Au nombre des moyens invoqués par le salarié pour contester la sanction prononcée à son encontre, figure le caractère illicite de l’utilisation par l’employeur du relevé des contrôles d’accès pour justifier du caractère prématuré de ses départs de son lieu de travail.

L’employeur, sans autrement en justifier, affirme qu’un tel moyen ne peut plus être invoqué, la déclaration à la CNIL n’étant plus exigée dès lors qu’il dispose d’un correspondant informatique et liberté (devenu DPO) et produit la déclaration adressée à la CNIL intitulée « Améliorer la sécurité des personnes et des biens et contribuer au renforcement des mesures de sûreté dans le cadre du fret utilisant un aéronef » relatif au contrôle d’accès par badge concernant le contrôle des individus (clients, visiteurs, sous-traitants, personnels intérimaires) ne permettant expressément ni de servir au relevé de la durée de la relation de travail, ni à une interconnexion de fichiers dont les finalités sont différentes et précisant que les personnes concernées en sont informées par la remise d’un document.

Il résulte de la déclaration produite que le dispositif d’enregistrement des badgeages ne pouvait servir à l’enregistrement de la durée du travail, ce qui suffit à retenir que la pièce présentée produite par l’employeur est inopposable au salarié, comme constituant un moyen de preuve illicite.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 21 JANVIER 2022

8ème Ch Prud’homale

N° RG 19/00632 – N° Portalis DBVL-V-B7D-PPYA

M. A X

C/

SAS CHRONOPOST

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur B BELLOIR, Conseiller,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur B C, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Octobre 2021

devant Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame D E, Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Janvier 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT et intimé à titre incident :

Monsieur A X

né le […] à […]

demeurant […]

[…]

Représenté par Me Jean-Christophe F, Avocat au Barreau de NANTES

INTIMÉE et appelante à titre incident :

La SAS CHRONOPOST prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[…]

[…]

Représentée par Me Jean-F CHAUDET de la SCP JEAN-F CHAUDET, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Amaury GAULTIER, Avocat plaidant du Barreau de SAINT-MALO

M. A X a été embauché le 20 juin 1995 par la Société CHRONOPOST dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité de Chauffeur livreur coefficient 118 de la Convention collective des transports routiers.

Le 30 décembre 2016, M. A X a quitté l’entreprise à 11h pour accompagner son fils handicapé à un examen du permis de conduire en dépit du refus de son supérieur hiérarchique lui ayant enjoint la veille au moment où il l’informait de son absence, d’être présent à une réunion obligatoire.

Le jour même, M. X s’est vu remettre en main propre une convocation à un entretien préalable qui s’est tenu le 10 janvier 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 janvier 2017, la société CHRONOPOST a notifié à M. X une mise à pied disciplinaire d’un jour, pour être arrivé en retard de quarante minutes le mercredi 28 décembre 2016, en indiquant qu’il avait pris son poste à son horaire habituel.

Le 31 janvier 2017, M. X a fait l’objet d’une nouvelle convocation à un entretien préalable prévu le 10 février 2017, avant d’être licencié pour faute grave le 21 avril 2017, pour avoir quitté l’entreprise avant la fin de poste sans autorisation, refusé d’obtempérer, adopté une attitude nonchalante et irrespectueuse, pris des libertés sur ses horaires de travail.

Le 7 juillet 2017, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de:

‘ Condamner la société CHRONOPOST au paiement des sommes suivantes :

– 71.935,20 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 4.795,68 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 479,56 € brut au titre des congés payés afférents,

– 14.259,16 € à titre d’indemnité de licenciement,

– 1.500 € au titre l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Remise d’un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés, tous documents conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100€ par jour de retard, le conseil se réservant compétence pour liquider 1’astreinte,

‘ Intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil pour les sommes ayant le caractère de salaire et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes,

‘ Application de l’article 1154 du code civil,

‘ Fixer la moyenne mensuelle brut des salaires à la somme de 2.397,84 €,

‘ Exécution provisoire (articles 514 et 515 du CPC),

‘ Condamner aux entiers dépens.

La cour est saisie de l’appel régulièrement formé le 29 janvier 2019 par M. A X contre le jugement du 17 janvier 2019 notifié le 24 janvier 2019 par lequel le conseil de prud’hommes de Nantes, a :

‘ Requalifié le licenciement pour faute grave de M. X en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

‘ Condamné la société CHRONOPOST à verser à M. X les sommes de :

– 14.259,16 € à titre d’indemnité de licenciement,

– 4.795,68 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 479,56 € brut au titre des congés payés afférents,

– 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Lesdites sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine du conseil pour les sommes à caractère salarial et à compter de la date de la notification du jugement pour les autres sommes,

Les intérêts produisant eux-mêmes des intérêts conformément à l’article 1154 du code civil,

‘ Fixé en tant que de besoin la moyenne des salaires à la somme de 2.397,84 € brut,

‘ Ordonné à la société CHRONOPOST de remettre à M. X les documents suivants: un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiée, tous ces documents conformes à la décision intervenue, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 15ème jour et ce jusqu’au 45ème jour à dater de la date de notification de la décision, le conseil se réservant compétence pour liquider cette astreinte,

‘ Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement en la totalité de ses chefs de condamnations,

‘ Débouté M. X du surplus de ses demandes,

‘ Débouté la société CHRONOPOST de ses demandes reconventionnelles,

‘ Condamné la société CHRONOPOST aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 5 avril 2019, suivant lesquelles M. X demande à la cour de :

‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Condamné la société CHRONOPOST à verser M. X les sommes suivantes :

– 4.795,68 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 479,56 € brut au titre des congés payés afférents,

– 14.259,16 € à titre d’indemnité de licenciement,

– 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné à remettre à M. X un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés, tous documents conformes à la décision à intervenir et sous astreinte de 100 € par jour de retard, le conseil de prud’hommes se réservant compétence pour liquider cette astreinte,

‘ Infirmer le jugement entrepris pour le surplus et, jugeant de nouveau :

‘ Dire que la rupture du contrat de travail de M. X doit s’analyser comme étant un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

par conséquent,

‘ Condamner la société CHRONOPOST à lui verser :

– 71.935,20 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2.500 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,

‘ Dire que ces sommes porteront intérêts de droit à compter de l’introduction de l’instance pour celles ayant le caractère de salaire, et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes,

‘ Dire que les intérêts se capitaliseront en application de l’article 1154 du code civil,

‘ Condamner CHRONOPOST aux entiers dépens de la présente instance.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 5 juillet 2019, suivant lesquelles la société CHRONOPOST demande à la cour de :

Accueillant l’appel incident formé par la société CHRONOPOST,

‘ Réformer le jugement entrepris,

Constatant l’existence de fautes graves à l’égard de M. X,

A titre principal,

‘ Dire bien fondé le licenciement pour faute grave de M. X,

‘ Débouter M. X de toutes ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

‘ Réduire l’ensemble des demandes indemnitaires de M. X aux minima légaux,

‘ Débouter M. X de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

En tout état de cause,

‘ Condamner M. X à payer à la société CHRONOPOST la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens de l’instance.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 30 septembre 2021.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement :

Pour infirmation et caractère infondé de son licenciement, M. X expose que les départs anticipés qui lui sont reprochés ne sont pas fautifs, en l’absence totale de conséquence sur la qualité de son travail, qu’il ne s’agit que d’une reprise de pause non prise, admise par la hiérarchie, que la veille du 30 décembre, il avait informé son supérieur de la nécessité d’accompagner son fils handicapé à l’examen du permis de conduire et s’était vu opposer un refus au motif d’une réunion alors que trois chauffeurs étaient en congés, qu’il lui est reproché des faits antérieurs à la mise à pied en faisant un usage illicite du système de pointage, que les termes insultants qui lui sont reprochés ont été déformés, qu’il a toujours fait l’objet d’entretiens professionnels dithyrambiques notamment sur sa ponctualité et la satisfaction des clients, qu’il était en conflit avec son supérieur et n’a pas été remplacé.

La société CHRONOPOST rétorque que le comportement gravement fautif du salarié est fondé sur le non-respect des horaires de travail et leur falsification et l’insulte du 24 janvier 2017 adressée à la hiérarchie en sortant d’un entretien disciplinaire, que l’intéressé ne produit aucune attestation de supérieur hiérarchique concernant la tolérance alléguée mais seulement de collègues, la plupart de l’équipe de l’après midi soumise à des règles différentes et ce, en contradiction avec les termes de la pétition, qu’il ne s’agit pas d’une question de minutes mais de loyauté envers l’employeur, qu’il ne peut justifier son insubordination résultant de son absence à une réunion obligatoire, ni l’insulte proférée à l’égard de la hiérarchie sous prétexte d’énervement.

Il résulte des articles’L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle fait obstacle au maintien du salarié dans l’entreprise y compris pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En application des dispositions de l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

En application des dispositions de l’article L1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut , à lui seul, donner lieu à l’engagement de poursuites disciplinaires au delà de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance ; lorsqu’un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur de rapporter lui-même la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de la procédure disciplinaire ; l’existence de faits commis dans cette période permet l’examen de faits plus anciens relevant du même comportement, reproduits dans la période ;

Par ailleurs, une sanction déjà prononcée fait obstacle au prononcé d’une seconde sanction pour les mêmes faits ; la première peut être rappelée lors d’un licenciement ultérieur, pour conforter les griefs fondant celui-ci, mais ce rappel n’est possible que si elle n’est pas antérieure de plus de trois ans ;

Il résulte notamment de ces principes que seuls les faits dénoncés dans la lettre de licenciement doivent être pris en compte à condition qu’ils ne soient pas antérieurs de plus de deux mois à l’engagement de la procédure, à l’exclusion de faits relevant éventuellement du même comportement s’ils n’ont pas été invoqués et plus encore de faits relevant d’un autre comportement, spécialement s’ils sont antérieurs de plus de deux mois

La lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi rédigée :

Le jeudi 29 décembre 2016, F Y votre animateur d’équipe vous a averti ainsi que les autres membres de l’équipe d’une réunion le lendemain, soit le vendredi 30 décembre à 12h. Vous avez affirmé avoir un rendez-vous personnel ce jour-là et que vous ne pourriez pas assister à cette réunion.

M. Y vous a alors signifié que cette réunion était obligatoire et positionnée sur vos horaires de travail, sachant que votre fin de service est à 12h38mn.

Or, le 30 décembre, jour de la réunion, vous êtes tout de même parti à 11h38 en confirmant que vous ne pourriez pas assister à la réunion.

Votre départ de l’entreprise avant la fin de service prévu est sans autorisation, se traduit en un abandon de poste, soit une attitude contraire aux dispositions du règlement intérieur qui dans son article trois alinéa a, consacré à l’horaire de travail précise : « le personnel est tenu d’observer l’horaire de travail fixé. En conséquence, tout salarié doit se trouver à son poste, enfin du travail, ou fixé pour le début et pour la fin de celui-ci. (‘) Pendant la durée du travail le personnel doit tout son temps à l’entreprise. Il ne peut quitter celle-ci, ni s’absenter de son poste de travail, sans autorisation.

De surcroît, ce faisant, vous avez refusé délibérément obtempérer à une directive de votre responsable qui vous demandait de respecter vos horaires et d’assister à la réunion.

Vous avez fait preuve d’insubordination, envers votre animateur d’équipe. Un tel comportement est inadmissible dans le cadre de votre activité professionnelle et contrevient aux dispositions du règlement intérieur applicable dans l’entreprise qui prévoit en son article trois « que tout salarié doit s’abstenir d’effectuer tout acte qui serait de nature à troubler la sécurité, l’ordre ou la discipline ».

Lors de notre entretien, vous avez déclaré ne pas pouvoir rester jusqu’à votre fin de service car vous deviez accompagner votre fils à l’examen du code de la route qui avait lieu à 14 heures.

Vous auriez dû solliciter une absence exceptionnelle auprès de votre supérieur dès que possible, or la convocation que vous nous avez fournie, (seulement lors de l’entretien) datée du 23 décembre 2016.

Vos propos quelque peu embrouillés tendent à démontrer que vous aviez pris l’option de quitter votre poste une heure plutôt sans en rendre compte à personne. En effet, vous avez attendu d’être mis devant le fait accompli, la veille, pour informer votre manager que vous partiriez plutôt le lendemain. On peut donc supposer que sans cette réunion, vous seriez partis plutôt sans que votre responsable soit au courant.

Cette attitude nonchalante et irrespectueuse vis-à-vis de votre manager et des règles de l’entreprise est un manquement grave à vos obligations contractuelles. Elle démontre un refus de contrôle de l’exécution de vos horaires, et plus généralement un refus d’autorité hiérarchique vis-à-vis d’exécution de votre travail. En effet après vérification, nous nous sommes rendus compte que vous aviez pris des libertés quant à vos horaires de débauche. Pour rappel, votre horaire de service est 4h50 ‘ 12h38.

Depuis le déménagement de l’agence à Carquefou le 17 octobre 2016, et sachant que nous ne pouvons pas archiver les informations antérieures, nous avons mis en évidence les débauches anticipées et non autorisées suivantes :

– Le 21/10/16 départ 12h25

– Le 24/10/16 départ 12h25

– Le 27/10/16 départ 12h20

– Le 17/11/16 départ12h26

– Le 22/11/16 départ 12h34

– Le 5/12/16 départ 12h34

– Le 6/12/16 départ 12h34

– Le 12/12/16 départ 12h33

– Le 19/12/16 départ.12h29

– Le 20/12/16 départ 12h29

– Le 23/12/16 départ 12h20

– Le 2/01/17 départ 11h38

– Le 9/01/17 départ 12h25

– Le 16/01/17 départ 12h25

ainsi, non seulement, vous quittez me pose de travail avant la fin du service, mais de surcroît vous indiquez volontairement un horaire de débauche correspondant à votre horaire contractuel soit 12h38. Donc, d’une part vous n’avez pas averti votre responsable, F Y, animateur d’équipe de ces départs anticipés récurrents, et d’autre part vous avait indiqué à chaque fois une heure de départ 12h38 en renseignant motif horaire de présence.

Vous avez contrevenu à l’article trois du règlement intérieur : « le personnel est tenu d’observer l’horaire de travail fixé.

En conséquence tout salarié doit se trouver à son poste en tenue de travail, aux heures fixées pour le début et pour la fin de celui-ci (‘) ; compte tenu de la nature de l’activité de l’entreprise et d’organisation du travail, la direction attache une importance toute particulière à la ponctualité ».

De plus vous avez effectué des fausses déclarations horaires : vous avez donc sciemment falsifié le système auto déclaratif.

Ces faits sont d’autant plus graves que dans un premier temps vous avez fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire le 1er février 2017, pour des faits similaires, en raison d’un retard de 40 minutes le 28 décembre dernier et pour lequel vous avez de surcroît falsifié votre horaire d’arrivée en indiquant 4h50 au lieu de 5h31;

et que dans un second temps vous avez refusé le 24/01/17 la notification par remise en main propre par le responsable d’exploitation de cette mise à pied. Et déclaré devant l’animateur d’équipe collecte M. G H : « quelle bande de cons» en sortant du bureau.

Lors de notre entretien, vous avez confirmé cette déclaration. En revanche vous êtes justifiés en expliquant que vous réagissez un SMS de vos collègues.

Cependant, G H vous avait demandé de confirmer vos propos et vous lui avez clairement répondu :« une mise à pied pour cela c’est vraiment n’importe quoi » sachant par ailleurs, que I J le responsable

d’exploitation a confirmé vous avoir entendu dire « dans deux camps » depuis son bureau.

Nonobstant, l’absence de reconnaissance de vos manquements, vous vous permettez d’insulter vos responsables. Ce comportement grave et intolérable et une nouvelle fois constitutive (sic) d’une insubordination contraire au règlement intérieur comme préalablement citées ci-dessus.

Aussi, nous vous notifions par le présent courrier de licenciement pour faute grave qui prend un effet immédiat ce jour(…)» ;

Au nombre des moyens invoqués par le salarié pour contester la sanction prononcée à son encontre, figure le caractère illicite de l’utilisation par l’employeur du relevé des contrôles d’accès pour justifier du caractère prématuré de ses départs de son lieu de travail. L’employeur, sans autrement en justifier, affirme qu’un tel moyen ne peut plus être invoqué, la déclaration à la CNIL n’étant plus exigée dès lors qu’il dispose d’un correspondant informatique et liberté (devenu DPO) et produit la déclaration adressée à la CNIL intitulée « Améliorer la sécurité des personnes et des biens et contribuer au renforcement des mesures de sûreté dans le cadre du fret utilisant un aéronef » relatif au contrôle d’accès par badge concernant le contrôle des individus (clients, visiteurs, sous-traitants, personnels intérimaires) ne permettant expressément ni de servir au relevé de la durée de la relation de travail, ni à une interconnexion de fichiers dont les finalités sont différentes et précisant que les personnes concernées en sont informées par la remise d’un document.

Il résulte de la déclaration produite que le dispositif d’enregistrement des badgeages ne pouvait servir à l’enregistrement de la durée du travail, ce qui suffit à retenir que la pièce 4 produite par l’employeur est inopposable au salarié, comme constituant un moyen de preuve illicite.

Nonobstant l’inopposabilité de ce moyen de preuve, il appert que le débauchage anticipé n’est pas en soi discuté puisque M. A X produit quatre attestations de salariés qui confirment la tolérance évoquée par l’intéressé, arguant du fait que pour répondre de manière satisfaisante à la demande de leurs clients ou sous-traitants, ils étaient obligés de réduire leur pause précédant leur départ en tournée, pause qu’ils récupéraient à la fin de leur service en partant plus tôt tout en mentionnant l’heure théorique à laquelle ils auraient du débaucher, la circonstance que certains d’entre eux ne soient pas de l’équipe du matin étant à cet égard indifférente.

En outre, M. A X produit les attestations de sous-traitants ou de prestataires louant la qualité de ses prestations et ses qualités humaines ainsi que celle de M. Z, son ancien chef d’équipe pendant 14 ans, louant également ses qualités professionnelles et précisant qu’il l’avertissait systématiquement en cas de retard de prise de poste ou de départ anticipé qu’il rattrapait sur son ordre.

Du fait du développement qui précède, le départ anticipé dans les circonstances ainsi rapportées ne caractérise pas en soi un comportement fautif du salarié.

Dans ces conditions, seuls les griefs relatifs au départ anticipé du 30 décembre 2016 et à l’attitude irrespectueuse du salarié à l’égard de son responsable d’exploitation sont susceptibles de fonder le licenciement.

S’agissant de l’expression « quelle bande de cons » formulée par M. A X au sortir du bureau du chef d’exploitation et confirmée à M. G H qui l’avait entendue, il y a lieu de retenir qu’une telle formulation, même suffisamment forte pour que le chef d’exploitation puisse l’entendre au travers de la porte que le salarié fermait, ne peut en soi caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement en ce qu’elle constitue l’expression à haute voix du dépit du salarié qui venait se voir notifier sa mise à pied d’une journée pour un retard de 40 minutes qu’il estimait injustifiée.

En ce qui concerne le départ prématurée de M. A X en mentionnant un horaire non conforme et l’insubordination résultant de son refus de se conformer à l’obligation d’assister à une réunion sur le temps de travail qui lui avait été rappelée, il est patent que M. A X s’est délibérément affranchi de cette injonction, peu important qu’il n’ait été informé de cette réunion que la veille quand il fait part du motif d’absence qu’il invoque, alors qu’il avait la faculté de solliciter une autorisation d’absence bien en amont, dès qu’il avait eu connaissance de la convocation de son fils à l’examen du permis de conduire.

Il est en outre reconnu que M. A X a mentionné son heure habituelle de débauchage alors qu’il est établi qu’il a effectivement quitté l’entreprise à onze heures, cependant ce manquement dont rien ne permet de retenir le caractère délibéré, n’est pas en soi autonome par rapport au manquement résultant du départ prématuré du salarié en s’affranchissant des instructions de son supérieur hiérarchique, la circonstance qu’il ait réalisé sa tournée dans son intégralité étant de ce fait indifférente.

Pour minimiser la gravité de son comportement, M. A X fait valoir que jusqu’en décembre 2016, il avait des évaluations élogieuses et produit l’évaluation du 25 février 2016 mentionnant qu’il avait atteint tous les objectifs qui lui avaient été assignés et soutient qu’il n’aurait pas fait l’objet de remarque.

Or, l’employeur produit au débat une lettre d’observation de 2005 relative à l’utilisation à des fins personnelle de matériel de l’entreprise, un avertissement de mars 2012 concernant un accrochage avec un véhicule sur un site de livraison et un avertissement en mars 2013 concernant la restitution d’un véhicule prêté sans refaire le plein.

Cependant, il doit être relevé qu’une lettre d’observation ne constitue pas une sanction disciplinaire, que les faits ainsi rappelés qui sont tous d’une nature différente et anciens de plus de trois ans, de sorte que leur prise en compte dans l’appréciation du passé disciplinaire du salarié doit être relativisé.

Ce faisant, à compter 30 décembre 2016, date des faits qui sont imputés à faute au salarié, l’employeur qui ne pouvait ignorer le manquement à l’origine de la mise à pied disciplinaire qui sera notifiée le 24 janvier 2017 et qu’il invoque pour caractériser la réitération du même comportement, n’a à aucun moment mis à pied le salarié à titre conservatoire.

Dans le contexte rapporté, l’absence de mise à pied conservatoire de M. A X démontre que le manquement retenu ne faisait pas obstacle à la poursuite de son contrat de travail et de fait lui ôte le caractère de gravité allégué.

Compte tenu de la nature des antécédents disciplinaires de M. A X au regard d’une ancienneté de plus de 25 ans et compte tenu des appréciations élogieuses dont sa manière de servir faisait l’objet de la part de ses interlocuteurs, le licenciement de M. A X pour faute grave est manifestement disproportionné.

Il y a lieu en conséquence de réformer le jugement entrepris et de déclarer le licenciement de M. A X dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement :

En application de l’article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l’effectif du personnel de l’entreprise, de la perte d’une ancienneté de 21 ans et 10 mois pour un salarié âgé de 51 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à l’égard du salarié qui justifie de son inscription à Pôle Emploi jusqu’au 31 décembre 2017 et de la perception de l’ARE à concurrence d’une indemnité quotidienne de 82,14 € sans autre information sur la rémunération perçue au cours des six derniers mois ni de sa situation au delà du 31 décembre 2017, ainsi que cela résulte des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l’article L. 1235-3 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 27.000 € net à titre de dommages-intérêts ;

Aux termes de l’article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l’ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Selon l’article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, ou si l’inexécution résulte du commun accord des parties, à une indemnité compensatrice.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut donc prétendre aux indemnités de licenciement, compensatrice de préavis et de congés afférents, il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement entrepris de ces chefs pour les sommes non autrement contestées.

Sur la capitalisation des intérêts :

En application de l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est régulièrement demandée ; il doit être fait droit à cette demande, la décision entreprise étant confirmée de ce chef’;

Sur la remise des documents sociaux :

La demande de remise de documents sociaux conformes est fondée ; la décision entreprise sera confirmée sans qu’il y ait lieu à astreinte ;

Sur le remboursement ASSEDIC :

En application de l’article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées

Les conditions d’application de l’article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l’espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l’employeur fautif, est de droit ; ce remboursement sera ordonné tel qu’il est dit au dispositif ;

Sur l’article 700 du Code de procédure civile :

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser le salarié des frais irrépétibles qu’il a pu exposer pour assurer sa défense en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

DÉCLARE le licenciement de M. A X dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS CHRONOPOST à payer à M. A X 27.000 € brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

DIT n’y avoir lieu d’assortir la remise des documents sociaux d’une astreinte,

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS CHRONOPOST à payer à M. A X 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

DÉBOUTE la SAS CHRONOPOST de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

ORDONNE le remboursement par la SAS CHRONOPOST à l’organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. A X dans les limites des six mois de l’article L 1235-4 du code du travail.

CONDAMNE la SAS CHRONOPOST aux entiers dépens de première instance et d’appel,

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

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