidente, et non dans l’objectif de lui permettre de se reposer une journée par semaine.

Au contraire, pour la journée du 17 avril, la situation est différente dans la mesure où il s’agissait d’un lundi et que, bien qu’il corresponde à un jour férié, Mme X n’invoque aucune décision collective qui justifierait un maintien en chambre, pas plus, évidemment, qu’il ne peut être justifié que Mme Y n’ait bénéficié d’aucun repas pour les midis et goûters des 16 et 17 avril.

Aussi, il convient d’examiner si ces faits peuvent lui être imputés, notamment au regard de la charge de travail dénoncée.

Si, comme vu précédemment, le fait que Mme X ait été engagée au coefficient 284 ne peut l’exonérer de sa responsabilité quant aux fonctions listées dans son contrat de travail, lesquelles comportent la surveillance des repas, il est néanmoins de la responsabilité de l’employeur de mettre à disposition de ses salariés les moyens nécessaires pour exercer ses fonctions.

Or, il résulte d’un courrier du 12 juin 2016 cosigné par l’ensemble de l’équipe de Mme X que la direction avait été alertée sur la surcharge de travail rendant impossible la réalisation des tâches confiées dans de bonnes conditions, sans qu’il ne soit produit par la société La résidence Saint A de quelconques éléments permettant de justifier de l’adaptation des moyens au nombre de résidents pris en charge.

En outre, cette surcharge de travail est corroborée par la production de l’attestation de Mme M, infirmière ayant fait des remplacements en 2013 et 2014, qui fait état d’une charge de travail intense, qualifiant de maltraitance le fait de travailler dans de telles conditions et précisant n’avoir jamais été confrontée, en 40 ans, à une telle organisation où tout repose sur l’infirmière pour plus de 40 résidents.

S’agissant plus particulièrement de l’organisation des repas, elle explique que les infirmières avaient un regard très succinct sur leur déroulement car leur pause était de 12h30 à 14h30, ce qui est corroboré par les plannings de l’employeur, et qu’ainsi, s’il y avait un problème particulier, il appartenait à l’aide soignante ou la cuisinière de leur faire un rapport ou, à défaut, de faire une transmission écrite, sachant que pour les repas en chambre, cela se faisait sous la responsabilité de la cuisinière qui comptabilisait les repas distribués.

Au surplus, il doit être noté qu’outre cette surcharge de travail habituel, il résulte de plusieurs attestations de salariés et du visionnage de la vidéo que le dimanche 16 avril, vers 13h, soit sur les horaires de repas, l’alarme incendie s’est déclenchée, entraînant la fermeture des portes coupe-feu et l’ouverture de la porte d’entrée sans que le cadre de permanence, M. N, n’intervienne avant 20h, nécessitant ainsi que le personnel présent assure une présence auprès de la porte d’entrée pour éviter toute fugue ou entrée inappropriée.

Enfin, s’il est justifié que la direction de la société La résidence Saint A se tourne vers la responsable de l’équipe au vu du dysfonctionnement grave que constitue l’absence de tout repas apporté à une résidente sur les horaires du midi et du goûter sur deux jours, il ne peut néanmoins qu’être constaté qu’il n’est produit aucun élément permettant de comprendre pour quelles raisons la personne directement chargée de distribuer ce repas et de faire manger Mme Y, totalement dépendante, ne l’a pas fait, sachant qu’il n’est même pas établi quel était le salarié chargé de cette tâche.

Or, alors que Mme X était en pause sur cet horaire, et qu’elle ne pouvait, en tout état de cause, suivre chacun des membres de son équipe dans la réalisation de ses tâches, cette explication apparaît essentielle pour déterminer sa faute et engager sa responsabilité.

Au vu de ces éléments, il convient de dire qu’il ne peut être retenu une faute de Mme X s’agissant de l’absence de portage de repas pour le 16 avril 2017.

Au contraire pour le 17 avril, et quand bien même Mme O explique que Mme X lui a demandé de lever Mme Y, il ressort des développements précédents, que tel n’a pas été le cas et il ne peut, dans cette situation, être invoqué la surcharge de travail, laquelle ne pouvait conduire à ignorer l’absence d’une résidente dans les parties communes.

Il convient en conséquence de retenir une faute de Mme X consistant à avoir permis l’alitement d’une personne totalement dépendante deux jours de suite, et ce, sans s’assurer plus particulièrement de son bien-être sur cette deuxième journée d’alitement, ce qui a conduit à ce qu’elle soit privée de repas le midi un deuxième jour consécutif.

Aussi, et si, tenant compte du caractère isolé de cette faute, il ne pouvait être prononcé un licenciement pour faute grave, il convient au contraire de retenir le caractère réel et sérieux du licenciement.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement, de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, et non sur une faute grave et de débouter en conséquence Mme X de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, il y a lieu, compte tenu des indemnités régulièrement perçues au titre des sujétions, de retenir le montant du salaire revendiqué par Mme X, soit 2 659,24 euros, pour calculer l’indemnité de licenciement et l’indemnité compensatrice de préavis et de faire droit à ses demandes, ses calculs n’étant pas en soi remis en cause par la société La résidence Saint A.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société La résidence Saint A aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à Mme X la somme de 1 000 euros sur ce même fondement, en plus de la somme allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement,

Confirme le jugement en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme I X repose sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave ;

Déboute Mme I X de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS La résidence Saint A à payer à Mme I X les sommes suivantes :

indemnité compensatrice de préavis : 5 318,48 euros• congés payés sur indemnité compensatrice•

de préavis : 531,85 euros

indemnité de licenciement : 1 817,15 euros•

Condamne la SAS La résidence Saint A à payer à Mme I X la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS La résidence Saint A de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS La résidence Saint A aux entiers dépens.

La greffière La présidente

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